Le torchon brûlait depuis plusieurs mois entre le Parti libéral du Québec (PLQ) et le député de Marquette, François Ouimet, qui a été forcé mercredi de céder son siège, selon ce qu'a appris La Presse canadienne jeudi.

Le climat de tension entre le député et les autorités du parti, relié en bonne partie aux ambitions présumées de M. Ouimet, aurait accéléré sa chute, rendue inévitable, selon deux sources libérales sûres, bien au fait du dossier.

Selon les informations recueillies, le député semble avoir été victime de son ambition de vouloir devenir président de l'Assemblée nationale.

Depuis l'annonce du départ forcé de M. Ouimet, mercredi, les observateurs de la scène politique se perdent en conjectures sur les véritables raisons de cette mise au ban des libéraux à l'égard d'un député sans histoire ayant à son actif 24 ans de loyaux services.

Mercredi, M. Ouimet, en larmes, a accusé en point de presse le premier ministre Philippe Couillard d'avoir renié sa parole. En mai, a-t-il révélé, lors d'un entretien, le chef libéral l'avait pourtant assuré «les yeux dans les yeux» qu'il signerait son bulletin de candidature pour le prochain scrutin. Mais mercredi, trois mois plus tard, à quelques jours du déclenchement de la campagne électorale, il lui disait qu'il ne faisait plus partie des plans du gouvernement et du parti.

M. Ouimet, blessé, se sentant injustement traité, s'est interrogé à savoir ce que valait la parole du premier ministre.

En froid depuis février

Mais que s'est-il donc passé entre le mois de mai et le mois d'août?

Des sources au sein du PLQ indiquent que le parti était, en fait, en froid avec M. Ouimet depuis un certain temps déjà et que ce dernier savait depuis le mois de février qu'on souhaitait en haut lieu le voir céder son siège.

Une personne en autorité affirme lui avoir dit en février: «François, on a besoin de ton comté».

Mais ce dernier semble être resté sourd aux signaux transmis et aux appels du pied, avant de chercher à être rassuré par le premier ministre en mai.

M. Ouimet était vice-président de l'Assemblée nationale depuis 2014 et ambitionnait de devenir président, pour remplacer Jacques Chagnon, sachant que ce dernier avait annoncé depuis plusieurs mois à l'interne qu'il ne solliciterait pas un nouveau mandat, ont expliqué les sources contactées.

De ce fait, sous prétexte qu'il était vice-président de l'assemblée et voulait monter en grade, M. Ouimet, apparemment, cherchait à protéger ses arrières, ne voulant pas s'aliéner les partis d'opposition.

Selon les informations obtenues, pour augmenter ses chances de devenir président une fois les libéraux réélus en octobre, il tenait à afficher une neutralité exemplaire sur le plan de la partisanerie, et refusait donc d'attaquer, voire de critiquer les partis d'opposition, même en cette période préélectorale.

Il n'en fallait pas plus pour attiser le mécontentement croissant des ténors libéraux, qui voient la CAQ de François Legault se faire chaque jour plus menaçante.

Élu par ses pairs de toutes les formations politiques présentes au parlement, un député ne peut espérer occuper le siège du président de l'Assemblée nationale sans l'appui des partis d'opposition.

Dans les faits, le président de l'Assemblée nationale a un devoir de réserve, mais ce n'est pas le cas des vice-présidents.

Un solitaire

Pour les mêmes raisons, M. Ouimet refusait tout autant, dit-on, de participer aux activités partisanes des libéraux, autre source de mécontentement en année électorale.

«C'est un solitaire, commente une députée libérale qui le connaît depuis longtemps. Ce n'est pas un gars d'équipe.»

On lui reprochait par ailleurs de ne pas s'impliquer dans les dossiers de sa circonscription, qu'il représente depuis 1994, et de négliger la communauté anglophone de Marquette.

La coupe était pleine. D'où le besoin de «renouveau» de l'équipe affiché publiquement par le PLQ et M. Couillard, mercredi, pour justifier la mise à l'écart de M. Ouimet.

Mercredi, en point de presse, M. Couillard avait tenté une explication en disant qu'une accumulation récente de candidatures de «très grande qualité» à Montréal et le petit nombre de circonscriptions disponibles avaient forcé l'équipe à revoir ses plans et à sacrifier M. Ouimet, victime en quelque sorte du «goulot d'étranglement».

Il n'a pas été possible jeudi de rejoindre le député sortant pour obtenir ses commentaires sur les informations obtenues.

Le PLQ a choisi d'offrir le château fort libéral de Marquette à l'ex-joueur de hockey professionnel Enrico Ciccone. L'annonce a été faite jeudi matin en présence du premier ministre.

Marquette est une circonscription de l'ouest de l'île de Montréal incluant Dorval et Lachine.