Les Canadiens n'épargnent pas assez en vue de leur retraite. En outre, bien des retraités présents et futurs voient fondre le capital sur lequel ils croyaient pouvoir compter, compte tenu des défis auxquels sont confrontés les régimes complémentaires de retraite dont ils sont les participants.

C'est dans le but de faire face à cette réalité inquiétante et complexe que le ministre des Finances Jim Flaherty convie ses homologues provinciaux à Whitehorse, jeudi et vendredi.

Son secrétaire parlementaire Ted Menzies va présider les travaux de la réunion après avoir présenté en mai une synthèse des consultations qu'il a menées cet hiver d'un océan à l'autre. Il était ainsi à Montréal le 18 mars.

Commission d'étude

En mai, les ministres avaient aussi mis sur pied une commission chargée de comparer la situation canadienne à celle d'autres pays occidentaux et de formuler des pistes de solution.

Jack Minz, longtemps rattaché à l'Institut C.D. Howe et spécialiste des régimes de retraite, préside cette commission. «On pourrait le mandater de mettre de la chair sur l'os après notre rencontre», dit M. Menzies.

Trois provinces, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique, préconisent la création d'un nouveau véhicule d'épargne consacré à la retraite, en plus du REER et des régimes complémentaires de retraite. Il s'agirait grosso modo d'un compte retraite. Certaines voix prônent que ces cotisations soient obligatoires et versées par les employés et les employeurs en complément des contributions au Régime des rentes du Québec ou du Canada.

D'autres soutiennent qu'elles devraient être volontaires puisque les bas salariés n'ont même pas les moyens de déposer dans un REER. Ces contributions pourraient être déductibles à la source ou, par exemple, au moment de la déclaration annuelle de revenus. Elles seraient déposées dans un compte, sous la surveillance d'un organisme gouvernemental mais gérées par une entité distincte. «On poursuit notre réflexion et on suit ça de près», commente Michel St-Germain, porte-parole de l'Institut canadien des actuaires.

«Retenir une seule option paraît prématuré à ce stade-ci», ajoute M. Menzies.

Depuis la crise financière, la santé des régimes de retraite s'est considérablement détériorée au point où quelques entreprises utilisent la Loi sur les arrangements avec les créanciers (LACC) pour se soustraire à leur obligation de rétablir la solvabilité. «Nous devons protéger les pensions, affirme M. Menzies. Les entreprises ne peuvent pas briser leurs promesses.»

C'est pourtant ce qu'ont l'impression de vivre les retraités d'Abitibi-Bowater, de Nortel et de Fraser, trois entreprises qui entendent se prévaloir de la LACC pour liquider leur régime de retraite en crise de solvabilité. Résultat, les retraités verront leurs prestations amputées du quart, voire davantage.

Les régimes complémentaires de retraite sont dans 93% des cas de juridiction provinciale alors que la LACC est de compétence fédérale. Selon les dispositions de cette loi, les caisses de retraite sont considérées comme des créanciers ordinaires quand vient le temps de distribuer l'argent. S'ils sont solvables, tous les participants auront leur dû. S'ils sont insolvables, ils devront se contenter de prestations équivalant au degré de solvabilité.

Dans le cas des retraités de Nortel, c'est 69% seulement. Voilà pourquoi un des leurs, Ken Lyons, milite pour une réforme de la LACC pour faire en sorte que le rang d'un régime de retraite parmi les créanciers devance celui des porteurs d'obligations. Ceux-ci peuvent maintenant s'acheter des swaps sur défauts de crédit, qui les immunisent contre les pertes. «En plus de récupérer pleinement la valeur de leurs obligations, ils reçoivent le même pourcentage pour leurs créances que les retraités», s'indigne-t-il.

Voilà pourquoi les retraités de Nortel ont insisté pour obtenir une rencontre avec le ministre de l'Industrie, Tony Clement. Elle doit avoir lieu à Ottawa jeudi.

Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), qui représente les travailleurs et retraités d'Abitibi-Bowater, y va d'une autre proposition: la création d'un Fonds national d'investissement et des rentes. Plutôt que de liquider un régime de retraite en cas de faillite, on y transférerait la portion de l'actif destinée aux retraités. Ce nouveau Fonds serait pérenne et sous supervision étatique. «Les règles de solvabilité pourraient ainsi être assouplies, ce qui serait un sérieux coup de pouce pour toutes les entreprises», explique Gaétan Ménard, trésorier du SCEP et ardent promoteur du Fonds.