Dans la foulée d’initiatives vertes menées par des acteurs importants de l’industrie minière, ArcelorMittal entreprend de délaisser les gaz polluants comme source d’énergie. En collaboration avec Arbec Bois d’œuvre, le groupe sidérurgique remplace progressivement le mazout lourd pour le biocarburant, depuis l’an dernier. La Presse a échangé avec les instigateurs du projet.

En quoi consiste le projet ?

Lancé en mai 2022, le projet d’ArcelorMittal consiste en la substitution graduelle du mazout lourd utilisé comme source d’énergie au profit de l’huile pyrolytique, qui est fabriquée à partir des résidus de bois.

L’idée a émergé à Port-Cartier en 2020, lorsqu’un « comité de relance piloté par le maire [de la municipalité] a décidé de réunir les grandes ressources de la Côte-Nord et de créer un écosystème énergétique régional », rapporte Mapi Mobwano, président et chef de la direction d’ArcelorMittal Canada. « Nous avons une stratégie de la forêt à l’acier, qui vise à transformer le sous-produit ne trouvant pas preneur et à le transformer en énergie renouvelable. » Dans le cas de la minière, l’huile est utilisée pour produire des boulettes d’oxyde de fer, sans que la qualité du produit fini soit compromise.

À quoi ressemble le procédé de fabrication ?

La sciure, la planure et les petits copeaux de bois qui ne sont pas utilisés pour le bois d’œuvre dans la scierie Arbec sont récupérés puis envoyés dans une usine de transformation.

PHOTO FOURNIE PAR ARCELORMITTAL

ArcelorMittal a remporté plusieurs prix pour l’intégration de l’huile pyrolytique dans ses procédés industriels.

« Nous, on prend le bois, on le raffine un peu et on le fait sécher à haute température, explique Patrick Gwilliam, vice-président administratif et développement chez Arbec Bois d’œuvre. En quelques secondes, le réacteur [qui fonctionne au sable chaud] fait vieillir le bois d’un million d’années. Ça crée un gaz qu’on va condenser et qui crée lui-même du biocarburant. Le gaz non condensable retourne dans le séchoir et l’alimente. »

Nous avons passé les tests du ministère de l’Environnement du Canada et obtenu les crédits carbone pour certifier que notre produit est carboneutre. On n’émet pas de carbone dans l’atmosphère, [...] on utilise 100 % du gaz.

Patrick Gwilliam, vice-président administratif et développement chez Arbec Bois d’œuvre

Pourquoi ce virage vert ?

« Le domaine minier a beaucoup évolué, indique Mapi Mobwano. Nous évoluons dans un cadre réglementaire assez strict. Il y a beaucoup d’efforts qui vont dans ce sens. »

Depuis 2016, le domaine forestier se voit lui aussi contraint d’aller en ce sens. Il priorise de plus en plus les énergies durables, aux dépens des pâtes et papiers. « Aujourd’hui, sans la bioénergie, la scierie serait complètement fermée, avoue Patrick Gwilliam. Ce sont des défis importants, mais ô combien intéressants. »

Comment se passe la collaboration ?

Pour répondre simplement, les deux côtés sont fort satisfaits. « La collaboration entre la forêt et l’acier, c’est important, insiste M. Mobwano. Ces deux ressources naturelles représentent la force de la Côte-Nord. On veut devenir un modèle mondial en matière de décarbonation, et on travaille très fort pour réaliser cette vision. »

« La synergie avec ArcelorMittal, avec la direction qu’on prend, ne peut pas être plus parfaite, ajoute M. Gwilliam. La beauté avec eux, c’est qu’ils sont à peu près à 2 ou 3 km de chez nous. Alors le transport, qui se fait par camions spécialisés, ils peuvent venir de 10 à 20 fois par jour. »

Quels sont vos objectifs futurs ?

ArcelorMittal a utilisé 15 millions de litres d’huile pyrolytique à sa première année. Cela représente une réduction de 23 000 tonnes de gaz à effet de serre, donc l’équivalent d’environ 5000 voitures. D’ici la fin de 2024, la minière prévoit avoir un rythme de consommation de 32 millions de litres, soit l’équivalent de 11 000 voitures, puis atteindre la production maximale de l’usine : 40 millions de litres.

Malgré tout, la majorité des activités d’ArcelorMittal se poursuivra à l’aide du mazout lourd. « Notre objectif est de remplacer 23 % de la production parce que l’huile pyrolytique a des limitations en termes énergétiques. Pour chaque litre de mazout lourd que nous remplaçons, nous allons utiliser deux litres d’huile pyrolytique », note Mapi Mobwano.