Vous travaillez fort toute votre vie en vue de profiter du bon temps à la retraite. Vous avez pris le temps de choisir un bon conseiller financier. Les années ont passé. Qu'en est-il de sa performance  Aucune idée? Il est temps de procéder à une évaluation de votre portefeuille.

CINQ ERREURS COURANTES

Deux gestionnaires de portefeuille ont relevé cinq erreurs courantes dans le portefeuille des particuliers qui s'adressent à eux pour une seconde opinion. Éparpillement du portefeuille

et surexposition au Canada figurent au sommet de la liste des lacunes observées.

1. ÉPARPILLEMENT DU PORTEFEUILLE

Il n'est pas rare pour les gens de chez Medici gestion de portefeuille stratégique de rencontrer des clients avec plus de 100 titres en portefeuille : des actions, des obligations, des fonds de fonds et des fonds négociés en Bourse.

Les avantages associés à la diversification sont atteints avec autour de 20 titres en portefeuille, soutient Carl Simard, gestionnaire de portefeuille chez Medici.

Au-delà, il devient difficile de suivre adéquatement les titres. « La diversification, c'est bon ; mais l'éparpillement fait en sorte que tu n'arrives plus à connaître ce que tu as en portefeuille », souligne Pierre-Olivier Langevin, gestionnaire de portefeuille adjoint qui travaille avec M. Simard.

2. SUREXPOSITION AU CANADA

« On voit souvent une lacune dans la répartition géographique des actions », convient Stéphane Martineau, gestionnaire de portefeuille et vice-président chez Valeurs mobilières Desjardins le Groupe Leblanc, Martineau, St-Hilaire. Le groupe effectue plus d'une centaine d'évaluations de portefeuille par an.

Un épargnant typique au Canada détient souvent une ou des banques canadiennes, du BCE et du CN. Puis, il achète un fonds indiciel qui copie l'indice S&P/TSX. Or, cet indice est surpondéré en services financiers et en ressources.

La surexposition au marché des actions canadiennes induit l'effet, fait remarquer M. Martineau, d'amener l'épargnant à négliger deux secteurs en croissance de l'économie, la technologie et les soins de santé, peu présents dans l'indice de la Bourse de Toronto.

3. SURPONDÉRATION DE TITRES À REVENUS FIXES

Carl Simard veut proscrire la règle voulant que l'on investisse en obligations l'équivalent de son âge ; par exemple, il faut avoir 50 % d'obligations à 50 ans.

Avec des taux obligataires autour de 2 à 3 %, cette erreur est coûteuse, plaide-t-il.

Le gestionnaire de portefeuille de Saint-Bruno-de-Montarville préfère déterminer sa stratégie de placement en fonction de paramètres comme le taux de décaissement à la retraite et la taille du portefeuille sous gestion.

Il a pour politique de garder en revenus fixes l'équivalent de cinq ans de liquidités. Si, par exemple, une personne âgée a besoin de décaisser 30 000 $ par année pour vivre, il verra à détenir 150 000 $ en titres à revenus fixes. Si le client a 1 million en portefeuille, ça signifie que 15 % du portefeuille sera investi en obligations, même à la retraite.

De fait, le taux de rendement espéré net de frais passe de 5 à 7 % quand la proportion de titres à revenus fixes décroît de 30 à 15 %. Exprimé en dollars, l'écart de rendement entre les 2 scénarios atteint 2 millions après 20 ans.

4. TROP DE FONDS COMMUNS EN PORTEFEUILLE

Carl Simard a rencontré en février une cliente qui avait 13 fonds communs d'actions, incluant des FNB, et 4 fonds d'obligations. Cette cliente doit débourser des frais de 1,5 % à 3 % annuellement, ce qui ampute son rendement de près de 10 000 $ par année sur un avoir d'environ 500 000 $ investi dans ces 17 fonds. L'inconvénient de ces frais pèse plus lourd sur les rendements que le bénéfice tiré d'une diversification du portefeuille, selon M. Simard.

Les fonds communs comportent souvent des pénalités en cas de retrait hâtif. Ces frais de sortie diminuent dans le temps avant de s'éteindre complètement après une période de détention de sept ans.

Pour M. Simard, investir dans les fonds communs revient à jouer la croissance de l'économie en général, moins les frais. Il ne se montre guère plus conciliant à l'égard des fonds négociés en Bourse, bien qu'il reconnaisse que les frais sont moindres.

Stéphane Martineau, qui investit uniquement dans des fonds négociés en Bourse, diverge d'opinion. Le gestionnaire de VMD souligne que des études démontrent que les rendements dépendent d'abord et avant tout de la répartition d'actifs plutôt que de la sélection de titres spécifiques.

5. LE RECOURS À LA GESTION NON DISCRÉTIONNAIRE

La plupart des épargnants ont un mandat de gestion non discrétionnaire avec leur conseiller. Ça signifie que ce dernier doit obtenir l'autorisation du client avant de conclure une transaction.

« Mon meilleur conseil : 

assurez-vous que votre conseiller est en gestion discrétionnaire. »

- Stéphane Martineau, gestionnaire de portefeuille et vice-président chez Valeurs mobilières Desjardins le Groupe Leblanc, Martineau, St-Hilaire

« Nous nous occupons de 900 familles, ajoute-t-il. J'ai calculé que ça me prendrait deux mois pour obtenir les autorisations de modifier la répartition d'actions dans les portefeuilles de mes clients. En gestion discrétionnaire, la même transaction va me prendre une demi-heure. »

Faute de temps, le conseiller n'a souvent d'autre choix que de laisser dériver le portefeuille plutôt que de le conduire à bon port.

DES TITRES SPÉCULATIFS POUR UN RETRAITÉ PRUDENT

Retraité depuis 2 ans, Gaétan Côté a 62 ans. On l'a joint au téléphone en Floride où il profite des chauds rayons du soleil.

Il dispose d'un pécule de 670 000 $ placé dans des comptes enregistrés et non enregistrés. Son actif se répartissait de la façon suivante : 6 % en encaisse, 42 % en actions et fonds d'actions et 52,5 % en revenus fixes ou fonds de revenus fixes.

Il était insatisfait du rendement qu'il obtenait avec son courtier, rattaché à l'une des six grandes banques canadiennes.

En fait, M. Côté ne fait pas d'argent avec ses placements, en dépit de marchés financiers extrêmement favorables ces dernières années. 

« Antérieurement, j'appelais mon courtier tous les deux jours parce que je m'inquiétais. »

- Gaétan Côté, 62 ans

En août 2013, Gaétan Côté décide donc de solliciter une seconde opinion auprès du gestionnaire de portefeuille Carl Simard, de Medici Gestion de portefeuille stratégique. M. Côté a connu M. Simard par le truchement de ses apparitions au Canal Argent.

Le verdict tombe sans appel. Le gestionnaire ne respecte pas le profil prudent du client. Par exemple, son portefeuille contenait, entre autres, plusieurs titres miniers spéculatifs comme Orbite Aluminae.

« J'avais demandé à mon courtier de gérer mon portefeuille de façon sécuritaire, c'est-à-dire avec un niveau de risque de faible à modéré, précise le client, encore contrarié. J'ai réalisé que j'avais plein de titres à haut risque. C'était ahurissant de voir ce que j'avais dans mon portefeuille. »

Autre lacune observée, son portefeuille était éparpillé dans 60 titres financiers, dont 20 fonds qui contiennent parfois plus de 2000 titres différents.

« Avec autant de titres, nous croyons qu'il est très difficile d'élaborer sur les différents risques que contient le portefeuille », écrivent les gestionnaires de Medici dans leur rapport de 37 pages qu'ils ont remis à M. Côté.

Outre les fonds, on trouvait des notes structurées parmi les 60 titres. Ce sont des produits complexes qui se caractérisent par des frais élevés et multiples qui viennent grever les rendements. « J'ai eu à perdre 11 % sur le capital investi et j'ai une pénalité de 12 % pour sortir. C'est incroyable », se souvient M. Côté.

Ce dernier a transféré tous ses avoirs chez un nouveau courtier. Il a d'ailleurs porté plainte contre son courtier précédent auprès de son employeur.

Même si tout se passe bien depuis six mois, M. Côté est conscient qu'il n'est pas à l'abri d'une autre déconfiture boursière. « Au moins, je sais que ce que j'ai dans mon portefeuille, ce sont de bonnes compagnies solides qui font des profits. »

L'OPINION DU PROF

Frank Coggins, professeur de finance à l'Université de Sherbrooke, rappelle que l'évaluation de portefeuille est un outil de marketing dont se servent les gestionnaires pour recruter de nouveaux clients.

À cet égard, le conseiller que vous consultez pour une seconde opinion a tout intérêt à blâmer votre gestionnaire actuel et à faire valoir que lui-même ferait beaucoup mieux.

« C'est important de faire affaire avec des spécialistes pour au moins s'assurer que notre portefeuille respecte les règles de base en finance. Mais il faut toujours rester critique. Souvent, les courtiers ont leur propre fonds à placer à l'avant-scène. »

- Frank Coggins, professeur de finance à l'Université de Sherbrooke

L'universitaire mentionne que la documentation existante tend à prouver que la moyenne des gestionnaires de portefeuilles ne parvient pas à battre le marché. Personnellement, M. Coggins penche vers une gestion passive du portefeuille par le moyen de différents fonds indiciels négociés en Bourse, ce qui lui assure une diversification à la fois géographique et sectorielle de son portefeuille.

BIEN DÉCRIRE SON INSATISFACTION

Avant de vous engager dans une démarche d'évaluation de votre portefeuille, faites vos devoirs! Ramassez vos relevés de compte, dressez un portrait global de votre situation financière et obtenez une copie écrite de la stratégie d'investissement appliquée par votre courtier. L'expert que vous sollicitez pour une deuxième opinion aura en main les outils pour analyser vos besoins et vérifier si le contenu du portefeuille concorde avec votre profil d'investisseur.

Dans sa pratique, Carl Simard, président de Gestion Medici, retient trois grandes sources d'insatisfaction chez les épargnants qui viennent le consulter.

RENDEMENTS DÉCEVANTS

Le client n'a souvent pas d'outils pour jauger la performance de son courtier, déplore le gestionnaire de portefeuille. En toute logique, le relevé de compte devrait montrer le rendement obtenu selon différentes périodes de temps. Ces rendements devraient pouvoir se comparer à un indice de référence pertinent.

« Un indice de référence, ça paraît banal, mais à peu près personne ne le fait. »

- Carl Simard, président de Gestion Medici

Questions à poser à son conseiller : 

Quel a été le rendement de mon portefeuille depuis 12 mois, 3, 5 et 10 ans ?

À quel indice de référence le rendement de portefeuille se compare-t-il ?

Comment expliquez-vous l'écart de rendement entre les deux ?

INDIFFÉRENCE DU CONSEILLER

L'indifférence du conseiller à l'égard de son client peut se traduire par une application aléatoire de la politique d'investissement, par des relevés de compte opaques et par des communications espacées dans le temps. Dans un portefeuille qui a été négligé par son gestionnaire, la répartition d'actif ne correspond souvent plus au profil de l'investisseur, donne en exemple Stéphane Martineau, gestionnaire de portefeuille chez VMD. « Le portefeuille est à la dérive », dit-il.

Questions à poser à son conseiller :

Quelle est votre stratégie d'investissement ?

Quelle est ma répartition d'actif ? Géographique ? Sectorielle ? Par catégories d'actif ?

TARIFICATION EXCESSIVE

Beaucoup d'épargnants mécontents considèrent qu'ils paient trop cher leur conseiller. Encore faut-il savoir exactement ce qu'on lui verse. Quelle somme, en incluant ce que lui verse la société de fonds communs, le conseiller touche-t-il chaque année pour s'occuper de son client ? « Le client ne doit jamais oublier qu'il absorbe d'importantes pénalités pour financer la commission au vendeur de fonds communs », insiste Carl Simard, qui n'investit jamais dans ce type de produit.

Questions à poser à son conseiller :

Comment êtes-vous payé ? À un taux horaire ou à commission ?

Quelle est la structure de frais de mes fonds communs ?

Dans la dernière année, à combien s'élèvent les frais perçus sur mon compte en dollars ?