Un jeune couple songe à remplacer ses deux voitures par une Tesla électrique d'occasion. Leur projet tient-il la route ? Le budget Leitão aura une influence inattendue sur le calcul...

Ils veulent conduire électrique.

Guillaume Dumas-Couture et sa conjointe Mélissa Gervais sont les heureux propriétaires de deux voitures. Une Hyundai Elantra 2013, achetée neuve en février 2014, et une Toyota Yaris 2007 d'occasion, acquise en avril 2016.

Mais ils pourraient être plus heureux encore.

« J'étudie la possibilité d'acquérir une voiture électrique qui deviendrait la seule voiture familiale », indique Guillaume.

Voiture familiale, dit-il ? Le couple, au tournant de la trentaine, n'a pas encore d'enfant, mais il est « à l'aube d'en avoir ».

Ils habitent sur la Rive-Sud, dans la région de Québec. En combinant le covoiturage et les transports en commun, ils pourraient sans difficulté se contenter d'une seule voiture, estime Guillaume.

« J'essaie donc de prendre en compte le plus possible les éléments de coûts d'une voiture à essence versus une voiture électrique. »

Sa motivation est « environnementale, beaucoup ».

Ils cherchent une « voiture très familiale avec une autonomie de batterie suffisante pour les déplacements quotidiens et les sorties de fin de semaine -  [ils sont] de grands adeptes de plein air ».

Mais ce plein air se trouve-t-il dans les limites de l'autonomie d'une voiture électrique ? « On a regardé les cartes des bornes de recharge », répond-il.

Il envisage l'achat d'une Tesla P85 2013 d'occasion. Après avoir surveillé de près l'inventaire d'occasion de Tesla, il estime être en mesure de rester sous le « cap psychologique » des 70 000 $.

« Notre objectif serait d'utiliser la Tesla pour une très longue période (10 ans), car c'est une voiture 100 % en aluminium », précise-t-il.

Selon l'information qu'il a recueillie, une borne de recharge Tesla neuve coûterait 825 $, et son installation, 700 $, taxes incluses.

Il a établi les paramètres d'un calcul comparatif. « Merci de m'aider à compléter mon analyse ! », demande-t-il.

Car il ne veut pas faire fausse route.

Les chiffres de Guillaume

LA SITUATION ACTUELLE

Hyundai Elantra GL 2013

Payée 21 500 $, taxes incluses, en février 2014

Consommation d'essence : 7 litres/100 km

Sur la base de 1,10 $/litre et 30 000 km/an : 2300 $ par an

Entretien annuel pour 30 000 km : 1050 $/an (3,50 $/100 km)

Assurances : 775 $/an

Toyota Yaris LE 2007

Payée 4000 $ en avril 2016

Consommation d'essence : 7,5 l/100 km

Sur la base de 1,10 $/litre et 10 000 km/an : 825 $/an

Entretien annuel pour 10 000 km : 350 $/an (3,50 $/100 km)

Assurances : 425 $/an

TOTAL : 5675 $/an (sans dépréciation)

LA VOITURE DE REMPLACEMENT

Tesla P85 2013

Prix : 69 000 $

Financement sur 7 ans à 3,9 %, soit 940 $/mois : 11 280 $/an

Consommation : 20 kWh/100 km, 40 000 km/an, 8,5 cents/kWh

Coût annuel : 8000 kWh pour 680 $/an

Entretien : 200 $/an

Assurances : 685 $

Durée de possession : 10 ans

TOTAL : 12 845 $/an (sans dépréciation)

Correction de trajectoire

Nous avons demandé à Sylvain Légaré, superviseur des services-conseils automobiles chez CAA-Québec, de vérifier les paramètres établis par Guillaume. L'organisme y a apporté trois corrections. 

La consommation de l'Elantra est corrigée à la hausse. « Ressources naturelles Canada (RNC) fait plutôt état d'une moyenne de 7,5 l/100 km, donc on parle plus de 2475 $. »

Pour la consommation de la Tesla, « RNC avance plutôt le chiffre de 23,6 kWh/100 km ; ainsi, à 40 000 km/an, on obtient plutôt 802,40 $ avant taxes ».

Enfin, pour la Tesla, l'organisme recommande de respecter la prescription du constructeur d'un entretien de 400 $ à intervalles de 20 000 km, soit 800 $ par année dans le cas de Guillaume.

La voie de la sagesse

Sur ce parcours, nous sommes guidés par Sylvain Légaré, superviseur des services-conseils automobiles chez CAA-Québec.

« Au-delà des coûts, il faut prendre en considération cet aspect : à quoi va servir le véhicule ? », commente-t-il.

« La Tesla est un véhicule de luxe, un véhicule haut de gamme, de performance. Si Guillaume veut faire du plein air, il n'a pas le bon véhicule. »

Le coffre est spacieux, mais la garde au sol est assez basse. « Bien qu'on puisse relever la suspension, ce n'est pas un véhicule qui va être fait pour circuler dans la neige épaisse. »

L'élégante peausserie des sièges est certainement séduisante, mais Guillaume voudra-t-il enfourner ses skis alpins au travers de la voiture, au risque de rayer la précieuse sellerie ?

« Une Tesla peut être intéressante pour quelqu'un qui voyage beaucoup, qui veut vraiment économiser sur l'essence, avance l'expert. Ça peut être intéressant... si on est capable de la financer. »

Car il s'agit là d'un autre obstacle sur la voie : « Ce ne sont pas toutes les institutions financières qui vont financer 70 000 $. »

Guillaume veut conserver la voiture pendant 10 ans - c'est le fondement de sa stratégie.

« Les Tesla, pour l'instant, semblent fiables », observe Sylvain Légaré.

Certains modèles, cependant, ont connu quelques problèmes de moteur électrique. « Quand la garantie sera terminée, étant donné que c'est un véhicule haut de gamme, les réparations vont aller de pair, ajoute-t-il. Pour l'instant, on ne peut pas garantir la fiabilité à long terme, on ne la connaît pas. »

Une voie de contournement

Le couple pourrait emprunter une autre avenue, suggère-t-il.

« Guillaume veut changer deux voitures pour une, mais il pourrait commencer par en remplacer juste une, par un véhicule totalement électrique. » - Sylvain Légaré, superviseur des services-conseils automobiles chez CAA-Québec

Une Kia Soul EV électrique, avec une autonomie de 150 km, ou une Nissan Leaf, dont le nouveau modèle atteindra 180 km avec sa charge, pourraient satisfaire aux déplacements quotidiens.

« Ce sont des véhicules qui sont abordables, fiables, éprouvés. Je suggère fortement de remplacer le véhicule le plus usagé par un véhicule électrique. »

Les deux conjoints pourraient ainsi apprivoiser les limitations du transport électrique.

« Lorsqu'ils veulent faire du plein air ou aller à l'extérieur, ils peuvent prendre le véhicule à essence pour faire de plus grandes distances. »

En outre, un véhicule électrique neuf donnera droit au rabais gouvernemental de 8000 $. « Il n'y a pas encore de programme pour les véhicules électriques d'occasion », indiquait Sylvain Légaré... quelques jours avant le budget provincial présenté mardi.

Car c'est maintenant chose faite. Le ministre Leitão a dévoilé un projet pilote en vigueur du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, qui accorde un rabais de 4000 $ à l'achat d'un véhicule électrique d'occasion. Le programme comporte cependant plusieurs restrictions. Il est limité aux 1000 premiers demandeurs. Le véhicule d'occasion doit avoir trois ou quatre ans d'usure, provenir de l'extérieur du Québec et être acquis auprès d'un concessionnaire. Le prix de détail du véhicule à l'état neuf devait être inférieur à 125 000 $.

Autre nouveauté : les subventions à l'achat (350 $) et l'installation (250 $) d'une borne de recharge s'appliqueront également aux véhicules d'occasion.

Reste à chiffrer tous ces scénarios.

Trois trajets financiers

La stratégie de Guillaume et Mélissa tient-elle la route ?

Comparons les trajets.

Nous tenons compte d'une dépréciation de 25 % pour la première année d'une voiture neuve, puis de 15 % par année pour les années subséquentes.

Pour simplifier les calculs, nous avons négligé l'inflation sur les frais et la diminution des primes d'assurance avec l'âge de la voiture.

En voiture !

La situation actuelle

Dans les circonstances actuelles, les deux voitures de Guillaume lui auraient coûté quelque 69 700 $ en 2027, après 10 ans d'usage - en supposant que la fiable petite Yaris atteigne l'âge canonique de 20 ans.

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Le scénario Tesla

Guillaume n'avait pas prévu que sa Tesla d'occasion aurait pu faire l'objet du nouveau rabais de 4000 $.

Pour un prix de 75 883 $, taxes comprises, l'emprunt se fixe donc à 71 883 $.

Après dix ans, la voiture aura coûté 93 600 $.

Sans le rabais, la facture se serait plutôt élevée à 98 200 $.

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Le scénario biénergie

Une Kia Soul EV 2017 coûte 42 828 $, taxes comprises, soit 34 828 $ après le rabais de 8000 $.

Avec un financement sur sept ans à 2,9 %, la mensualité se fixe à 459 $.

Nous lui attribuons les 30 000 km actuellement parcourus par la Hyundai Elantra. Celle-ci est rétrogradée au rang de voiture d'appoint, avec 10 000 km par année.

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L'impact budgétaire

Qu'en est-il de la pression budgétaire ? Cette fois, nous tenons compte du remboursement du prêt.

Les deux voitures actuelles entraînent des débours annuels de 5850 $ par année (487 $ par mois).

Avec la Tesla, la ponction sur le budget s'établirait au départ à 14 158 $ par année (1180 $ par mois).

Avec le scénario alternatif proposé par Sylvain Légaré, le poste budgétaire pour le transport accaparerait 9438 $ (786 $ par mois).

Bien entendu, les impondérables sont nombreux : comment évolueront les prix de l'énergie ? La dépréciation sera-t-elle conforme aux prévisions ? Quels seront les bris mécaniques ?

« Il y a beaucoup de variables », prévient Sylvain Légaré.

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Le choix de Guillaume et Mélissa

Guillaume et Mélissa ont arrêté leur choix quelques jours avant le budget Leitão et s'en sont tenus à leur itinéraire initial. 

Ils ont remplacé leur Hyundai Elantra par une Tesla P85 2013, sans profiter du rabais de 4000 $. Ils possèdent toujours leur petite Yaris, mais ils prévoient s'en départir sous peu.

Ils sont « plutôt agréablement surpris de la consommation pour les températures testées, de - 25 à 10 °C, confie Guillaume. La consommation prescrite par le constructeur a été atteinte et même battue pour des trajets sur l'autoroute à 110 km/h. »

« Pas de regret », conclut-il.

Photo Mathieu Belanger, colaboration spéciale

Guillaume Dumas-Couture et Melissa Gervais devant leur Tesla.