Pour faire éclater le fameux plafond de verre, qui résiste toujours dans plusieurs secteurs, les femmes ont besoin de plus de soutien : collègues, patrons, entreprises, banques et conjoints et conjointes sont appelés en renfort… pour une énième fois.

« Ça va prendre un coup de marteau de la part de tout le monde pour faire éclater le plafond de verre ! »

Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des femmes d’affaires du Québec, ne cache pas son découragement lorsqu’il est question de l’avancement des femmes cadres et entrepreneures dans le milieu des affaires.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Ruth Vachon

On n’avance pas très vite, et ça me dépasse. Je répète les mêmes vieilles histoires, année après année.

Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des femmes d’affaires du Québec

Elle fait référence, par exemple, au manque de soutien des femmes dans la sphère domestique qui représente un frein énorme à la progression en entreprise. « Les femmes portent encore, principalement, la charge externe comme l’école, la garderie, les tâches, la gestion des enfants… Une femme qui est à un poste intermédiaire et qui souhaite monter croit qu’elle doit laisser sa vie pour réussir. »

Pas assez de présidentes

Ces propos trouvent écho chez Eva Hartling, fondatrice de Femmes de marques et animatrice d’une balado pour laquelle elle a rencontré plus de 200 femmes entrepreneures et cadres ces quatre dernières années.

« Seulement 28 % des postes de haute direction sont occupés par des femmes, en Amérique du Nord, souligne-t-elle. Pourquoi ? Parce que les femmes occupent des postes juste en dessous, comme directrices ou vice-présidentes, par exemple. Plusieurs quittent leur emploi, car elles croulent sous les responsabilités et obligations à l’extérieur du bureau. »

On manque de femmes dans les postes-clés en entreprise et je prédis qu’on va le constater, dans les prochaines années : il y aura un gros trou, voire un recul.

Eva Hartling, fondatrice de Femmes de marques

Parmi les solutions, Déborah Levy, éditrice de Premières en affaires, croit que le droit de la famille doit être réformé… et ça presse ! « Les femmes sont encore le parent principal par défaut, dit-elle, et dans le cas des unions libres, où les enfants naissent hors mariage, il n’y a aucune disposition pour protéger les femmes. Sur le plan fiscal, elles sont perdantes. Plusieurs choisissent de mettre leur carrière de côté. »

Capital de risque

Parmi les autres questions touchant les femmes qui voudraient briser le plafond de verre, le financement en capital de risque est crucial. « Les entreprises fondées par les femmes restent petites, indique Eva Hartling, elles ont du mal à générer plus de 1 million de dollars en revenus. Et un des facteurs, c’est que les femmes hésitent à aller chercher du financement. Cela limite la croissance de leur entreprise. »

La société fondée et dirigée par Caterina Milioto, Intervia, génère 7 millions de dollars et embauche 50 personnes… dont 80 % de femmes au comité de direction et 45 % d’ingénieures féminines – et ce, dans le milieu de la construction !

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Caterina Milioto, présidente et fondatrice d’Intervia

« Ça prend de la confiance en soi, note l’entrepreneure de 49 ans, qui a créé Intervia il y a huit ans. Les filles doivent foncer, assumer leur ambition, se dire qu’elles sont capables, qu’un défi est une leçon, et elles doivent savoir mettre de côté leur perfectionnisme… C’est correct de ne pas cocher toutes les cases ! »

À bas les clichés

Entourée d’un coach d’affaires et d’un mentor, Mme Milioto insiste sur l’importance d’être bien entourée et de développer ses compétences managériales.

Apprendre à négocier et à influencer aide à être propulsée dans des postes supérieurs.

Caterina Milioto, présidente et fondatrice d’Intervia

Elle n’hésite pas à parler des biais qui existent toujours dans les milieux professionnels. Un exemple ? En début de carrière, alors qu’elle est mandatée sur un projet d’un an en génie-conseil, ses collègues lui délèguent la tâche de prendre des notes lors des réunions. Elle était la seule femme du groupe.

« Avec mon expérience et ma maturité, aujourd’hui, jamais je n’accepterais, confie-t-elle. J’aurais dit qu’on avait intérêt à prendre des notes chacun notre tour… On sait très bien que lorsqu’on prend des notes, on ne peut pas prendre le lead de la rencontre. »

Un coup de pouce

Pour Ruth Vachon, le mentorat en organisation, structuré et appuyé par l’entreprise, aide les femmes à prendre leur envol… et à faire éclater le plafond de verre. « C’est bon d’avoir quelqu’un qui dit : “Tu veux monter, tu veux gravir d’autres échelons ? Je vais t’aider à booster ta confiance et ton estime, je vais te vendre à la direction.” »

Plus de femmes au sommet veut dire plus d’égalité, de diversité et de modèles pour les autres femmes, rappelle Déborah Levy, de Premières en affaires.

« C’est un synonyme d’accélération, dit-elle, cela envoie le signal : “Elle peut le faire… et moi aussi.” »