Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Pierre Comtois, d'Optimum Gestion

Q: À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Le rebond récent des actions des banques et des compagnies d'assurances semble indiquer que le pire est derrière nous, pour le marché des actions en général.

 

Beaucoup de pertes ont déjà été provisionnées par les banques. D'autres sont à venir, notamment à cause des cartes de crédit et de l'immobilier commercial. Mais les patrons des banques expriment publiquement des perspectives plus positives pour leurs profits des prochains trimestres, ce qui augmente la confiance des investisseurs.

Autre élément à souligner: compte tenu leur inquiétude face au dollar américain, les Chinois semblent acheter des actifs tangibles, notamment des métaux, ce qui explique en partie l'augmentation du prix du cuivre. Cela explique aussi la surperformance de la Bourse canadienne, qui est composée à 50% de ressources naturelles. C'est encore celle qui fait le mieux depuis le début de l'année, avec une hausse de plus de 3% en 2009, alors que tout le reste est négatif dans le monde.

Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il faut que le cycle de l'immobilier se renverse. On souhaite que les prix de l'immobilier se stabilisent aux États-Unis, afin de ramener la confiance des consommateurs. Pour l'instant, le prix des maisons reste à la baisse et le nombre de maisons à vendre est excessif.

Mais on assiste actuellement à une forte baisse des mises en chantier d'environ deux millions d'unités par année dans les meilleures années, à environ 500 000 présentement. La baisse de la construction va aider à absorber les stocks de maisons neuves invendues et les maisons saisies qui se retrouvent sur le marché.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je suggérerais d'investir la moitié en actions canadiennes de première qualité, surtout celles qui versent des dividendes. Leurs titres sont sous-évalués. Pas exemple, nous détenons BCE, Rogers Communications, TransCanada, Financière Sun Life, ING Canada, Power Corp., Reitmans et Canadian Tire.

J'investirais l'autre moitié dans des obligations de sociétés de bonne qualité, avec des échéances de 1 à 8 ans. Les taux sont très élevés. Par exemple, l'Industrielle Alliance vient d'émettre des obligations à 8,25% pour cinq ans, et Shaw à 7% pour six ans.

Récemment, les banques ont émis beaucoup d'actions privilégiées. Mais on ne favorise pas cela du tout. Quand ça va mal, les privilégiées subissent tout le risque à la baisse. Et quand ça va bien, leur prix ne dépasse pas la valeur nominale. Vaut mieux avoir une action ordinaire qui verse un dividende pratiquement aussi élevé.

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Il faut éviter les obligations gouvernementales avec une échéance à long terme. Les taux sont trop bas: 3,75% sur 30 ans, 2,95% sur 10 ans. Si les taux d'intérêt remontent vous allez perdre de l'argent sur le capital. J'éviterais aussi les actions de petites entreprises qui ont trop de dettes, car elles auront de la difficulté à se financer.

Q : Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les marchés sous-estiment la durée de la récession. Plusieurs entrevoient une reprise au deuxième semestre de 2009, ce qui ne se produira pas. L'histoire financière nous enseigne que la reprise est beaucoup plus longue et lente après une crise financière.

Nous pensons que les marchés sont dans une phase de stabilisation et que le pire est derrière nous. Mais la reprise boursière sera laborieuse, avec plusieurs faux départs et corrections, au cours des prochaines années.

C'est pourquoi nous croyons que la composante de revenus d'intérêt et de dividendes formera une plus grande proportion du rendement d'un portefeuille équilibré que le gain en capital.

Pierre Comtois

À titre de chef placements d'Optimum Gestion, Pierre Comtois veille sur des actifs de 2,3 milliards pour des régimes de retraite, des compagnies d'assurance et des particuliers.

La société est une filiale du Groupe Optimum, une firme montréalaise spécialisée dans la gestion et l'assurance qui célèbre son 40e anniversaire.