Denis Métivier est un homme prévoyant.

C'est le moins qu'on puisse dire. Cet entrepreneur de la région de Granby s'y est pris presque 10 ans à l'avance pour préparer sa relève.

Il vient de vendre tout ce qui lui restait d'actions à Jean-Sébastien Deschambault, un employé qu'il a pris sous son aile et qui occupe depuis quelques mois le siège de président de Rotatronique, une PME spécialisée en instrumentation et contrôle dans les secteurs électriques et électroniques.

«Ça faisait partie de mon plan de vie, explique Denis Métivier. J'avais planifié d'y aller étape par étape. Ce n'est pas dans ma mentalité de voir mes employés comme de simples travailleurs, mais plutôt comme des collaborateurs. Quand Jean-Sébastien a commencé à travailler ici il y a 15 ans, j'ai vu qu'il avait du potentiel et je lui ai proposé de travailler pas seulement pour moi, mais pour lui aussi. Ça fait partie d'une planification à long terme, c'est tout.»

Le cas de Denis Métivier détonne quand on sait qu'environ six entreprises sur dix au Québec n'ont pas de plan de relève.

L'homme d'affaires a compris depuis longtemps qu'une bonne partie de son fonds de retraite se trouvait dans sa PME. Et que pour pouvoir la vendre à un bon prix, elle devait demeurer performante.

«Si j'avais eu un magasin de souliers, ça aurait été différent. Mais comme nous vendons du service, il faut démontrer qu'il va y avoir une continuité. Nos clients étaient au courant que la relève se préparait. Certains étaient nerveux, mais quand ils ont su que je restais encore actif dans l'entreprise, ça les a rassurés», dit Denis Métivier.

Mentor et patron

Et c'est tant mieux! Surtout pour Jean-Sébastien Deschambault qui, malgré toute la volonté du monde, se voyait mal gérer une PME de 10 employés tout en continuant à travailler sur le terrain, c'est-à-dire à s'impliquer dans les contrats de l'entreprise au quotidien.

«Ça aurait été pratiquement impossible d'offrir un aussi bon service si Denis avait pris sa retraite. Il est devenu mon mentor même si c'est moi le patron», explique M. Deschambault.

Le nouveau dirigeant d'entreprise a bien évidemment eu le temps de se faire la main.

Sur une décennie, il est devenu actionnaire de la PME à hauteur de 25%, puis de 50%, avant d'en devenir le propriétaire unique il y a quelques mois.

«Mais l'administration, ce n'est pas ma force. Je me suis posé la question: où est-ce que je suis le plus performant? Me trouver un remplaçant dans l'atelier et pour faire le suivi auprès des clients, ce n'est pas évident. Mais trouver un administrateur, ce l'est plus», explique Jean-Sébastien Deschambault.

Fait intéressant, l'homme d'affaires a pu compter sur différents services pour l'aider dans sa démarche de prise de possession d'une entreprise.

Subventions

Grâce au Fonds relève entrepreneuriale, Jean-Sébastien Deschambault a reçu une subvention de 10 000$ par le CLD sur son territoire.

«Cet argent sert à acquérir une partie des actions de l'entreprise, à l'achat de nouveaux équipements, etc. C'est non remboursable. Un maximum de deux repreneurs par entreprise peuvent s'en prévaloir. En contrepartie, l'entreprise doit rester sur le territoire au moins deux ans», explique Marie Panneton, commissaire aux entreprises, au CLD Haute-Yamaska.

Aussi, dès que les 10 000$ sont accordés, le CLD s'engage à rembourser 50% des frais de formation ou de coaching (jusqu'à concurrence de 2000$) que le repreneur pourrait recevoir.

Cette aide supplémentaire est en vigueur pour une période de deux ans.

Par ailleurs, toujours par l'entremise des CLD, le Fonds local d'investissement volet relève offre un prêt de 25 000$ sans intérêt (remboursable sur une période à déterminer) aux jeunes de 18 à 35 ans vivant sur le territoire de la ruralité.

Les repreneurs doivent acquérir au moins 25% des parts d'une entreprise, laquelle ne doit pas être dans le secteur du commerce de détail.

Maintenant qu'il a pris conscience qu'on ne badine pas avec la relève et même s'il n'a que 41 ans, Jean-Sébastien Deschambault songe déjà à sa propre relève.

«Dans le secteur des services, je vois plus d'entreprises qui ferment leurs portes et très peu qui survivent. Ça fait réfléchir», dit-il.