Après six ans de fréquentations, Manon et Jocelyn sont prêts à faire le grand saut: ils vont emménager ensemble. S'il démontre le même enthousiasme que de jeunes tourtereaux pour ce nouveau projet, le couple a cependant plusieurs facteurs à considérer: Manon a 50 ans et Jocelyn, 54. Tous les deux divorcés, ils ont chacun une fille de 20 ans aux études. Et sont chacun propriétaires d'une maison.

«On ne voulait pas s'installer ensemble tant que nos filles habitaient encore avec nous, explique Jocelyn, qui est fonctionnaire au gouvernement fédéral. Ma fille vient de partir en appartement, et celle de Manon prévoit rester encore avec sa mère un an, alors c'est le moment de mettre notre projet en marche.»

Où feront-ils vie commune? Dans la maison de Manon, celle de Jocelyn, ou alors dans une nouvelle résidence? Ils veulent s'assurer de faire le bon choix, financièrement parlant, puisqu'ils sont à quelques années seulement de la retraite - 2014 pour Jocelyn, 2018 pour Manon.

Le couple a déjà écarté l'idée de s'installer dans la demeure de Jocelyn, trop loin du lieu de travail de Manon, qui a encore six années de métro-boulot avant la retraite. Il leur reste trois options: vendre la maison de Jocelyn pour conserver et agrandir le semi-détaché de Manon; vendre les deux maisons pour en acheter une nouvelle, qui coûterait entre 350 000$ et 400 000$; ou encore vendre la maison de Jocelyn, mettre celle de Manon en location et se faire construire une nouvelle résidence sur un terrain que possède Jocelyn.

La planificatrice financière Hélène Bronsard, vice-présidente de Raymond Chabot Gestion privée, s'est penchée sur les questions de Manon et Jocelyn. D'entrée de jeu, elle souligne qu'ils devraient s'assurer d'arriver à la retraite libres de dette - surtout Manon, qui a un solde hypothécaire plus élevé et qui aura un revenu de retraite plus faible que Jocelyn.

Selon Mme Bronsard, c'est le premier scénario qui serait le plus avantageux pour le couple, c'est-à-dire le déménagement de Jocelyn dans la maison de Manon. Dans ce cas, Jocelyn vendrait sa résidence de 220 000$, qui est libre d'hypothèque. Il utiliserait la moitié de cette somme pour acquérir 50% de la maison de Manon. Il paierait aussi au complet l'hypothèque de 40 000$ sur son terrain.

Pour éviter de se sentir à l'étroit et pour permettre à Jocelyn de pratiquer son activité favorite, l'ébénisterie, le couple envisage d'agrandir la maison de Manon pour y aménager un atelier. Il estime à 70 000$ les coûts d'un tel projet, payé moitié-moitié. Après l'achat de la maison, l'agrandissement et le paiement de son hypothèque, Jocelyn aurait encore 35 000$ en poche, à investir.

Manon, de son côté, utiliserait une partie des 110 000$ reçus de Jocelyn pour payer sa part de l'agrandissement. Les 75 000$ restants seraient investis. «Je suggère à Manon d'attendre le moment de sa retraite pour rembourser son solde hypothécaire, parce qu'elle possède un REER-hypothèque, qui est l'équivalent d'un placement», explique Hélène Bronsard.

Se prêter à soi-même

Le REER-hypothèque est un produit financier assez peu connu, qui permet de se prêter à soi-même: on utilise les fonds accumulés dans son REER pour financer son hypothèque. Manon a ainsi emprunté 135 000$ de ses REER en 2009. Depuis, elle rembourse son propre compte REER chaque mois, en se payant des intérêts de 6,4%. Peu d'institutions financières offrent ce produit, puisqu'elles n'en retirent aucun intérêt - Manon fait affaires avec la Banque TD, qui se contente d'exiger des frais de gestion de 100$ par année.

Cette stratégie ne convient pas non plus à tous les particuliers, notamment parce que les frais de démarrage sont élevés: il faut passer chez le notaire, faire évaluer la maison et obligatoirement assurer le prêt auprès de la SCHL. «Le capital utilisé doit être d'au moins 30 000$, avec un amortissement prolongé, pour que ça en vaille la peine», dit la planificatrice financière. Ceux qui ont constitué un important portefeuille REER mais ne sont pas satisfaits des rendements obtenus pourraient y voir un avantage, puisque le taux d'intérêt du prêt peut être légèrement supérieur au taux courant, «donc, c'est intéressant si vous êtes créancier», indique Mme Bronsard.

En choisissant de s'installer dans une nouvelle maison, le couple ne serait peut-être pas en aussi bonne position, note la planificatrice financière. S'ils achètent une nouvelle propriété, Manon aura toujours une dette hypothécaire au moment de sa retraite. Quant au projet de construction sur le terrain de Jocelyn, Hélène Bronsard estime qu'il devrait faire l'objet d'un examen plus poussé, tant pour en évaluer le coût que pour établir les modalités d'une entente équitable entre les deux membres du couple (puisque Jocelyn serait seul propriétaire du terrain et de la maison, et que Manon devrait lui payer un loyer).

Pour que les deux conjoints aient l'esprit en paix, selon Mme Bronsard, mieux vaut privilégier l'option qui les place dans une situation financière confortable et qui maintient une certaine équité. La vie de couple comporte déjà suffisamment de défis, mieux vaut ne pas en rajouter, n'est-ce pas?PrécisionDans la chronique Sous la loupe publiée le 12 mai, il était indiqué qu'une enseignante ayant travaillé à temps partiel pendant quelques années pouvait peut-être racheter au RREGOP, le régime de retraite des employés du gouvernement, les périodes pour lesquelles elle n'était pas employée à temps plein, pour rétablir ses droits à une pleine retraite. En réalité, le régime permet le rachat seulement pour des périodes qui sont comprises dans l'horaire de travail de l'employé, par exemple un congé sans solde. «Plus concrètement, un employé ayant une tâche à 80% du temps ne peut racheter les jours qui ne sont pas dans son horaire de travail, ainsi il ne peut cumuler plus de 0,8 année de services», explique la CARRA (Commission administrative des régimes de retraite et d'assurance du gouvernement du Québec). Merci aux lecteurs qui nous ont fait remarquer cette erreur.