(Québec) Devant la « désinvolture » du gouvernement Legault, l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL) conteste la loi 96 sur la protection du français devant les tribunaux. La loi caquiste porte « atteinte aux droits ancestraux » des Premières Nations, selon elle.

L’APNQL et le Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN) déposeront jeudi une demande de contrôle judiciaire pour contester la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, aussi appelée loi 96, devant la Cour supérieure du Québec. Selon les Premières Nations, cette nouvelle mouture de la loi 101 contrevient à leurs « droits ancestraux » en matière d’éducation.

« S’il n’y a pas d’écoute au niveau politique […] bien on est forcé en dernier recours d’aller devant les tribunaux. C’est le geste que nous posons après une mûre réflexion », a affirmé le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, en entrevue. « On comprend que c’est gros, mais en même temps, ce n’est pas plus gros que l’importance que nous attachons à la question de la réussite éducative pour nos jeunes », a-t-il ajouté.

La demande de contrôle vise une dizaine d’articles de la nouvelle loi caquiste. Selon les chefs autochtones, les dispositions visées « renforcent, perpétuent de façon injustifiée et accentuent les disparités déjà existantes en matière d’éducation en plus de nuire aux efforts de réappropriation » des langues.

Une barrière pour les élèves autochtones

Le principal point en litige est que la loi 96 oblige les élèves des cégeps anglophones à suivre trois cours enseignés en français pendant leurs études collégiales. Ceux qui n’ont pas la capacité de le faire peuvent plutôt suivre trois cours de français. On vient alors ajouter une « barrière » pour les élèves autochtones des communautés où l’anglais est parlé.

« Ça vient rendre le mur beaucoup plus haut qu’il l’était déjà avec la loi 101 [pour les élèves autochtones] qui étudient en anglais », illustre le chef de Gesgapegiag, John Martin. Il affirme que les cours de français, même au secondaire, sont déjà difficiles pour les élèves de sa communauté, qui parlent l’anglais et leur langue traditionnelle.

Le chef Picard dit d’ailleurs constater un exode des élèves autochtones « qui font déjà un effort presque surhumain pour retrouver les langues ancestrales » vers les collèges à l’extérieur du Québec.

L’APNQL précise qu’elle ne remet pas en question l’importance de défendre le français, mais explique que « le droit à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale en éducation est la prérogative des Premières Nations et non celle du gouvernement provincial ».

Les Premières Nations avaient d’abord demandé d’être exemptées de la loi sur la protection de la langue française. Le directeur général du Conseil en Éducation des Premières Nations, Denis Gros-Louis, avait affirmé à l’époque qu’il voyait dans le texte législatif un « génocide culturel »1.

Le gouvernement Legault avait rapidement fermé la porte à la demande des Premières Nations. Depuis, le premier ministre a promis en pleine campagne électorale un projet de loi pour protéger les langues autochtones « de la même façon qu’on protège le français avec la loi 101 ».

Nouvelle discorde

Cette contestation judiciaire est une nouvelle pomme de discorde entre l’APNQL et le gouvernement Legault. À la mi-mars, La Presse a rapporté que le chef Picard demandait à François Legault de reculer sur ses engagements de présenter un projet de loi sur les langues autochtones et un autre sur la sécurisation culturelle2. Ce dernier doit être présenté sous peu par le ministre responsable des Premières Nations et des Inuits, Ian Lafrenière.

1. Lisez « Les Premières Nations veulent être exemptées du projet de loi 96 » 2. Lisez « Les Premières Nations demandent à la CAQ de renoncer à deux projets de loi »