Les policiers du SPVM et les constables spéciaux devront bientôt ranger leurs pantalons de « clown » dans la garde-robe. Québec les force à porter leur uniforme dans l'exercice de leurs fonctions, en vertu d'un projet de loi déposé jeudi.

Pour le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, « il en va de la nécessité de restaurer le lien de confiance entre la population et les forces de l'ordre ». 

Québec déplore depuis longtemps le moyen de pression des agents de la paix, laissant planer à plusieurs reprises la menace d'une intervention législative. Sa patience est épuisée.

« Devant une situation qui a trop perduré, le gouvernement se voit dans l'obligation d'agir afin de rétablir la crédibilité et le respect dans la fonction d'agent de la paix et de s'assurer que l'uniforme puisse toujours représenter l'autorité, la loi et l'ordre », a soutenu M. Coiteux en conférence de presse.

En vertu du projet de loi 133, « tout policier ou tout constable spécial doit, dans l'exercice de ses fonctions, porter l'uniforme et l'équipement fournis par l'employeur dans leur intégralité, sans y substituer aucun élément ». « Il ne peut les altérer, les couvrir de façon importante ou de façon à en cacher un élément significatif ni nuire à l'usage auquel ils sont destinés », stipule la pièce législative.

Le patron d'un corps de police ou celui des équipes de constables spéciaux, qui oeuvrent dans les palais de justice par exemple, doit envoyer « sans délai » un rapport d'infraction à la Direction des poursuites criminelles et pénales lorsqu'un agent fait défaut à ses obligations. Ce dernier est passible d'une amende de 500$ à 3000$ pour chaque jour d'infraction. C'est le double en cas de récidive.

Des policiers et des constables spéciaux portent des pantalons de camouflage en guise de moyens de pression dans le cadre des négociations sur leurs conditions de travail. Ils n'ont pas le droit de grève.

« On n'interfère pas dans le droit d'association, dans le droit de faire valoir son désaccord, notamment en période de négociation, s'est défendu M. Coiteux. Par contre, ça ne peut pas passer par le non-respect de l'uniforme. »

Les agents du SPVM avaient provoqué l'indignation en 2015 en portant des pantalons de camouflage lors des obsèques de Jacques Parizeau.

Ils ont lancé ce moyen de pression en 2014 afin de dénoncer la loi modifiant le régime de retraite des employés municipaux.

La loi sera contestée

Le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement entend contester la loi devant les tribunaux. Québec viole la charte des droits, selon son président Frank Perales.

« Nous sommes très déçus et en colère. Je peux comprendre que les moyens de visibilité peuvent déranger, parfois choquer certaines personnes. Mais il faut comprendre qu'on n'a pas le droit de grève, qu'on n'a pas le droit à des moyens de pression. Tout ce qu'il nous reste, c'est des moyens de visibilité. On se retrouve alors avec zéro rapport de force. Alors on va contester la loi en regard de la charte », a-t-il plaidé en entrevue.

Selon lui, le gouvernement est « juge et partie », dans la mesure où il est l'employeur des 350 constables spéciaux que l'on retrouve au parlement, dans les palais de justice et certains édifices gouvernementaux. « Il se donne 100% du rapport de force. »

Les constables spéciaux sont en négociation pour renouveler leur contrat de travail depuis deux ans. « Il y a impasse, ça n'avance pas du tout », a affirmé M. Perales, rappelant que le syndicat avait cessé son moyen de pression quelque temps pour donner la chance à la négociation, sans succès.