Après une poussée de fièvre nuptiale, dans le sillon de la reconnaissance du mariage gai en 2004, la ferveur pour les unions de même sexe s'est tempérée, d'année en année. Par exemple, sur les quelque 23 000 mariages célébrés au Québec en 2011, seulement 498 étaient entre personnes de même sexe (261 féminins, 237 masculins.) Et il est raisonnable d'évaluer que de 14% à 18% de ces nouveaux mariés au Québec provenaient de l'extérieur du pays.

«Au début, il semble y avoir eu un rattrapage, mais vers 2005-2006, la moyenne a redescendu à 500 mariages par année», observe la sociologue Line Chamberland.

André Fontaine qui, en 2004, a uni sa destinée à celle de son chum D'Arcy, dans le jardin du Musée des beaux-arts d'Ottawa - «juste en face de la Chambre des communes, où la première lecture de la loi a été prononcée» -, est de cette cohorte de pionniers. Un célébration suivie d'un party, avec la grosse famille saskatchewannaise d'André et la parenté de Colombie-Britannique de D'Arcy. Pour le couple, la journée était hautement symbolique: D'Arcy et André ont uni leurs destinées le jour où la Colombie-Britannique et la Saskatchewan, leurs provinces d'origines respectives, ont reconnu le mariage des conjoints de même sexe.

«J'ai 46 ans. J'ai grandi en sachant que le mariage était un privilège pour les hétéros et non pour nous, gais et lesbiennes. Le mariage, je n'y avais jamais vraiment pensé.»

Si André Fontaine avait renoncé à la possibilité de se marier, il avait déjà réalisé son désir de fonder une famille, en devenant parent d'accueil de sept enfants. Par un détour imprévu de la vie, la «grande demande» est venue de Jon, le cadet de la tribu...

«Quand j'ai présenté Jon à Darcy, les deux ont vraiment cliqué. Quand on lui a annoncé notre intention de vivre ensemble, Jon a demandé qu'on se marie, pour que nous devenions une vraie famille. Il avait été marqué par l'époque où il vivait avec sa mère, qui avait eu beaucoup de chums, certains bons, d'autres moins. Il ne voulait pas que D'Arcy soit seulement quelqu'un de passage.»

Tous unis pour le mariage

Pour Line Chamberland, sociologue de l'UQAM, qui s'intéresse depuis trois décennies aux mouvements sociaux autour de la diversité sexuelle, la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe est devenue un enjeu crucial, sur le plan international.

«Le mariage symbolise la non-discrimination, puisque le simple fait de ne pas y avoir accès est une forme de discrimination. En Amérique latine, au Mexique, en Argentine, comme dans d'autres pays où sur le plan social il reste beaucoup de progrès à faire pour vaincre l'homophobie, la question du mariage prend le pas.»

Comme féministe, Line Chamberland confie n'être «pas très mariage.» Comme pour bien d'autres militants de sa génération, l'institution du mariage a longtemps été associée à une structure patriarcale qui désavantageait les femmes.

En revanche, elle s'est ralliée à la cause du mariage gai pour deux raisons. «Le droit à l'égalité suppose d'avoir les mêmes options. Par ailleurs, ma position s'est clarifiée, quand j'ai vu l'Église défendre la vision conservatrice du mariage. Pour moi, il ne s'agit pas de sacraliser l'institution. Les règles du mariage doivent être définies par la société.»

Évidemment, il y a l'encadrement juridique et la protection économique que procure le mariage. Mais outre ces considérations pragmatiques, la reconnaissance sociale et symbolique de l'union est un aspect qu'il ne faut pas négliger, soutient Line Chamberland. «Une recherche sur le fonctionnement des couples, réalisée par la psychologue Danielle Julien, a démontré que les conjoints de même sexe obtenaient moins de soutien par l'entourage. S'il n'est pas reconnu comme entité de couple, la famille, les soeurs, les amis vont poser moins de questions sur le conjoint.»

Selon la sociologue, la cérémonie publique invite les proches à reconnaître le couple. «L'aspect rituel est un enjeu important. Les membres de la famille sont alors forcés de se positionner: soit ils acceptent, le tolèrent ou se résignent. Si le couple est accepté, il peut s'attendre à obtenir du soutien.»

Les mariés du Village

«Au début, vers 2004-2005, il y a eu plusieurs célébrations de mariage au complexe le Bourbon. Même que les propriétaires avaient fait construire une chapelle, qu'ils ont dû faire démolir, parce qu'ils n'avaient pas obtenu la permission de la Ville», relate Yves Lafontaine, rédacteur en chef du magazine Fugues.

Observateur privilégié de la communauté LGBT, M. Lafontaine note que les mariages gais ont déserté le village. «Souvent, ça se fait à l'hôtel de ville, suivi d'une réception dans une salle à proximité. Personnellement, j'ai assisté à des mariages au musée Pointe-à-Callière, à la Terrasse Bonsecours, à l'Écomusée du fier monde. Et les couples se connaissaient depuis déjà longtemps.»

De fait, il semble qu'au Québec, le mariage entre conjoints de même sexe soit une affaire d'adultes plus que majeurs et vaccinés. De la somme des mariés, seulement 22% avaient moins de 35 ans. La maturité des époux explique peut-être pourquoi on divorce moins, chez les couples gais. «Chez les hétéros, 40% des mariages se terminent après sept ans. Chez les gais, c'est 20%», énonce Yves Lafontaine.

C'est le nombre de mariages qui ont été célébrés entre conjoints de même sexe en 2011, sur un total de 23 000 unions.

Les pays où le mariage entre conjoints de même sexe est permis : Argentine, Belgique, Danemark, Canada, Islande, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Espagne, Afrique du Sud, Suède. La ville de Mexico et l'État de Quintana Roo (au Mexique) et certains États américains (Connecticut, Iowa, Massachusetts, New Hampshire, New York, Vermont, Washington, le district de Columbia, ainsi que la tribu des Coquille de l'Oregon et l'État des tribus Suquamish dans le Washington, permettent aussi le mariage gai. En Californie, des couples gais ont été mariés du 16 juin au 4 novembre2008, avant l'entrée en vigueur de la proposition 8, qui a interdit le mariage entre conjoints de même sexe.