Quand ça joue dur à la Bourse, il vaut mieux miser sur une stratégie défensive, sur des sociétés robustes qui versent des dividendes élevés. Quels titres repêcher ? Trois gestionnaires nous présentent les joueurs étoiles au Canada, aux États-Unis et en Europe.

L'an dernier, les investisseurs levaient le nez sur les titres à dividende élevé. Un rendement de 6 % ? « Pfft ! C'est tout ? » Aujourd'hui, ils n'ont plus la même réaction. Face au même dividende de 6 %, ils s'exclament : « c'est très bon ! » raconte Kim Shannon.

Simple retour à la normale, estime la réputée présidente des Gestionnaires de placements Sionna. Avec la correction boursière, les titres à dividendes élevés ont retrouvé la faveur des investisseurs.

À long terme, les titres de sociétés qui versent des dividendes affichent une meilleure performance boursière (10,6 % par an) que ceux qui n'en versent pas (2,2 %). Et les sociétés qui augmentent leur dividende font encore mieux (12,5 %).

Mais durant l'exceptionnel rebond qui a suivi la crise du crédit, la situation s'était complètement inversée. Les sociétés qui ont fait l'effort d'augmenter leur dividende se sont fait doubler par celles qui n'en versaient pas du tout.

Ainsi, de février 2009 à juin 2011, les titres sans dividende ont explosé de 53 %, par rapport à une avancée de seulement 27 % pour les titres à dividende en croissance (+27 %). Le monde à l'envers ! Le paradis de la pacotille ! « Les titres sans dividende ont surperformé durant une très longue période », constate Mme Shannon.

Mais depuis la mi-juin, les titres à dividende prennent leur revanche : ils ont nettement mieux résisté à la chute de la Bourse, affichant un repli de 18 % par rapport à une dégringolade de 48 % pour les titres sans dividende.

Or, le brasse-camarade n'est pas terminé à la Bourse, estime Mme Shannon. À son avis, la Bourse pourrait s'en aller nulle part durant encore cinq ans, avant de reprendre un véritable élan.

Dans un marché qui joue au yoyo, il ne faut pas essayer de jouer au héros, prévient la gestionnaire.

Ses conseils : Restez très prudents. Maintenez un portefeuille très bien diversifié. Rééquilibrez-le constamment en vendant les gagnants pour racheter les perdants. Et misez sur les dividendes qui seront peut-être la principale source de rendement, si la Bourse ne décolle pas.

D'autant plus que les obligations n'ont jamais été si peu attrayantes. Les obligations américaines de 10 ans versent à peine 1,8 % d'intérêts, tandis que l'indice S & P500 de la Bourse américaine offre un dividende 2,3 %. L'écart en faveur des dividendes a rarement été si large.

CANADA

Les trois étoiles de Kim Shannon, présidente des Gestionnaires de placements Sionna

BCE (BCE)

Dividende : 5,3 %

Bell Canada Entreprises est probablement la marque de commerce la plus connue au Canada. Son titre est défensif, à l'image d'un fournisseur de services publics. Mais le géant des télécommunications offre aussi une touche de croissance grâce à la téléphonie mobile. Non, Bell Mobilité n'est pas le chef de file du sans-fil. Mais justement, il peut grandir en grappillant des clients chez ses concurrents, Rogers et Telus, estime Mme Shannon. Par ailleurs, la gestionnaire fait confiance à la nouvelle équipe de direction qui se concentre sur le contrôle des coûts.

Canadian Oil Sands (COS)

Dividende : 6,3 %

Le prix du baril de pétrole est raisonnable, considère Mme Shannon. Mais à la Bourse, le prix des actions du secteur de l'énergie ne l'est pas. Des prix aussi bas indiquent que les investisseurs ne croient pas que le pétrole restera à ce niveau, dit-elle. Pourquoi ne pas en profiter pour faire le plein ? Un titre de grande qualité, comme Canadian Oil Sands qui détient des bonnes réserves à long terme, constitue un bel achat. Son dividende offre un rendement fort attrayant.

Great-West Lifeco (GWO)

Dividende : 6,2 %

Les sociétés d'assurance donnent un peu la trouille aux investisseurs, ces temps-ci. Leurs actions se négocient en dessous de leur valeur historique. Elles sont aussi beaucoup moins chères que celles des banques canadiennes. Pour Mme Shannon, le moment est bien choisi de sélectionner un assureur. Elle pointe le titre de Great-West Lifeco, une société d'assurance solide et de qualité, qui a bien réussi à passer à travers la crise du crédit en 2008.

Au banc des pénalités

Prenez garde aux anciennes fiducies dans le secteur de l'énergie qui ont dû se reconvertir en sociétés, dit Mme Shannon. Plusieurs ont maintenu leurs versements au même niveau. Pour certaines, le réservoir commence à être vide. Les investisseurs doivent faire leurs devoirs, car certaines pourraient réduire leurs dividendes.

ÉTATS-UNIS

Les trois étoiles de Nadim Rizk, chef des actions étrangères chez Fiera Sceptre

Johnson & Johnson (JNJ)

Dividende 3,7 %

Jonhson & Jonhson est « le titre parfait pour ceux qui cherchent un dividende élevé et qui veulent bien dormir la nuit », dit M. Rizk. Ses activités sont extrêmement bien diversifiées dans les équipements médicaux de haute technologie, le pharmaceutique et les produits de consommation... comme le célèbre shampoing pour bébé. Depuis cinq ans, la société a haussé son dividende de 8,6 % par an en moyenne, y compris lors de la récession de 2008.

Colgate-Palmolive (CL)

Dividende : 2,6 %

Le dividende de Colgate-Palmolive procure un rendement un peu moins élevé. Mais depuis cinq ans, le dividende a augmenté de 12 % par an. « Absolument extraordinaire », dit M. Rizk. Selon lui, il vaut mieux un dividende en croissance qu'un dividende très élevé. D'ailleurs, quand le rendement du dividende excède 10 % (ex : 1 $ de dividende pour une action qui en vaut 10 $), c'est un mauvais présage. « Souvent, ce sont des entreprises qui sont dans le « trouble ». Avant la faillite, GM versait plus de 10 %, rappelle M. Rizk. Mais quand l'entreprise n'est pas rentable, le dividende est insoutenable. »

3 M (MMM)

Dividende : 3,1 %

3 M a fait sa marque avec les fameux Post-it. Mais la société a mis au point une foule de technologies à la fine pointe, comme le matériau qui permet aux écrans tactiles de capter les mouvements des utilisateurs de tablettes numériques.  L'action de 3 M est plus sensible aux cycles économiques. Mais son dividende est inébranlable. En 2008-09, les profits de 3M ont reculé de 4 à 3,2 milliards $US, mais le dividende n'a jamais été en péril car 3M se garde une excellente marge de manoeuvre.

Au banc des pénalités

Prudence avec les banques, en particulier celles qui n'ont pas leur propre réseau de succursales, et qui doivent se financer sur les marchés publics du crédit.

EUROPE

Les trois étoiles d'Ian Scullion, gestionnaire d'actions étrangères à la CIBC

Tesco (TSCDY)

Dividende : 3,9 %

Poids lourd de la distribution alimentaire, Tesco est un peu le Loblaw du Royaume-Uni. Mais la multinationale tire le quart de ses profits de l'étranger. Elle est présente dans 14 pays, notamment aux États-Unis avec la bannière Fresh & Easy, mais aussi en Europe de l'Est et en Asie, des marchés porteurs. Sa croissance est réglée comme une horloge, souligne M. Scullion. Bon an, mal an, le chiffre d'affaires augmente de 9 à 10 %, ce qui permet à la société de relever le paiement de son dividende de 5 à 7 %. Une véritable vache à lait pour les amateurs de revenus généreux.

ABB (ABB)

Dividende : 3,5 %

La société suisse ABB offre un dividende alléchant et un profil de croissance du tonnerre. Mais lorsque la récession gronde, ne devrait-on pas éviter les sociétés industrielles ? « ABB n'est pas aussi cyclique qu'on pense, répond M. Scullion. Lors du repli de 2008-09, son chiffre d'affaires s'est assez bien maintenu. » C'est que bien des contrats de la multinationale découlent de grands projets d'investissement à long terme dans l'électrification, un domaine très porteur, juge M. Scullion. Il souligne que le réseau de distribution d'électricité est dans un piètre état aux États-Unis, ce qui occasionne des pertes d'énergie énormes. Sans compter, les pays émergents où les besoins d'électrification sont grands...

Reed Elsevier (RUK)

Dividende : 4,5 %

Concurrent de Thomson Reuter, Reed Elsevier diffuse de l'information spécialisée dans des domaines scientifiques, médicaux et juridiques. La société publie quelque 2000 journaux et revues, incluant The Lancet. Un généreux dividende. Zéro dette. Une croissance stable, reposant sur une clientèle fidèle qui renouvelle ses abonnements presque à 100 % chaque année. Voilà la définition d'un titre très peu cyclique.

Au banc des pénalités

Même si leur dividende offre un rendement très élevé, supérieur à 10 % dans bien des cas, il faut se méfier des banques européennes. Elles risquent de subir les contrecoups d'une éventuelle faillite de la Grèce. Leur dividende pourrait fondre.