Les fauteuils, cônes blancs renversés sur leur troncature, fusent du sol comme les faisceaux lumineux d'une rampe de scène. Leurs centres, vivement colorés, sont creusés pour accueillir les postérieurs des badauds.

En effet, ce sont les projecteurs de théâtre qui ont inspiré cette proposition de mobilier urbain pour le Quartier des spectacles, conçue par la firme GPA.

 

En juin 2008, ce petit bureau avait été retenu pour la réalisation d'un concept préliminaire, parmi quelques autres firmes de design invitées à poser leur candidature.

Les designers industriels Charles Godbout et Luc Plante viennent de soumettre le résultat de leurs cogitations aux architectes Daoust Lestage inc., maîtres d'oeuvre du projet, sous l'égide de la société Quartier international de Montréal.

Leur concept tranche nettement avec l'idée couramment admise de mobilier urbain. Ce n'est pas un banc. Ce n'est pas un siège. C'est un fauteuil.

«On veut créer un lounge extérieur urbain», exprime Charles Godbout. Sur la Place des festivals, ces fauteuils seraient regroupés selon différentes configurations, ou déplacés pour accueillir les événements spéciaux rassembleurs de foule. «C'est une vision qui permet aux gens de s'approprier l'espace», décrit le designer.

D'où en vient l'inspiration?

«On ne dessine pas du mobilier urbain, on conçoit du mobilier urbain», lance-t-il. La nuance réside dans le lourd cahier des charges d'un mobilier soumis aux intempéries, à un usage intensif, au vandalisme. Le coup de crayon inspiré doit suivre, et non précéder, une recherche approfondie du côté des matériaux et des procédés de fabrication adaptés à une petite production.

Les recherches de Charles Godbout et Luc Plante les ont menés au béton Ductal, un béton haute performance mis au point au début des années 2000 par Lafarge. Très résistant à l'abrasion et aux chocs, il se caractérise par sa facilité de coulage et sa texture très fine, rappelant la céramique. «Sa densité est proche de celle du granite, commente Charles Godbout. Il est facile à nettoyer, résiste aux graffitis.»

Les designers ont tiré profit des possibilités de ce matériau pour modeler un fauteuil urbain aux formes audacieuses, dont la couleur blanc nacré est teintée dans la masse. Son poids propre de 300 kg le maintiendra en place. «Les fauteuils seraient déplacés par chariot élévateur, sans qu'il soit nécessaire de les ancrer», explique Charles Godbout. Et au contraire d'un long banc, un fauteuil circulaire ne présente aucun intérêt pour les amateurs d'acrobaties sur roulettes.

Creusée dans l'ouverture circulaire du cône incliné, l'assise parfaitement symétrique respecte les angles de confort. Une capsule en polycarbonate thermoformée s'y encastre, qui lui donne sa couleur vive et son toucher soyeux. En cas de malheur, elle pourra être repolie ou aisément remplacée.

Et l'eau de pluie, vous inquiétez-vous? Une fente qui traverse la base de béton favorisera l'écoulement.

D'autres éléments

Comme dans un bar-salon, les fauteuils de la Place des festivals peuvent entourer une table basse, elle aussi en béton et en forme de cône tronqué.

Le long des rues, les bancs publics se subdivisent en petits cônes renversés individuels, coiffés d'une manière de selle en plastique coloré.

Même idée de cône étiré pour les bollards, ces colonnettes qui empêchent le passage des véhicules. Les deux designers proposent d'encastrer à leur sommet un médaillon en inox gravé, qui commémorerait un artiste, un spectacle, un événement qui a marqué la scène montréalaise.

Un contenant à recyclage trilobé, un bac de plantation et des luminaires complètent l'équipement.

Si leur proposition est agréée, les deux designers sont prêts à poursuivre le développement. Le dossier de ce fauteuil est à suivre...