La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire du Canada (CPPM) a interrogé à ce jour 60 témoins dans le cadre de l'enquête qu'elle mène sur les allégations de mauvais traitements qui auraient été infligés à des détenus afghans par des membres de la police militaire des Forces armées canadiennes (FAC) durant leur déploiement en Afghanistan en 2010-2011.

Selon des informations obtenues par La Presse, les enquêteurs de la CPPM ont pu commencer à interroger des témoins des événements à partir de juillet 2017 seulement, même si l'enquête a officiellement été lancée en novembre 2015.

La CPPM a décidé de mener cette enquête le jour même de la prestation de serment du gouvernement Trudeau, après que La Presse eut révélé en mai 2015 que des policiers militaires canadiens en mission en Afghanistan avaient instauré un climat de terreur au centre de détention de la base de Kandahar sans jamais être sanctionnés par le ministère de la Défense.

Dans le cadre de son enquête, la CPPM tente notamment de savoir si des ordres « provenant d'Ottawa » ont été donnés afin d'étouffer cette affaire pour ne pas nuire à la réputation internationale du Canada, des Forces armées canadiennes ou de membres de la police militaire.

« Les entrevues avec les témoins ont débuté en juillet 2017 et sont actuellement presque complétées. Soixante témoins ont été interviewés à ce jour. Cela a pris du temps en raison du grand nombre de témoins, et du fait que nous avons identifié de nouveaux témoins au fur et à mesure que l'enquête progressait. »

- Michael Tansey, porte-parole de la CPPM, dans un courriel à La Presse

« La Commission a aussi fait face à des défis pour compléter les entrevues en raison de la situation géographique des témoins qui résident à différents endroits au pays et à l'extérieur du pays. De plus, certains témoins étaient en mission à l'étranger et la Commission a déterminé qu'il était préférable d'attendre leur retour pour effectuer des entrevues plus complètes », a-t-il ajouté.

M. Tansey a aussi indiqué que la CPPM avait dû multiplier les efforts afin d'obtenir tous les documents liés aux événements survenus au centre de détention de la base de Kandahar et impliquant des membres de la police militaire. La CPPM a dû demander l'intervention du Grand Prévôt des Forces armées canadiennes (GPFC) afin d'obtenir les autres documents pertinents.

« Nous avons reçu la divulgation d'une partie de l'information et des documents demandés en juin 2017, mais on s'est rendu compte qu'il manquait toujours des documents. La plupart des documents pertinents sont détenus par d'autres organisations des Forces armées canadiennes. [...] Au mois de novembre 2017, la Commission a demandé l'assistance du GPFC pour que la CPPM puisse accéder aux documents identifiés. En décembre 2017, le GPFC a présenté une requête auprès de l'organisation des FAC qui détient les documents. L'accès nous a été accordé le 1er mars 2018, et la CPPM est présentement en train de faire l'inspection des documents », a indiqué M. Tansey.

M. Tansey a souligné que même si la CPPM a fait « beaucoup de progrès dans son enquête », il demeure difficile de préciser quand elle va remettre son rapport et ses conclusions quant aux événements qui seraient survenus au centre de détention de la base de Kandahar, d'autant que les enquêteurs doivent encore passer au peigne fin « un volume important de documents et de matériel électronique reliés à la mission en Afghanistan ».

Rappelons que les gestes répréhensibles qui font l'objet de l'enquête de la CPPM se seraient produits en décembre 2010 et janvier 2011, alors que la mission de combat des soldats canadiens en Afghanistan tirait à sa fin.

Selon les informations publiées dans La Presse en mai 2015, des policiers militaires canadiens, exécutant les instructions de leurs supérieurs, auraient fait des « entrées dynamiques » dans les cellules du centre de détention de la base de Kandahar, où se trouvaient une quarantaine de prisonniers afghans. L'objectif de ces entrées dynamiques était de contraindre les prisonniers à dévoiler des informations susceptibles d'aider les troupes canadiennes et leurs alliés occidentaux à contrer les menaces des insurgés talibans ou à trouver des caches d'armes. Les incursions des policiers militaires ont été filmées, les cellules du centre de détention étant munies de caméras de surveillance.

En confirmant la tenue d'une enquête, en novembre 2015, la présidente de la CPPM, Hilary McCormack, avait déclaré que « l'allégation selon laquelle la police militaire aurait pu avoir été impliquée dans une tentative d'étouffer l'affaire en dissimulant des inconduites commises par des membres de la police militaire ou d'autres membres des FAC est très sérieuse ».

> Relisez le reportage de La Presse publié en mai 2015