(La Nouvelle-Orléans) On dit que La Nouvelle-Orléans est l’une des villes les plus hantées d’Amérique. Peu importe que l’on croie ou non aux revenants et autres esprits frappeurs, la métropole de la Louisiane surfe allégrement sur sa sulfureuse réputation. Chasse aux fantômes, visite de cimetière, vaudou, il y a certainement moyen de se faire peur à « Nawlins » !

Avec sa silhouette fine et son teint blafard, notre guide Soren Presley a le physique de l’emploi. Avec un détachement inquiétant, il nous raconte entre autres l’histoire de Zack Bowen, un homme qui hante l’hôtel Omni. Il a fait cuire la tête et les membres de sa copine dans les jours suivant son meurtre, en 2006. Il s’est ensuite jeté d’un balcon avant d’atterrir sur le trottoir de la rue Chartres. Exactement à l’endroit où nous nous tenons, nous informe notre guide avec un calme désarmant. C’en était trop pour une collègue néerlandaise qui a dû se déplacer à bonne distance de l’infâme bout de trottoir.

Sans exprimer la moindre émotion, Soren enchaîne en se tournant vers l’autre côté de la rue pour nous montrer le Musée pharmacologique de La Nouvelle-Orléans, magnifique bâtiment historique du Vieux Carré qui a accueilli le premier apothicaire certifié aux États-Unis. Après 30 ans de loyaux services, le DLouis Dufilho fils a vendu son commerce à James Dupas, et c’est ici que ça se complique, nous apprend notre guide. Le sinistre apothicaire aurait notamment procédé à des expériences sur des esclaves enceintes ou en utilisant des poisons, des drogues et autres concoctions vaudoues sur des patients. Plusieurs en sont morts. On a retrouvé leurs restes enterrés dans la cour arrière. Si bien que l’édifice est aujourd’hui hanté par le spectre du méchant DDupas, mais aussi par une femme qui erre dans la cour et deux enfants qui ont été aperçus aux étages supérieurs. Coïncidence ou non, une lumière s’est allumée pendant quelques instants dans une fenêtre du deuxième étage au moment même où Soren racontait son histoire. La pièce sert aujourd’hui d’entreposage. On ignore si quelqu’un y travaillait ce soir-là, mais le musée était fermé depuis longtemps en ce mardi soir tardif…

PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

Le guide Soren Presley, de Haunted History Tours, en compagnie de sa copine

Le guide du Haunted History Tour nous amène voir d’autres maisons hantées, un bar habité par les esprits torturés d’anciens pirates de même que quelques repaires de vampires. Impossible aussi de passer sous silence l’héritage vaudou de la ville, souligné entre autres en passant devant la demeure de Marie Laveau, la plus célèbre des prêtresses ayant habité La Nouvelle-Orléans.

On peut d’ailleurs aller voir la sépulture de Mme Laveau lors d’une visite guidée du cimetière Saint-Louis no 1, endroit généralement inaccessible au public. La reine vaudoue repose en effet dans le plus vieux cimetière de La Nouvelle-Orléans, qui a accueilli ses premières sépultures en 1789. À sa mort en 1881, Marie Laveau était une véritable vedette – notre guide Rahsaan Parker nous apprend même que son décès a été rapporté dans les pages du New York Times. En effet, la femme libre d’origine créole a fait fortune grâce à ses talents d’herboriste, mais aussi en confectionnant et en vendant des gris-gris de toutes sortes. La légende veut notamment qu’elle ait vécu plus de 200 ans. « En fait, sa fille aînée, également nommée Marie, ressemblait à sa mère comme deux gouttes d’eau et était également une grande prêtresse vaudoue, explique M. Parker. En tout, neuf descendantes de Marie Laveau vont pratiquer le vaudou. »

PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

Les décorations bigarrées de Rosalie Aly, près du temple vaudou de Sallie Ann Glassman

Démythifier le vaudou

La religion introduite en Louisiane par les créoles haïtiens au XIXe siècle est toujours bien présente à La Nouvelle-Orléans. Il est d’ailleurs possible d’assister à des cérémonies qui permettent de démythifier les (fausses) croyances entourant la pratique. C’est ainsi qu’on nous a emmené dans le quartier Bywater, jusqu’au fond de la très joyeuse et bigarrée Rosalie Aly, là où se trouve le temple de Sallie Ann Glassman, mambo asogwe (grande prêtresse) de la maison La source ancienne.

Pendant la courte cérémonie, elle nous explique entre autres le rôle des lwa, intermédiaires spirituels qui représentent les différents aspects de la force vitale de Dieu, qu’il s’agisse de manifestations naturelles ou d’autels érigés en l’honneur des ancêtres.

  • Sallie Ann Glassman est la mambo asogwe de la maison La source ancienne. Elle a acquis son titre au terme d’une séance de six jours en isolement à Port-au-Prince en 1995.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

    Sallie Ann Glassman est la mambo asogwe de la maison La source ancienne. Elle a acquis son titre au terme d’une séance de six jours en isolement à Port-au-Prince en 1995.

  • Il y a quatre autels dans le temple de Sallie Ann Glassman, chacun représentant un lwa distinct.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

    Il y a quatre autels dans le temple de Sallie Ann Glassman, chacun représentant un lwa distinct.

  • La grande prêtresse Sallie Ann Glassman réalise une courte cérémonie vaudoue pendant les visites destinées au grand public.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

    La grande prêtresse Sallie Ann Glassman réalise une courte cérémonie vaudoue pendant les visites destinées au grand public.

1/3
  •  
  •  
  •  

Si ces autels sont garnis de centaines de gris-gris de différentes formes, on n’a pas trouvé la trace d’effrayantes poupées criblées d’aiguilles ni de restants d’animaux sacrifiés. « Ces croyances ont été inculquées dans l’esprit des gens parce que le vaudou était pratiqué par des immigrants noirs des Antilles et d’Afrique, soutient Sallie Ann Glassman. Ensuite, on a planté le dernier clou dans le cercueil en exploitant le sensationnalisme associé au vaudou. »

« Pourtant, tout a été enlevé aux esclaves, poursuit la grande prêtresse avec sa voix douce et envoûtante. Ils ont été arrachés de leurs maisons, de leurs familles. Quand on regarde ces autels, on voit que ces gens ont trouvé le moyen de garder vivant l’esprit de leurs dieux en donnant naissance à cette religion. Et ça, c’est incroyablement beau. »

La malédiction de Nicolas Cage

PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

Sur le mausolée érigé par Nicolas Cage, on peut lire Omnia ab uno, locution latine pouvant se traduire par « Tout vient d’une seule source ».

La légende urbaine veut que l’acteur américain Nicolas Cage soit frappé par une malédiction depuis qu’il a impunément fait l’achat de deux manoirs hantés du Quartier français en 2007. C’est pour conjurer le mauvais sort qu’il a fait construire un imposant mausolée en forme de pyramide dans le cimetière Saint-Louis no 1. « Une voyante a révélé à l’acteur qu’il devait réserver un espace dans le plus ancien cimetière de la ville, idéalement près de la sépulture de Marie Laveau, dans l’espoir que la reine vaudoue puisse lui accorder une forme de clémence, nous raconte le guide Rashaan Parker. Pour ce faire, il lui faudra contacter des praticiens habitant des deux rives du Mississippi et les amener ici pour procéder à l’exorcisme. Après quoi, il pourra revendre les maisons. » Le problème est que les demeures achetées par Nicolas Cage ont été saisies par le fisc en 2009. L’une d’elles a été revendue à une riche famille texane, qui n’a aucune intention de s’en défaire, n’ayant jamais été importunée par le fantôme de Madame Delphine Lalaurie, connue pour y avoir torturé et assassiné des dizaines d’esclaves…

Une partie des frais du reportage ont été payés par Travel South, qui n’a eu aucun droit de regard sur le contenu.