Depuis le passage du couple de Brushland Eating House au restaurant montréalais Vin Papillon, il y a quelques années, on rêvait de découvrir la « maison à manger » de Sohail et Sara Mae Zandi, dans les Catskills. C’est au retour d’un récent voyage dans la Grosse Pomme qu’il a enfin été possible de séjourner dans le tout petit village de Bovina et de faire une foule de jolies découvertes.

Après cinq jours particulièrement pantagruéliques et surstimulants à New York, la pause champêtre s’imposait. Pour le couple, cette pause dure depuis bientôt 10 ans. Sohail et Sara ont quitté leur bulle hyperactive de Brooklyn pour ralentir et se redéployer avec plus de liberté. Ils ne regrettent pas leur changement de vie.

PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

Sohail et Sara Mae Zandi ont ouvert Brushland Eating House en 2014.

Avant de faire le grand saut, le chef et la diplômée en communications devenue passionnée de service travaillaient comme des forcenés pour le groupe Frankies Spuntino. Ils aimaient passer des week-ends dans les Catskills à « ne pas faire grand-chose ». Puis, un jour, ils ont eu un coup de cœur pour un bâtiment du XIXe siècle dans le tout petit village « laitier » de Bovina.

« J’avais 29 ans et un peu d’argent de côté, raconte Sohail. On n’y a pas trop pensé et on a acheté ! C’était un gut feeling. Il y a une dizaine d’années, les Catskills étaient un endroit où les New-Yorkais avaient leur résidence secondaire. Ceux qui déménageaient ici à temps plein étaient des excentriques ! »

Évidemment, tout ça a changé pendant la pandémie, et une foule d’urbains ont migré vers les campagnes au nord de la Grosse Pomme, ce qu’on appelle « Upstate New York ». Le nombre de petits villages qui ont aujourd’hui leur café de spécialité, leur friperie et leur caviste de vin naturel a explosé !

Au Brushland, ouvert depuis 2014, une pandémie et deux bébés ont aussi amené des changements. Plutôt que d’être ouverts cinq jours par semaine et de servir une centaine de clients par soir, Sohail et Sara ont réduit l’horaire et le roulement. Le restaurant est maintenant ouvert du jeudi au samedi seulement, en formule service unique pour 40 clients à la fois. Tout le monde mange la même chose, au même moment, en assiettes à partager pour chaque table, petite ou grande. C’est beaucoup plus convivial ainsi. Et, à 75 $ (US) par personne, l’expérience demeure tout à fait accessible.

  • Les entrées du repas de pleine lune sont bien gourmandes.

    PHOTO ÈVE DUMAS, LA PRESSE

    Les entrées du repas de pleine lune sont bien gourmandes.

  • Un autre exemple de la magnifique cuisine persane de Sohail Zandi

    PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

    Un autre exemple de la magnifique cuisine persane de Sohail Zandi

  • C’est l’apéro !

    PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

    C’est l’apéro !

  • Ce tahdig fumant est une splendeur.

    PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

    Ce tahdig fumant est une splendeur.

  • On imagine difficilement assiettes plus réconfortantes que celle-ci.

    PHOTO CHRISTIAN HARDER FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

    On imagine difficilement assiettes plus réconfortantes que celle-ci.

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L’antithèse du restaurant guindé

Nous arrivons au Brushland un vendredi soir, juste à temps pour l’apéro, qui commence à 18 h. La salle à manger se remplit petit à petit d’une faune bigarrée, que l’on devine mi-urbaine, mi-locale. Le cocktail de bienvenue circule. Mais aucun petit doigt en l’air ici. Une « maison à manger », c’est justement l’antithèse du restaurant guindé. C’est un endroit où on se laisse prendre en charge comme si on était chez des amis, avec l’assurance de manger un peu plus qu’à sa faim, mais sans se faire gaver. Car ici, il n’y a que gentillesse et bienveillance.

PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

Le restaurant a gardé l’esprit de la vieille auberge où il s’est installé.

On peut difficilement parler de « décor » quand vient le moment de décrire la maison. L’endroit fait dans une simplicité extrême, misant sur sa beauté naturelle de vieille auberge de village typique à l’épreuve du temps et des modes.

Heureusement pour nos estomacs épuisés par cinq jours de débauche culinaire, l’appétit vient presque toujours en mangeant. Et à plus forte raison lorsque les plats servis viennent droit du cœur. C’est un vendredi soir de veille de pleine lune, ce qui signifie que le chef Sohail Zandi rend hommage à la cuisine de sa mère et à ses racines iraniennes, une tradition désormais mensuelle.

Ça a commencé il y a quelques années avec un festin du Nouvel An persan (Norouz), célébré en mars. « Au début, ma mère venait du New Jersey et cuisinait avec moi. Elle avait toujours voulu ouvrir un restaurant, alors je lui ai montré à quel point c’était une mauvaise idée », déclare en rigolant celui qui a connu les affres d’une restauration moins humaine lorsqu’il habitait en ville.

C’est d’ailleurs là, à Brooklyn, que le couple a fait la connaissance de plusieurs travailleurs de la restauration montréalaise, dont David McMillan. L’ex-copropriétaire des restaurants Joe Beef et Vin Papillon, entre autres, a lui aussi fait le choix de s’installer à la campagne pour planter son vignoble.

PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

Le chef Sohail Zandi a des origines iraniennes.

Quand tu travailles en ville, tu dois constamment te renouveler et faire ce qui est à la mode. Ici, j’essaie tout simplement de cuisiner la meilleure version possible de plats assez simples.

Sohail Zandi, chef et copropriétaire du Brushland

Nous avons peut-être une connaissance limitée de la cuisine iranienne, mais le riz tahdig que le chef dépose au centre de la salle à manger, avec sa superbe croûte dorée, est d’une rare splendeur. Le mijoté de bœuf fondant qui l’accompagne, surmonté de belles gourganes aillées et parsemées d’herbes fraîches, est bien réconfortant en cette fraîche soirée printanière.

PHOTO CHRISTIAN HARDER, FOURNIE PAR BRUSHLAND EATING HOUSE

Voici à quoi votre table pourrait ressembler pendant un repas au Brushland.

Le lendemain, pour le « programme régulier », Sohail remet son tablier d’Américain formé à la française (entre autres) et propose une version revisitée des tripes à la mode de Caen – avec du champignon maitake à la place des tripes –, abondance de légumes, du bœuf local encore et un gâteau au fromage basque.

Moins présente en salle qu’avant depuis qu’elle a donné naissance à deux petites cocottes, Sara passe toujours saluer les convives, une fille sur chaque hanche. Sohail lui en libère une tandis qu’il s’adresse à toute la salle pour souhaiter la bienvenue et expliquer le concept du restaurant de manière bien sentie.

Si, au début de chacune des deux soirées que nous avons le bonheur de passer au Brushland, les couples et les petits groupes restent un peu dans leur bulle, le plaisir finit par l’emporter sur la gêne et les rencontres se multiplient. Quand la magie opère vraiment, il arrive qu’une bouteille de tequila atterrisse sur la table en fin de repas pour un dernier verre partagé.

Consultez le site de Brushland Eating House (en anglais)