Manon a pris sa retraite de l'enseignement en 1997. Jugeant toutefois ses prestations de retraite trop peu élevées, elle reprend du service deux ans plus tard comme pigiste, toujours dans le secteur de l'éducation, à raison de 6 à 15 heures par semaine. Aujourd'hui âgée de 68 ans, elle aimerait prendre sa retraite définitive d'ici deux ans. Mais y arrivera-t-elle sans son revenu d'appoint ?

« Je crains de devoir réduire mon rythme de vie et ça me fait peur, admet Manon. Voyez-vous, je suis un peu dépensière. J'aime acheter de beaux vêtements, de la vaisselle, de la literie... Ce sont souvent des achats non réfléchis. C'est de la coquetterie, je sais. Mais l'idée d'arrêter tout ça me dérange. Je n'ai pas envie que la vie soit triste ! »

Actuellement, son revenu annuel brut est d'environ 47 000 $, ce qui comprend ses rentes du Régime des rentes du Québec et de la Sécurité de la vieillesse. Elle estime son coût de vie annuel à un peu plus de 30 000 $. Le jour où elle cessera de travailler, elle devra se priver de 8000 $. Elle peut toutefois compter sur des économies de près de 139 000 $. Elle a déjà épargné 35 000 $ dans un CELI, mais ces dernières années, elle a surtout privilégié des placements non enregistrés.

« Mais est-ce que ce sera suffisant pour subvenir à mes besoins jusqu'à la fin de mes jours ? », demande-t-elle.

D'autant plus que la dame a des projets de voyage importants. Son fils habite l'Amérique du Sud et elle souhaite le visiter trois fois par année. « Au moins, là-bas, je n'ai pas à payer pour l'hébergement », fait-elle remarquer. Dans ses rêves les plus fous, elle aimerait avoir assez d'argent pour s'autoriser un quatrième voyage annuel, idéalement dans le Sud.

Manon s'interroge aussi sur la pertinence de garder sa maison dont la valeur est estimée à 340 000 $.

« Je suis incapable de répondre à ça. Oui, j'aime ma demeure. Elle est bien située. Mais serait-il plus avantageux de la vendre et d'habiter en appartement ou en condo ? Pourrais-je ainsi conserver mon rythme de vie ? » - Manon

Elle est consciente que la vente de sa propriété engendrera des coûts. Bâtie en 1959, la maison unifamiliale a besoin d'amour. « Il y a des rénovations importantes à faire dans la cuisine, la salle de bains et l'entrée de garage », estime-t-elle. Par contre, le toit et les fenêtres ont été remis en bon état récemment. Pour financer ces travaux, Manon a eu recours à une marge de crédit pour rénovation domiciliaire. Elle doit encore rembourser près de 7000 $.

« Je réalise que je suis à un carrefour de ma vie. J'ai plusieurs décisions à prendre et elles sont toutes liées à l'argent, ce qui m'inquiète », conclut-elle.

PORTRAIT

Manon 68 ansREVENU ANNUEL BRUT

Rente de retraite 

23 280 $

Pension de sécurité de vieillesse 

6677 $

Régime des rentes du Québec 

6891 $

Revenu d'intérêts 

2110 $

Revenu de pigiste 

8030 $

Total 

46 988 $

UNE SITUATION MEILLEURE QU'IL N'Y PARAÎT

Selon Josée Jeffrey, fiscaliste et planificatrice financière chez Focus Retraite et Fiscalité, Manon a un bas de laine suffisant pour combler son coût de vie actuel, sans trop d'imprévus... pourvu qu'elle travaille jusqu'à 70 ans et qu'elle respecte son budget. Ce faisant, elle n'aura pas besoin de retirer ses REER avant l'année suivant ses 71 ans. Cependant, dans le budget actuel, aucun voyage n'est prévu.

Au cours des deux prochaines années, grâce à son revenu d'appoint, Manon dégagera un surplus annuel net de 6543 $. Du moment où elle cessera de travailler pour de bon, cet excédent tombera à 2173 $.

« Elle pourra conserver son coût de vie actuel qui, soit dit en passant, n'est pas exagéré, contrairement à ce qu'elle croit, analyse Josée Jeffrey. Mais si un imprévu survient, elle n'aura pas une grande marge de manoeuvre. Elle risque même de puiser dans ses économies. »

Si elle choisit de conserver sa résidence actuelle, la planificatrice lui recommande de rembourser sa marge de crédit pendant qu'elle travaille afin de parer à tous les coups. « N'oublions pas que des intérêts courent », signale-t-elle.

Côté fiscalité, Manon aurait avantage à demander le crédit d'impôt provincial pour travailleurs d'expérience de 65 ans. Il s'applique aux individus ayant un revenu d'emploi admissible supérieur à 5000 $. « Dans son cas, le crédit net serait de 456 $ », calcule Mme Jeffrey.

Quand elle quittera son emploi, Manon pourra plutôt avoir recours au crédit d'impôt pour solidarité, en plus de voir son crédit d'impôt pour TPS légèrement croître. De plus, ses crédits d'impôt non remboursables accordés en raison de l'âge seront plus élevés, n'étant plus réduits par son revenu de travail.

Josée Jeffrey lui conseille aussi de transférer ses placements non enregistrés dans son CELI lorsque ces derniers arriveront à échéance. « Elle évitera ainsi d'être imposée sur ses revenus d'intérêt et augmentera du même coup ses crédits d'impôt pour solidarité et pour TPS », explique la fiscaliste.

En suivant ce plan rigoureusement, Manon pourra conserver son rythme de vie et habiter sa maison. « J'ai planifié une dépense de 4500 $ pour trois voyages au Mexique par année, de 70 ans à 75 ans, pendant qu'elle est encore en pleine forme, comme elle le souhaite », indique Mme Jeffrey.

« Elle devra puiser dans son compte CELI pour environ 3000 $ par année pour les deux premières années, car durant les suivantes, les retraits obligatoires de son FERR viendront combler la différence, poursuit la planificatrice financière. Quant au quatrième voyage, des sorties de fonds plus importantes seront nécessaires et le budget sera peut-être un peu limité, mais tout de même réalisable. »

En revanche, elle n'aura pas à retirer ses REER avant l'année suivant son 71eanniversaire. Mieux, elle devrait avoir assez d'argent jusqu'à l'âge de 98 ans, sans trop de surprises !

VENDRE LA MAISON : UN BEAU SCÉNARIO

« Si elle vend, la vie est plus douce et le budget moins serré ! », résume Josée Jeffrey.

En vendant sa résidence à 340 000 $, Manon pourrait en tirer 272 000 $, selon les estimations de la planificatrice. Pour arriver à cette somme, elle déduit les frais de courtier, des frais de travaux d'environ 40 000 $ et le remboursement du solde actuel de la marge de crédit (en supposant que cette dette ne soit pas réglée avant la transaction).

« Bien sûr, elle perdra un actif important, mais d'un autre côté, cela générera des liquidités très appréciables qui lui assureront une retraite très confortable.» - Josée Jeffrey

« Elle pourrait aisément augmenter son coût de vie de 9000 $ par année, ce qui couvrirait les frais de tous ses voyages, y compris le quatrième », ajoute Mme Jeffrey.

Manon pourrait par la suite viser un condo ou un appartement. « Si elle achète un condo, elle doit viser une propriété d'une valeur maximale de 250 000 $, précise la planificatrice. Ainsi, elle aura encore assez d'argent pour voyager et son coût de vie demeurera sensiblement le même. Si elle choisit de vivre en appartement, j'estime que son coût de vie augmentera de 2000 $ par année pour un loyer de 1200 $ par mois, en plus des autres frais d'habitation comme le chauffage. »

En n'ayant plus de maison à entretenir, Manon pourra voyager en toute liberté pendant que sa santé le lui permet. « Ce sera un souci de moins pour elle », croit Josée Jeffrey.