Des études auraient dû être exclues du rapport que l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec a soumis au comité chargé de se pencher sur l'encadrement des chiens dangereux, a admis le président de l'organisation. Les études en question étaient l'oeuvre de militants financés par le lobby millionnaire de promotion des pitbulls, comme l'a révélé La Presse samedi.

Au lendemain de la publication du dossier de La Presse Qui veut sauver les pitbulls? et Ce qui n'a pas été dit au gouvernement -, le Dr Joël Bergeron, président de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, a reconnu que l'organisation qu'il représente s'est placée dans une situation de conflit d'intérêts et envisage d'envoyer une lettre de clarification directement au comité.

«On a répertorié cinq études [sur les chiens dangereux] qui auraient pu nécessiter une certaine nuance ou même être exclues du rapport», a dit le Dr Bergeron hier.

En juin, le ministre de la Sécurité publique a mandaté un comité de travail chargé d'éclairer le gouvernement concernant l'avenir des pitbulls au Québec. Ce comité, suivant les recommandations de l'Ordre des médecins vétérinaires, a décidé de prôner une approche englobant tous les chiens dangereux et de ne pas directement interdire les pitbulls.

Or, l'Ordre n'a pas mentionné dans son rapport remis au comité que certaines études sur lesquelles son rapport est basé ont été financées par des lobbys des pitbulls. Le président parle d'une bête erreur.

«C'est quelque chose qui nous avait échappé, on aurait dû le faire. Pour une organisation comme la nôtre, la crédibilité et la transparence sont nos premiers outils pour remplir notre devoir de protection du public, a admis le Dr Bergeron. C'était une erreur. Mais on a fait un travail et on voulait le faire de bonne foi.»

Pas que les pitbulls

La Presse mettait également en lumière le fait que le rapport de l'Ordre a omis de mentionner des statistiques éloquentes sur la dangerosité des pitbulls. Par exemple, l'organisation rapporte la donnée selon laquelle peu importe le chien qui mord, le même type de chirurgie est nécessaire, mais ne mentionne pas que dans le cas d'une morsure de pitbull, la victime reste plus longtemps dans le coma ou aux soins intensifs.

«Dans l'annexe, on donne plus de détails, explique le Dr Bergeron. Mais ce qu'on voulait faire ressortir, c'est que d'autres races étaient aussi répertoriées. Oui, les pitbulls, on ne nie pas les dommages importants qu'ils causent, mais on voyait dans ces études-là que d'autres races ressortaient.»

Le président ajoute que c'est la raison pour laquelle ses pairs et lui visent un encadrement global, sans égard à la race. Ainsi, il croit que le ministre de la Santé Gaétan Barrette a tort de vouloir bannir les pitbulls, bien «que le ministre ait droit à sa perception».

Samedi, le ministre de la Santé Gaétan Barrette a réitéré qu'il faut selon lui bannir les pitbulls tant le danger qu'ils représentent pour la population est grand.

«D'après ce que j'ai vu dans ma pratique dans le passé et dans mon comté en même temps, je pense que c'est un chien dangereux. Le risque zéro n'existe pas, mais le risque avec ces chiens-là est plus grand qu'avec d'autres chiens.»

«Pour nous, bannir un type de chien vient faire en sorte que tous les chiens de cette race seraient dangereux, ce qui n'est pas le cas. On veut que tous les chiens soient encadrés, au lieu de tous les individus d'une seule race. Et si, dans le lot, il y a une plus forte proportion de pitbulls, on s'en occupera, en plus de tous les autres», affirme le Dr Bergeron.

Quant à la version finale du rapport du comité ministériel qui doit être déposée à la fin d'août, le Dr Bergeron ignore si elle comportera des changements importants par rapport à la version préliminaire.

«Chaque membre du comité est indépendant, le gouvernement est indépendant, a répondu le Dr Bergeron. Quelle sera la finalité du rapport? Ça va appartenir à l'ensemble du comité de se pencher là-dessus.»

Le Dr Joël Bergeron, président de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, a par ailleurs signé une lettre d'opinion dans La Presse+ ce lundi.

- Avec la collaboration de Marie-Claude Malboeuf