Les temps sont durs pour la Carifête. Et son président Henry Antoine a décidé de tirer la sonnette d'alarme. Trente-quatre ans après son premier défilé dans les rues de Montréal, le carnaval caribéen est selon lui plus mal en point que jamais. Les subventions de la Ville sont insuffisantes et la commandite nationale à peu près inexistante. Dans ce contexte de manque à gagner permanent, la CCFÀ (Caribbean Cultural Festivities Association) se demande comment son événement pourra survivre une autre année sous cette forme.

«Financièrement, ça ne va pas du tout, explique M. Antoine au téléphone. Nous n'avons plus d'argent liquide. Cette année, contrairement aux éditions précédentes, la Ville ne paie que les camions et la sécurité. Côté budget, on doit s'arranger avec le reste.» Le reste, explique-t-il, ce sont les matériaux, les costumes ou les systèmes de son qui permettront à la Carifête de se déployer dans les rues de Montréal samedi prochain.

Pour M. Antoine, il est clair que la Ville veut «punir» la Carifête pour avoir refusé cette année de faire son «after-parade» au parc Jean-Drapeau.

Rappelons qu'en 2006 et 2007, on avait demandé à l'organisation et au public de poursuivre le party à l'île Sainte-Hélène et non dans le Vieux-Montréal, comme le voulait une tradition bien établie. Cette demande avait été faite par la Ville dans le cadre d'un vaste plan de relocalisation des fêtes ethniques à Montréal. Et si certaines communautés ont fait le saut plus facilement, le public de la Carifête lui, n'a pas suivi.

Joint à son bureau, Marcel Tremblay corrobore en partie. Oui, la Ville souhaite désormais que les communautés fêtent au parc Jean-Drapeau. Mais si elle a choisi cette année de ne pas subventionner directement la Carifête, c'est afin de compenser pour les excès précédents.

«Nous leur avons donné 30 000$ l'an dernier et ils l'ont utilisé à tout autre chose. Deux jours avant le défilé, ils nous ont dit qu'ils n'avaient plus d'argent et qu'il fallait tout annuler. Nous avons dû rallonger des milliers de dollars. Alors cette année, je ne leur ai pas donné un sou. Je leur ai dit: «j'attends les factures et je paye les factures.»«

Quelles que soient les causes de cette chicane, un fait reste: la Carifête peine à faire ses frais.

Visiblement contrarié, Henry Antoine dresse un portrait peu reluisant de la situation. Avant la «punition» de cette année, dit-il, les subventions municipales n'avaient pas augmenté en deux décennies. «Ça fait 21 ans qu'on reçoit la même somme: 30 000$. Avec l'inflation que nous connaissons, vous ne pensez pas que ce montant devrait avoir augmenté?»

Poser la question, c'est y répondre. Henry Antoine est convaincu que la Carifête mériterait plus d'appuis financiers. Non seulement l'événement a-t-il de l'histoire, mais il a un potentiel énorme au niveau touristique. Il ne comprend pas pourquoi la Ville et Tourisme Québec n'ont toujours pas allumé.

Il cite à ce chapitre la somptueuse Caribana, équivalent torontois de la Carifête, qui reçoit plus de 450 000$ en subventions municipales et à peu près la même somme du provincial. C'est pratiquement 10 fois plus qu'à Montréal, alors que la population caribéenne n'y est que deux fois plus importante.

Selon M. Antoine, des invitations à discuter sérieusement de l'avenir de la Carifête ont été envoyées plus tôt l'hiver dernier au bureau de Marcel Tremblay, responsable des communautés culturelles à Montréal. «Ils ne nous ont jamais répondu» dit-il.

Certes, la Carifiesta a connu sa part de déboires. Mais l'avenir s'annonce mieux, assure Henry Antoine, en évoquant la restructuration de l'organisation et sa nouvelle équipe. «Notre mission est de changer notre image et de rehausser notre profil. Cela dit, la Ville ne peut pas continuer à croiser les bras. Si elle veut nous laisser tomber, qu'elle nous le dise...»

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Le défilé de la Carifiesta: samedi 5 juillet, à compter de midi. Départ à l'angle des rues Guy et René-Lévesque, arrivée coin Sanguinet et René-Lévesque. Information: 514-737-8321