Vous adorez ses beignets, et lors des belles journées d'été, vous vous régalez de ses cappuccinos glacés. Et si vous avez acheté ses actions au plus fort de la crise financière en 2008, vous vous en réjouissez aujourd'hui, car vous avez plus que doublé votre mise. En effet, les actions de Tim Hortons sont passées de 28 $ en novembre 2008 à plus de 58 $ aujourd'hui.

Chez Tim Hortons, c'est surtout la stabilité des résultats qui attire les investisseurs. La société les a habitués à des flux de fonds auto générés et à un dividende réguliers. De plus, ayant peu de dettes, les investisseurs ne craignent pas qu'elle se retrouve en difficulté dès les premiers signes de ralentissement économique.

Mais voilà que des gestionnaires de hedge funds (fonds spéculatifs) en demandent plus. Ils voudraient que l'entreprise s'endette afin de racheter une partie importante de ses actions en circulation. Cette opération permettrait au cours de l'action de doubler à nouveau, selon eux.

Deux gestionnaires de hedge funds américains, Scott Capital Management et Highfields Capital Management, ont acheté chacun environ 5 % des actions en circulation de Tim Hortons, et entendent maintenant faire pression sur la société pour qu'elle mette en place cette stratégie de rachat d'actions.

Que faut-il en penser? La stratégie de ces fonds spéculatifs est-elle bien fondée ? Ou s'agit-il plutôt d'une opération qui permettrait aux actionnaires de s'enrichir à court terme, mais qui aurait, à cause de l'endettement, des conséquences peut-être dramatiques à plus long terme?

«Tout est dans le dosage», répond Richard Guay, professeur de finance à l'ESG UQAM et ex-dirigeant de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

D'abord, la performance boursière de Tim Hortons n'est peut-être pas si impressionnante qu'on pourrait le croire. Depuis quatre ans, les principales bourses américaines et européennes ont toutes plus que doublé. « L'action de Tim Hortons n'a fait que suivre la tendance générale du marché, il n'y a rien là d'exceptionnel », dit M. Guay.

Chaque trimestre, la société réalise plus de 85 millions de profits attribuables aux actionnaires. Sa capitalisation boursière est de 9 milliards, ce qui en fait une des plus grandes chaînes de restaurants en Amérique du Nord, et la plus grosse au Canada. Elle gère plus de 3450 restaurants au Canada, plus de 800 aux États-Unis, ainsi que 27 dans des pays du golfe Persique.

L'action de Tim Horton pourrait valoir davantage, croit Richard Guay. «Comme la dette de l'entreprise n'est que de 400 millions et que les taux d'intérêt sont très bas, elle pourrait sûrement emprunter une certaine somme pour racheter ses actions», dit-il. Pour lui, l'opération semble évidente.

Mais peut-être pas autant qu'aimeraient les deux hedge funds impliqués. Scott Capital voudrait que Tim Hortons rachète 23 % de ses actions. Highfields Capital est encore plus gourmand et demande à la firme de racheter 37 % de ses actions en circulation. Ceci engagerait un emprunt de plus de 2 milliards dans le premier cas, et de 3,3 milliards pour la proposition de Highfields.

Avec 10 % des actions, les deux hedge funds ont suffisamment de poids pour imposer leur idée aux dirigeants de Tim Hortons. Il est donc probable qu'une opération de rachat d'actions soit mise en place.

Que l'entreprise se donne un peu de levier sera une bonne nouvelle selon Richard Guay. Mais il suggère aux investisseurs de bien surveiller le niveau d'endettement qui en résultera.

Il importera aux dirigeants de Tim Hortons de bien aligner les intérêts à court terme de certains actionnaires à ceux à plus long terme de l'ensemble. «Plus le montant de l'emprunt sera élevé, plus le risque à long terme sur la performance de l'entreprise le sera aussi, dit M. Guay. L'important, ce sera la dose, ajoute-t-il».

La gouvernance

Sous l'oeil de la bonne gouvernance d'entreprise, que faut-il penser de ces gestionnaires de hedge funds qui viennent dicter la loi aux conseils d'administration des entreprises?

Leur présence est parfois souhaitable, explique Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP). «Les hedge funds sont utiles pour réveiller les conseils d'administration lorsque ceux-ci manquent de dynamisme», dit-il. Les changements survenus au CP en sont un bel exemple.

Mais il existe des risques afférents à cette présence. «Les actionnaires sont en soi des partenaires à moyen et à long terme», dit M. Nadeau. Trop souvent, l'intérêt des gestionnaires de hedge funds n'est qu'à court terme et ceux-ci poussent les entreprises à gérer de trimestre en trimestre. «Le danger est qu'il amène les membres du conseil d'administration à perdre leur vision à long terme», dit Michel Nadeau.