On ne connaîtra jamais la cause exacte de l'incendie qui a détruit la résidence pour personnes âgées de L'Isle-Verte, ressort-il des audiences du coroner sur la tragédie, qui ont pris fin jeudi. Plusieurs autres questions resteront aussi sans réponse.

Les experts de la Sûreté du Québec (SQ) ont toutefois pu déterminer que le feu provenait du secteur de la cuisine.

«C'est incontestable», a déclaré l'expert en scène d'incendie de la SQ, Carol de Champlain, témoignant jeudi aux audiences du coroner sur le drame de L'Isle-Verte, qui a fait 32 morts en janvier. Les décombres ont été inspectés, des photos prises lors de l'incendie ont été scrutées à la loupe et le bâtiment a partiellement été reconstruit pour fins d'analyse.

«Il y avait unanimité», a-t-il ajouté.

Le feu monte, a-t-il tranché, et il est visible qu'il y avait des flammes au rez-de-chaussée dès le début.

Mais quant à savoir si le brasier a été causé par un court-circuit, une défaillance d'un appareil électrique ou autre cause, on ne le saura pas: la destruction considérable des lieux a empêché les enquêteurs en incendie de le déterminer.

Cette conclusion sur le secteur d'origine de l'incendie a toutefois contredit une grande partie du témoignage du gardien de nuit Bruno Bélanger, le seul employé de la résidence du Havre en poste cette nuit-là. Celui-ci maintient qu'il a vu des flammes dans la chambre d'un résidant au deuxième étage mais qu'il n'en a pas vu dans la cuisine. Une rumeur circulait selon laquelle l'homme dans cette chambre, Paul-Étienne Michaud, y aurait fumé et aurait causé l'incendie.

Semblant irrité par le témoignage de Bruno Bélanger, le coroner Cyrille Delâge l'a d'ailleurs rabroué à plusieurs reprises jeudi, lui lançant même qu'à sa place, il n'aurait pas manqué de cogner aux portes pour réveiller les résidants afin qu'ils puissent sortir du bâtiment en flammes.

Mercredi, M. Bélanger avait notamment déclaré ne pas avoir déverrouillé la porte principale du bâtiment en flammes et ne pas avoir crié ni cogné aux portes pour réveiller et évacuer les résidants, car il prétend qu'il devait d'abord et avant tout suivre «le protocole». Et que ce protocole prévoyait qu'il devait en premier lieu réveiller la copropriétaire qui dort à la résidence - et qui est aussi sa conjointe.

L'avocat de la municipalité de L'Isle-Verte, Éric Hardy, lui a suggéré qu'il n'avait suivi aucun protocole, mais qu'il avait plutôt paniqué car il ne savait pas quoi faire.

Nerveux, se défendant, M. Bélanger lui a demandé: «vous auriez su quoi faire vous?». Répondant à sa place, le coroner a eu cette réponse assassine: «oui, j'aurais cogné dans les portes en passant».

Me Hardy a dit à Bruno Bélanger qu'il est invraisemblable qu'il ait vu le feu dans la chambre d'un résidant au deuxième étage, comme il l'a relaté.

Le coroner a acquiescé.

«Je dis ce que j'ai vu», s'est défendu l'employé de 57 ans.

«Sauf que vous changez votre témoignage de temps en temps», a rétorqué le coroner.

Le coroner s'est dit convaincu que le feu n'a pas éclaté dans la chambre 208 de Paul-Étienne Michaud. Ce qui a réellement soulagé sa famille.

«Les accusations ont été faites quand même, a déploré son fils Jean-André, qui avait de la difficulté à parler, l'émotion étant encore très présente. Mais y'a un bon bout de fait (...) sur la vérité.»

Des accusations criminelles pourraient être déposées en lien avec les événements de janvier 2014.

La procureure du coroner, Marie Cossette, a toutefois dit à M. Bélanger que l'hypothèse ne semblait pas être qu'il ait mis le feu lui-même.

Bien que la détermination de la cause exacte de l'incendie ne soit pas essentielle pour les fins de l'enquête du coroner, elle est cruciale pour une possible cause criminelle et pour le procès civil de près de 4 millions $ déjà intenté par les copropriétaires de la résidence du Havre contre la municipalité de L'Isle-Verte.

La dernière étape de l'enquête fut éprouvante, soit le dépôt d'une carte marquée des endroits où 28 des 32 victimes ont été retrouvées. Plusieurs étaient à l'extérieur du bâtiment, possiblement des résidants qui s'étaient réfugiés sur leur balcon.

La plupart des personnes ont dues être identifiées à l'aide de tests d'ADN.

Et contrairement à la rumeur selon laquelle des résidants avaient trouvé la mort parce qu'ils étaient incapables de sortir par la porte principale, ce n'était pas le cas: un seul corps a été retrouvé près de la porte, et c'était une résidante d'un étage supérieur. Son cadavre s'est vraisemblablement retrouvé à cet endroit après l'effondrement de l'édifice.

En concluant l'enquête publique, Me Delâge a eu cet avertissement: «ne tirez pas de conclusions trop vite». Il demande au public d'attendre de lire son rapport, sans préciser quand il allait le rendre public.

Aux familles des victimes présentes dans la salle, il a offert des souhaits d'occasion, fort sobres.

«Je suis sûr que l'année 2015 ne pourra pas être pire que celle en cours», a-t-il dit.