«Le corps humain est bien fait, il y a des mécanismes en général qui font que les souffrances sont abrégées. Ça dépend de chaque victime, mais en général, l'humain est bien construit et n'est pas fait pour souffrir des heures. À un moment donné, la conscience est altérée et il y a perte de conscience rapide.»

C'est en partie la réponse que donne la coroner Andrée Kronström à la question la plus posée par les familles éplorées de L'Isle-Verte.

Me Kronström avait joué le même rôle après le drame de Lac-Mégantic. Jamais dans sa carrière elle n'aura eu à consoler autant de familles en si peu de temps. Les deux drames réunis ont laissé 79 familles en deuil.

À L'Isle-Verte, la coroner qui dirige les opérations et qui signera le rapport final, c'est le docteur Renée Roussel, la coroner de la région. Elle est assistée du docteur Martin Clavet, qui est responsable de l'investigation de Lac-Mégantic.

«Il communique son savoir», commente Me Kronström.

Elle, son boulot, c'est de faire le lien avec les familles. Répondre à leur question, les informer des développements les concernant.

«Ils veulent tout savoir. Même si ça peut leur faire mal», indique-t-elle.

«Les familles veulent savoir où était leur proche, est-ce qu'il a souffert. Je leur réponds de la façon la plus véridique possible», poursuit-elle.

Certains veulent même voir les corps de leur proche. Ce qui n'est pas simple.

«Les premières victimes étaient dans un meilleur état. Comme à Lac-Mégantic, c'est un feu. Les corps sont abimés. Le fait de voir un corps très mutilé, pour les familles, ce n'est pas un souvenir qui serait approprié», opine la coroner qui précise que deux dépouilles ont tout de même pu être vues par leurs proches.

Elle constate que les proches des défunts de L'Isle-Verte, comme ceux de Lac-Mégantic, traversent un épisode de vives émotions, mais ce qui les différencie cette fois, c'est l'absence de colère. Les Méganticois étaient en furie contre l'entreprise ferroviaire responsable du carnage. Ici, il n'y a personne à détester.

«On est surtout dans la tristesse. C'étaient des personnes en fin de vie, qui approchaient 90 ans pour la plupart. Mais la peine est aussi vive, l'attachement aux personnes était fort. On me dit souvent que les gens avaient fait leurs préarrangements. Que la mort allait les toucher un moment donné. Mais on n'avait pas ce scénario en tête. Leurs proches pensaient qu'ils allaient décéder dans leur lit, de façon naturelle. Pas une mort violente de cette sorte. C'est pour eux une surprise. Mais ils n'ont pas de colère (...) Ils sont surtout bouleversés par le fait qu'il y a eu une période de détresse psychologique avant que le décès ne survienne. Quand ils ont vu que la mort arrivait», constate Me Kronström.

Elle indique que la communauté est tissée serrée et arrive à s'entraider dans le deuil. Mais elle constate que certains auront besoin d'aide psychologique.

«Les proches des endeuillés devront être vigilants quant aux signes de détresse chez ces gens», prévient-elle.

Coroner investigatrice et spécialiste des enquêtes publiques, Andrée Kronström dit qu'il est trop tôt pour dire si le Coroner en chef décrètera la tenue d'une enquête publique sur le drame de L'Isle-Verte, comme le demandent certains politiciens et les chefs de services d'incendies du Québec.