Michèle et Sébastien, parents de deux jeunes enfants, sont submergés par les dettes. Leur situation, déjà difficile, a pris un tournant préoccupant au cours des dernières semaines: Sébastien s'est retrouvé sans emploi, et sans prestations de chômage. Même que l'assurance-emploi lui réclame 9000 $ en pénalités et remboursement de prestations reçues au cours de l'automne, affirmant qu'il n'y avait pas droit.

« Nous vivons avec mon seul revenu depuis janvier. C'est très insécurisant, explique Michèle. Mais même si nos finances sont dans le négatif, j'ai encore de la difficulté à me priver. »

Le couple était déjà inquiet du niveau élevé de ses dettes, ce qui créait des tensions entre eux. L'enseignante reconnaît qu'elle a une propension à trop consommer et à faire des achats irréfléchis. « J'ai des papillons dans l'estomac quand je pense à aller magasiner et je me déculpabilise en me disant que je n'achète que des choses en solde », dit-elle.

Quatrième consolidation de dettes

Le problème ne date pas d'hier : l'été dernier, Michèle a fait pour la quatrième fois une consolidation de dettes. Chaque fois que ses dettes deviennent trop lourdes, elle prend un nouveau prêt pour tenter de réduire les frais d'intérêt, sans jamais réussir à s'en débarrasser. « Depuis le début de ma vie d'adulte, je n'ai jamais réussi à payer toutes mes dettes. Je réalise maintenant que je n'ai jamais été dans le positif. »

Comme la majorité des consommateurs, le couple ne fait pas de budget. « Je n'ai même jamais fait l'exercice de prendre notre revenu et de soustraire toutes nos dépenses. On est mal organisés et on ne s'occupe pas bien de nos affaires », reconnaît Michèle, qui affirme contrôler un peu mieux ses achats compulsifs depuis un certain temps. Mais elle ne semble pas avoir beaucoup de succès dans ses tentatives pour assainir les finances familiales, même si leurs revenus ont fondu de moitié en raison du chômage de son conjoint.

Quelques exemples :

- Michèle a acheté un chien afin de se mettre à courir, un sport peu coûteux, se disait-elle. Finalement, elle n'a jamais adopté la course et continue ses cours de yoga, qui coûtent 100 $ par mois. Le toutou entraîne aussi des dépenses d'environ 100 $ par mois en soins, nourriture et service de promenade. Comme ses maîtres n'ont pas le temps de le sortir, ils ont embauché une promeneuse de chien...

- Ils font appel à un traiteur, qui leur coûte 60 $ par semaine pour 5 repas familiaux. Lorsqu'ils faisaient l'épicerie avec l'intention de cuisiner, ils finissaient par perdre beaucoup de denrées, explique Michèle.

- Le couple dépense 75 $ par semaine au restaurant et 60 $ par semaine en achats de vin.

PORTRAIT

Michèle, 43 ans

Enseignante, 72 000 $

Sébastien, 30 ans

Travailleur de la construction sans emploi

Aucun revenu actuellement (60 000 $ auparavant)

Deux enfants de 3 ans et 6 ans

Hypothèque : 185 000 $ à 3 % d'intérêt (1000 $/mois)

Maison d'une valeur de 230 000 $

Prêt-auto : 3200 $ à 1,8 % d'intérêt

Prêts personnels : 55 000 $ à 7 % d'intérêt

Carte de crédit : 4200 $ à 14 % d'intérêt

Total des dettes (outre l'hypothèque) : 62 400 $

Principales dépenses :

Taxes municipales et scolaire : 200 $/mois

Électricité : 140 $/mois

Gaz naturel : 150 $/mois

Communications : 250 $/mois

Épicerie : 210 $/semaine

Essence : 80 $/semaine

Assurance maison : 100 $/mois

Assurances voitures : 180 $/mois

Garderie et service de garde : 320 $/mois

SOLUTION : Urgence budget !

Michèle et Sébastien doivent regarder la réalité en face et réagir rapidement avant que leur situation ne se dégrade encore plus : il leur faut un budget d'urgence, ça presse !

Pourquoi est-ce si urgent ? « Le revenu net actuel de Michèle n'est même pas suffisant pour couvrir leurs dépenses obligatoires de base, sans compter le remboursement des dettes, souligne Cathy Simard, conseillère budgétaire à l'ACEF de l'Île-Jésus. Jusqu'à maintenant, ils sont allés chercher du crédit supplémentaire pour faire leurs paiements. Mais ils ne peuvent pas faire ça éternellement. »

Comment faire un budget d'urgence ? Le couple doit se limiter seulement aux dépenses absolument obligatoires pour les prochains mois en se fixant des priorités et en faisant des choix stratégiques, explique Mme Simard. « Ils doivent se concentrer sur les paiements pour lesquels des retards peuvent entraîner des pénalités ou des conséquences graves. »

Voici les dépenses généralement considérées comme prioritaires, et combien elles représentent pour Michèle et Sébastien :

- Hypothèque : 1000 $/mois

- Électricité : 140 $/mois

- Gaz naturel : 150 $/mois

- Communications : 250 $/mois

- Assurance habitation : 100 $/mois (prioritaire seulement en cas de paiement mensuel)

- Alimentation : 210 $/semaine

- Garderie et service de garde : 320 $/mois

- Essence : 80 $/semaine

- Assurance auto : 180 $/mois

- Assurance vie : 75 $/mois

- Autres (produits d'hygiène, frais bancaires, animal) : 110 $/mois

Total : 3485 $/mois

Paiement des dettes : 1800 $/mois

TOTAL DES SORTIES DE FONDS : 5285 $/mois

Revenu net de Michèle : 3000 $/mois

Allocations gouvernementales : 310 $/mois

Comme on le voit, le salaire de Michèle ne suffit pas à payer les dépenses essentielles. Si on y ajoute les dettes à rembourser, il leur manque 1975 $/mois. « Et ça n'inclut aucune sortie, aucune activité, pas de restaurant ni de vin », souligne Cathy Simard.

Même si Sébastien trouve du boulot rapidement, le couple devra sans doute revoir son train de vie. « Avec les dépenses qu'ils ont actuellement, ça lui prendrait un revenu d'au moins 3000 $ net par mois pour avoir une marge de manoeuvre suffisante », note la conseillère.

Dans l'immédiat, comment peuvent-ils se sortir du trou ? Ils ont quelques options :

1. Négocier une suspension de paiements avec les créanciers

« On peut faire valoir que c'est une situation temporaire, le temps que Monsieur recommence à travailler, dit Mme Simard. C'est mieux de prendre les devants plutôt que d'attendre d'avoir des paiements en retard. Les créanciers acceptent assez souvent de reporter les paiements, surtout pour les consommateurs ayant un bon dossier. »

Pour les cartes de crédit, les consommateurs en difficulté peuvent suspendre temporairement des remboursements. Bien sûr, comme pour un report de paiements, les intérêts continuent de courir et seront plus élevés à terme.

Ces ententes seront notées au dossier de crédit. Par contre, elles sont beaucoup moins dommageables pour la cote de crédit qu'un paiement manqué.

Dans le cas du couple, la consolidation de dettes n'est pas une option, puisqu'il en a déjà plusieurs à leur actif.

2. Faire une proposition de consommateur

Une proposition de consommateur consiste à offrir aux créanciers le remboursement d'une partie seulement de la dette totale (sans compter l'hypothèque). Elle doit être présentée par un syndic et être acceptée par les créanciers. Elle offre l'avantage de suspendre l'accumulation des intérêts, mais elle demeure inscrite au dossier de crédit pendant trois ans, ce qui rend difficile l'obtention de nouveaux prêts.

« C'est utile quand on a un actif à protéger, comme une maison, mais il faut avoir les moyens de faire les paiements, » note la conseillère de l'ACEF.

3. Vendre la maison

Si la période de chômage se prolonge, le couple devra de demander s'il peut garder sa maison. Quel pourrait être le résultat d'une telle décision ?

Prix de vente : 230 000 $

Commission au courtier immobilier : 14 000 $

Pénalité hypothécaire : 5000 $ (montant estimé ; peut être plus élevé)

Solde hypothécaire : 185 000 $

Autres dettes : 62 400 $

Le profit réalisé à la vente de la maison ne suffirait pas à rembourser toutes les dettes de consommation : il leur resterait encore 36 400 $ à payer. Il s'agit pour le couple de se demander si le jeu en vaut la chandelle.

4. Faire faillite

Les consommateurs peuvent faire faillite pour être libérés de leurs dettes s'ils ne peuvent plus faire leurs paiements et sont insolvables, c'est-à-dire que la valeur de tous leurs biens (leur actif) est inférieure à leurs dettes (leur passif). Les créanciers peuvent saisir certains biens et une partie du salaire. Le processus est aussi administré par un syndic.

« Il est parfois possible de garder sa maison quand le solde hypothécaire est élevé et qu'il y a peu d'équité, si la vente ne permet pas de rembourser les dettes, note Cathy Simard. Mais ils doivent pouvoir continuer à payer l'hypothèque. »

Pour en savoir plus sur la proposition de consommateur et la faillite :

https://www.educaloi.qc.ca/capsules/les-solutions-au-surendettement

PERSPECTIVE : Survivre aux coups durs

Perte d'emploi, maladie, accident, séparation, réparation majeure sur la maison... Comment faire face à de telles tuiles qui peuvent faire sombrer n'importe quel consommateur dans les problèmes financiers ? En prévoyant un coussin pour que le choc soit moins brutal.

« Beaucoup de gens ont un rythme de vie qui dépasse leur capacité financière, observe Cathy Simard. Ils vivent artificiellement en se fiant au crédit, qui est utilisé comme coussin d'urgence en cas de coup dur. Mais ce n'est pas ça, un coussin d'urgence. »

Les spécialistes recommandent de constituer un fonds d'urgence équivalant à deux ou trois mois de dépenses, six mois pour les travailleurs autonomes.

Selon un récent sondage de BMO, 46 % des Québécois disposent de moins de 10 000 $ d'épargne pour faire face aux imprévus, pour une moyenne de 18 600 $ ; c'est beaucoup moins que dans le reste du Canada (35 200 $).

Pas facile d'avoir la discipline de garder un tel coussin quand le coût de la vie augmente, tout comme les occasions de dépenser. Comment y arriver ? Inutile de chercher une solution magique : il faut faire un budget.

« Prévoir les imprévus »

« Je sais que bien des gens ont mal au coeur juste de penser à un budget ! Mais il faut le voir comme un outil qui permet d'atteindre des objectifs », souligne Mme Simard.

Elle insiste sur l'importance d'y indiquer de façon rigoureuse les dépenses réelles. Un bon budget permet aussi de « prévoir les imprévus ». « Quand on a une propriété, il y a toujours de l'entretien et des réparations à faire, dit-elle. Il faut mettre de côté au moins 1000 $ par année dans ce but. Quand le toit se mettra à couler, on n'aura peut-être pas accumulé suffisamment pour en payer un neuf, mais si on utilise le crédit, le budget doit prévoir une période de temps précise pour rembourser cette dette. »

Les consommateurs bien intentionnés commettent souvent l'erreur de se fixer des exigences trop élevées au moment de faire un budget. Il faut se limiter à une ou deux priorités par année, selon Cathy Simard. « Il faut choisir entre rembourser la dette plus vite, épargner pour la retraite ou planifier un voyage. Si on est trop ambitieux, on n'atteindra pas nos objectifs et on perdra la motivation. »

Redresser une situation financière peu reluisante peut prendre du temps, note aussi la conseillère. Pour savoir comment s'y prendre, les consommateurs peuvent obtenir une consultation gratuite auprès d'une ACEF, présente dans la plupart des régions.

Les ACEF sont regroupés au sein de deux organisations. Pour trouver celle de votre secteur :

https://www.consommateur.qc.ca/associ.htm

https://defensedesconsommateurs.org/nos-membres/