Le crédit d'impôt pour frais de scolarité était au coeur des négociations entre Québec et les fédérations étudiantes. Pourtant, trop d'étudiants laissent filer cet avantage fiscal et se privent ainsi de centaine, voire de milliers de dollars d'économies d'impôts. Coup d'oeil sur cette variable méconnue dans le débat sur la hausse des droits de scolarité.

Les négociations entre Québec les étudiants ont frappé un mur jeudi. Pour atténuer la hausse des droits de scolarité, le gouvernement songeait à réduire le crédit d'impôt pour frais de scolarité. Les étudiants auraient voulu abolir complètement le crédit, de manière à annuler la hausse pour les deux premières années.

Or, il semble que bien des étudiants ne soient pas au courant de ce crédit qui est pourtant au centre des débats. Certains étudiants omettent carrément de faire leur déclaration de revenus, ou alors, ils ne la font pas correctement. Ils se privent ainsi de centaines, voire de milliers de dollars d'économies d'impôt.

Il n'est pas rare de voir des gens qui n'ont pas fait leur déclaration et qui viennent nous rencontrer», affirme André Boulais, auteur du livre Réduisez vos impôts. Le cas type : un étudiant qui a gagné des revenus 10 000$ et qui se dit: «Ça ne me donne rien de faire ma déclaration cette année parce que je n'ai pas à payer d'impôts», raconte le fiscaliste.

Grave erreur. Cet étudiant se prive probablement d'économies d'impôt de plus de 2000$ (voir encadré et tableau).

D'autres étudiants prennent le temps de faire leur déclaration de revenus. «Mais est-ce qu'ils la font comme il faut? Il est possible que des jeunes fassent leur déclaration, juste pour avoir des crédits d'impôt remboursables (TPS, solidarité) sans savoir qu'ils peuvent avoir droit à d'autres crédits plus tard, en remplissant les annexes», avance la fiscaliste Danièle Boucher.

Contrairement au crédit de TPS et de solidarité qui sont versés même à ceux qui ne paient pas d'impôt, les crédits pour frais de scolarité ne sont pas remboursables, ce qui signifie qu'ils n'ont aucune valeur immédiate pour les étudiants qui ne paient pas d'impôt. Mais les crédits peuvent être reportés et utilisés plus tard lorsque les étudiants auront des impôts à payer.  

Sauf qu'il ne faut pas les oublier. «On voit des gens qui gagnent 30 000$ ou 40 000$ depuis quelques années et qui laissent trainer des crédits inutilisés de plusieurs milliers de dollars. Ça reste dans leur dossier. L'avis de cotisation précise qu'il y a des droits de scolarité inutilisés. Mais ce n'est pas tout le monde qui porte attention à cela», dit M. Boulais.

L'étudiant peut aussi transférer les crédits à ses parents qui pourront bénéficier immédiatement de l'économie d'impôt.

Le crédit est transférable, oui. Mais il faut que l'étudiant fasse sa déclaration de revenus et qu'il complète les annexes. Si l'étudiant ne demande pas le transfert dans sa déclaration, le parent n'en verra jamais la couleur», dit Mme Boucher.

Souvent, les parents ne savent même pas de quoi il en retourne, surtout pour la première année d'études postsecondaires», constate la fiscaliste.

Il faut dire qu'autrefois, les institutions envoyaient par la poste les feuillets fiscaux pour les droits de scolarité. Désormais, l'étudiant doit imprimer lui-même les relevés pour fins fiscales dans son dossier sur Internet. «Ce n'est pas tout le monde qui a la discipline de le faire», note M. Boulais.

Revenu Québec est incapable d'évaluer le pourcentage des étudiants qui ne réclament pas les crédits auxquels ils auraient droit.

Mais on sait que le gouvernement du Québec a remis 95 millions de dollars en crédit d'impôt pour frais de scolarité aux étudiants, ainsi que 41 millions de dollars à leurs parents, puisque le crédit est transférable. La dépense fiscale s'élève donc à 136 millions de dollars, pour 2010.

Impossible de connaître le montant total versé par les étudiants québécois en frais de scolarité ouvrant droit au crédit. Le ministère de l'Éducation est incapable de fournir cette donnée.

Abolir ou réduire le crédit?

Devrait-on abolir ou réduire le crédit d'impôt pour frais de scolarité afin d'atténuer la hausse annoncée des droits universitaires?

Pour favoriser l'accessibilité aux études, Québec a déjà offert de bonifier le programme de bourses en rognant le crédit d'impôt pour droits de scolarité qui devrait fondre de 20% à 16,5%. Cela représente un transfert de richesse de 39 millions de dollars qui profitera à environ 44 000 étudiants de familles à revenus plus modestes, selon le ministère de l'Éducation.

Cette semaine, Québec a offert de réduire le crédit jusqu'à 13%, cette fois pour adoucir la hausse annuelle des droits de scolarité de 254$ à 219$ pour l'ensemble des étudiants. Les fédérations étudiantes voulaient aller plus loin, de manière à annuler la hausse des droits de scolarité pour les deux premières années.

«Il faut trouver une sortie de crise. Une des pistes est d'aller sur le terrain de la fiscalité.

Chaque baisse d'un point du taux du crédit représente environ 11 millions de dollars», évalue le fiscaliste Luc Godbout.

Aplanir l'augmentation des droits de scolarité en réduisant le crédit d'impôt est une opération à coût nul. Cela ne changerait rien pour les familles nanties qui ont les moyens de payer les droits au début de l'année, et d'attendre le crédit avec leur remboursement d'impôt.

«Mais pour ceux qui ont de faibles revenus, ça favoriserait l'accessibilité», croit M. Godbout. Pour eux, il est plus difficile de payer des droits de scolarité élevés et d'attendre un crédit d'impôt qui ne viendra peut-être que dans plusieurs années. Sans compter ceux qui oublient de le réclamer.

Par contre, en réduisant le crédit pour aplanir la hausse des droits, les Québécois perdent au change au fédéral. Déjà, les Québécois reçoivent moins que les Ontariens de la part d'Ottawa parce que les droits de scolarité sont plus faibles, souligne M. Godbout.

Autre option: Québec pourrait rendre le crédit remboursable pour que tous les étudiants le récupèrent rapidement, qu'ils soient riches ou pauvres, qu'ils aient des impôts à payer ou non.