Alors que le Québec entend demander formellement au gouvernement Trudeau de lui confier le soin de percevoir l'impôt fédéral des contribuables québécois pour instaurer une déclaration de revenus unique dans la province, le syndicat représentant les employés de l'Agence du revenu du Canada affirme qu'il s'oppose catégoriquement à une telle mesure.

Le Syndicat des employé-e-s de l'impôt (SEI), associé à l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), appuie sans hésiter la position du gouvernement libéral de Justin Trudeau qui se montre réfractaire à la création d'une déclaration de revenus unique qui serait gérée par le gouvernement du Québec.

Le syndicat a d'ailleurs repris à son compte l'un des arguments énoncés par le bureau de la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, selon lequel l'instauration d'une déclaration de revenus unique pourrait avoir des conséquences économiques néfastes sur les régions où se trouvent les centres fiscaux fédéraux, notamment les villes de Shawinigan et de Jonquière.

« Si Québec perçoit l'impôt provincial et fédéral, cela aura des conséquences désastreuses sur les collectivités qui comptent sur les emplois stables offerts dans les bureaux fiscaux du gouvernement fédéral au Québec », a soutenu Marc Brière, président national du SEI, dans un courriel à La Presse.

Selon lui, les centres fiscaux fédéraux représentent un noyau d'activités dans plusieurs régions du pays. Au Québec, ce sont 13 bureaux de l'Agence du revenu du Canada qui pourraient être menacés de fermeture si Ottawa devait transférer au Québec la tâche de percevoir l'impôt fédéral et provincial.

4700 emplois

Au Québec, on compte quelque 4700 employés de l'Agence du revenu du Canada - soit l'équivalent de 11,7 % de l'effectif total de cette agence fédérale. On évalue aussi que le budget annuel de l'ARC, pour le Québec, est de 303 millions de dollars. L'âge moyen des employés au Québec est de 48 ans, mais 27 % d'entre eux seront admissibles à la retraite au cours des trois prochaines années.

« Sans autre possibilité d'emploi équivalent à proximité, plusieurs de ces travailleuses et travailleurs dévoués seront forcés de déménager et amèneront avec eux leur famille. Ces collectivités ne se remettront pas d'avoir perdu autant d'emplois stables », explique Marc Brière.

Pour sa part, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a invité les deux ordres de gouvernement à négocier une entente sur cette question qui revient à l'avant-scène de l'actualité, d'autant que cela représente une occasion en or d'améliorer l'efficacité de l'appareil gouvernemental.

« Le dédoublement des déclarations d'impôt sur le revenu coûte cher aux contribuables. Selon trois évaluations, par l'Agence du revenu du Canada (2009), par le Parti québécois (2010) et par la Commission de révision permanente des programmes (2015), ce dédoublement coûterait entre 400 et 500 millions par année. Il s'agit là d'une somme colossale qui serait sûrement mieux employée autrement », affirme Stéphane Forget, président et directeur général de la FCCQ dans une lettre ouverte.



L'idée fait son chemin

Depuis quelques semaines, l'idée de permettre aux contribuables du Québec de produire une seule déclaration de revenus fait son chemin. Sur la scène fédérale, le NPD a appuyé cette idée lors de son dernier congrès national, tenu à Ottawa en février, tandis que les militants québécois du Parti conservateur ont aussi appuyé cette option durant le conseil général qui a eu lieu la fin de semaine dernière à Saint-Hyacinthe. Mais cette idée ne suscite guère l'engouement chez les libéraux de Justin Trudeau. À Québec, l'Assemblée nationale a adopté une motion unanime, mardi, qui réclame l'instauration d'une déclaration de revenus unique. Ensuite, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, a indiqué jeudi qu'il prévoyait envoyer « très bientôt » une lettre au gouvernement fédéral pour qu'il lui confie le soin de collecter les impôts des Québécois par l'entremise d'une déclaration de revenus unique. Le ministre a toutefois soutenu que cette démarche exigerait « beaucoup de discussions » et que « ça ne pourra[it] pas se faire du jour au lendemain ».