Le mariage entre la biologie moléculaire et les modèles informatiques a produit de formidables outils d'analyse.

Grâce à eux, notre code génétique livre ses secrets. Nous connaissons mieux les infimes variations des gènes qui nous font passer de la santé à la maladie.

C'est heureux parce que certaines maladies mortelles dépendent d'une telle pléthore de gènes que sans ces outils, on ne verrait ni l'arbre ni la forêt.

Les maladies à prions (comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou maladie de la vache folle), par exemple, peuvent dépendre de variations sur environ 300 gènes.

Si dans les années 50, on parlait de cancer du sang, on sait aujourd'hui qu'il existe plus de 80 types de leucémies et lymphomes. Alors, comment ajuster le médicament à chaque variante? C'est la tâche que se donne la médecine personnalisée. Et la pharmaceutique s'y engage résolument.

Leroy Hood, fondateur de l'Institute for Systems Biology de Seattle, scientifique couvert d'honneurs, a accepté en 2010 l'invitation de Génome Québec à présenter ce qu'il appelle la médecine à quatre P.

«Il en coûte aujourd'hui 1000$ pour analyser le code génétique complet de quelqu'un. Nous pouvons donc prédire (le premier P) les pathologies que cette personne risque de développer. Puisque nous pouvons prédire, nous pouvons prévenir (P 2). Et nous pouvons personnaliser le traitement (P 3). Finalement, le patient, sachant ses susceptibilités pathologiques, peut participer (P4), par ses habitudes de santé, à son maintien en bonne forme.»

Initiative québécoise

Le Québec est entré de plain-pied dans la médecine personnalisée. Un grand projet mobilisateur regroupe les pharmaceutiques (Sanofi-Aventis, Pfizer, Merck), les universités, les ministères de la Santé et du Développement économique ainsi que le Fonds de Recherche en Santé du Québec (FRSQ).

Les coprésidents en sont Howard Bergman, directeur général du FRSQ, et Michelle Savoie, directrice générale de Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie du Grand Montréal. Le projet est un partenariat privé-public doté de 40 millions pour les 4 prochaines années, dont la moitié provient du privé, et l'autre moitié provient du public.

«Nous nous donnons de trois à quatre ans pour identifier quelques projets spécifiques et en faire la démonstration de concept, explique Michelle Savoie. Puis, [ce sera la] seconde étape, où nous devrons pouvoir exhiber un résultat concret: pilule, technique diagnostique, appareil de technologie médicale, etc. La seconde étape bénéficiera de 60 millions supplémentaires.»

Et pourquoi donc le Québec serait-il un terreau fertile pour un créneau aussi pointu?

«Nous avons tous les atouts: puissante présence du secteur pharmaceutique et de PME impliquées dans la génomique, les connaissances de Génome Québec, le projet Cartagène [qui analyse la génétique de la population québécoise issue des familles fondatrices], les banques de tissus, etc. Nous avons les conditions gagnantes», répond Mme Savoie.

Deux projets retenus

Cette initiative québécoise en médecine personnalisée se concrétise ces jours-ci. Le 21 décembre, on déposera les plans d'affaires de deux projets retenus parmi ceux qui ont été déposés.

Ils proviennent de PME québécoises dont tout ce que l'on peut dire est que ce sont des entreprises de biotechnologie. Que ces biotechs reçoivent de l'argent provenant en partie des pharmas illustre encore le nouveau type de partenariats qui émergent, qui étaient impensables il y a cinq ans.

Parallèlement à cette initiative, Génome Canada et Génome Québec en présenteront une autre d'ici la fin du mois de décembre.

Génome Canada lance un grand concours pour financer des projets universitaires en médecine personnalisée. Il y a 80 millions de dollars dans la cagnotte, moitié du privé, moitié du public. Et Génome Québec a bien l'intention que des chercheurs québécois aillent chercher leur part des bourses.

«Je ne vous promets pas 100% de l'argent, nuance Catalina Lopez, vice-présidente, affaires scientifiques chez Génome Québec, mais je vous promets qu'on aura notre juste part, à la hauteur de notre excellence dans les domaines visés.»

Et on ne fera pas dans l'époussetage de nuages. «Le comité de sélection va trier et ne retenir que ce qui aura un impact démontrable sur les patients et les donneurs de soins, avertit Mme Lopez. Des économistes de la santé devront démontrer l'impact réel du projet retenu en dollars et en sous sur le système de soins de santé canadien. On veut que les savantes personnes dans les labos universitaires visent un impact concret d'ici quatre ans.»

Pour la tour d'ivoire, c'est l'autre porte.

Qu'est-ce qu'un biomarqueur?

Faire de la médecine personnalisée, cela signifie ajuster la médication à la variante génétique exacte portée par le patient.

Si vous avez la variante 21 du diabète type 2, le médicament idéal serait la variante 21 de la pilule.

Oui, mais comment saura-t-on que vous avez la variante 21 au lieu de la 17? Parce que circule dans votre sang un marqueur, une trace moléculaire que seuls ont les porteurs de la variante 21.

Ça peut aussi être plus compliqué. On repère votre variante parce que le niveau d'expression de la molécule circulante est plus élevé ou plus bas que chez les bien portants.

Et plus difficile encore, c'est à une certaine combinaison de molécules circulantes qu'on décèle votre état. On nomme ces molécules biomarqueurs et l'industrie les pourchasse de manière obsessive.

C'est en 1998, bien avant le concept de médecine personnalisée, qu'on a mis Herceptin en marché. Herceptin s'attaque à une variante du cancer du sein, variante causée par une surexpression du gène lyriquement nommé HER2.

La Food and Drug Administration a pour la première fois exigé qu'on fasse un test d'expression de HER2 sur les patientes avant d'administrer l'Herceptin. Ce fut le premier test pour déceler un biomarqueur.