Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Pascal Duquette, de Natcan.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Depuis 10 jours, les agences de notation de crédit ont abaissé leurs perspectives sur la cote de crédit des États-Unis et du Japon. Même si leur cote de crédit n'a pas été changée, c'est un événement très important. Jusqu'ici, la crise des dettes souveraines touchait surtout dans les pays périphériques d'Europe. Maintenant, on parle de pays développés : de la première et de la troisième plus grande économie du monde.

Les gens espèrent que le coup de semonce des agences de notation forcera les gouvernements à réagir. Mais souvent, les changements surviennent seulement lorsque le statu quo devient plus pénible que le changement. Aux États-Unis, le contexte politique fait en sorte qu'il est très difficile d'obtenir un consensus pour changer les choses. On va rester dans l'impasse tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un événement pour forcer le changement... une montée des taux d'intérêt de long terme, une chute du dollar américain.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je surveille énormément le marché des devises. Si la dévaluation de la devise américaine s'accélère, les Américains vont devoir défendre leur dollar. Leur dette est détenue par des étrangers qui ne sont pas très contents de se faire payer avec une monnaie qui baisse tout le temps.

Mais il n'y aura pas de crise de la dette si l'économie redémarre bien. Pour cela, il faut que l'emploi et l'immobilier reprennent des forces, parce que le consommateur américain représente encore 70% de l'économie. Dans l'immobilier, il y a encore un nettoyage à faire. Mais sur le marché du travail, on a les premiers signes d'amélioration : on est remonté à 200 000 créations d'emploi par mois, mais il faudrait atteindre 300 000 pour crier victoire.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir?

La meilleure occasion est du côté des actions de grandes sociétés américaines qui font beaucoup d'affaires à l'étranger. Elles vont bénéficier de la croissance dans le reste du monde, comme en Chine. Leurs actions ont rarement été si bon marché. Et si le dollar américain se déprécie, elles vont en bénéficier énormément. On voit déjà que les multinationales comme McDonald ou Apple ont eu des résultats fantastiques au dernier trimestre.

Le bémol: comme investisseur canadien, il vaut mieux se couvrir contre le risque de baisse du dollar américain. Par exemple, il est possible d'acheter l'indice des 500 plus grandes sociétés américaines, en dollars canadiens, à l'aide d'un fonds négocié en Bourse comme le iShares S & P 500 Index Fund (XSP).

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'éviterais la dette gouvernementale américaine et japonaise. Si jamais il y a un problème de devise ou d'évaluation de leur cote de crédit, les taux d'intérêt vont monter. Et quand les taux montent, la valeur de la dette baisse.

Je serais plus optimiste pour les obligations des sociétés parce qu'elles ont un bilan fantastique. Un jour, je ne serais pas surpris de voir des entreprises avec une meilleure cote de crédit que celle de leur propre pays. La raison ? Pour une société américaine qui a des actifs à travers le monde, la dévaluation de la devise serait bien moins pire que pour le gouvernement américain qui a tous ses actifs au pays.

Qu'est que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les gens sous-estiment l'incapacité de nos gouvernements à faire face à leurs engagements, que ce soit pour la retraite ou la santé. L'excès de dette, le vieillissement de la population et transfert de richesse vers les pays émergents forment une combinaison difficile pour les promesses qui n'ont pas été financées. Les épargnants sous-estiment le nombre d'années qu'ils devront travailler et la quantité d'épargne qu'ils devront accumuler.

Avec plus de 25 ans d'expérience en finance, Pascal Duquette est président et chef de la direction de Gestion de portefeuille Natcan dont il a joint les rangs en 2004. Cette filiale de la Banque Nationale est à la barre de 26 milliards d'actifs, ce qui la classe parmi les 20 plus grands gestionnaires au Canada.