On aurait pu croire que le prix de l'essence aurait freiné l'ardeur des vacanciers. Eh non! Attirés par la force de leur dollar, les Québécois déferleront par milliers sur la côte Est américaine cet été. Plus nombreux que jamais. Et précédés d'une réputation qui leur est propre.

Penchée au-dessus d'un grand cahier ligné, Patricia Casey parcourt du regard ses réservations du mois de juillet. «Poulin, Tremblay, Chamberland, Poulin. On a beaucoup de Poulin, cette année», commente la propriétaire du camping Stadig. Sur la page, quatre noms sur cinq sont francophones.

Cette scène serait tout à fait normale si le camping de Mme Casey se trouvait à Sainte-Agathe ou à Bromont. Or, nous sommes à Wells, une ville de 10 000 âmes, dans l'État du Maine, sur la côte est américaine.

La famille Casey exploite le camping de 12 hectares depuis trois générations. Et l'année 2008 risque bien de passer à l'histoire. «Jusqu'à présent, 70% de mes clients sont québécois, lance Patricia Casey, une blonde bien en chair rencontrée samedi. Je n'ai jamais vu ça.»

Les données officielles le confirment: les Québécois déferlent sur la côte est américaine cet été.

Dans la ville voisine, Ogunquit, le nombre de «French Canadians» a presque triplé depuis deux ans, selon les données de la chambre de commerce d'Ogunquit. Alors qu'ils étaient environ 8000 en 2006, ils devraient frôler les 20 000 cette année, selon l'estimation faite en fonction des réservations de chambres.

L'Association touristique du Maine dresse un constat similaire. Les touristes québécois sont deux fois plus nombreux à passer par le bureau touristique de Kittery qu'ils ne l'étaient en 2005, selon les statistiques établies en fonction des signatures dans le livre d'or.

L'accent qu�©b�©cois r�©sonne

Samedi après-midi, sur la plage d'Ogunquit, Nadine Signori rassemble les jouets de plage pour la dernière fois. Elle, son mari et ses quatre enfants s'apprêtent à quitter le Maine après deux semaines de vacances.

Mme Signori vient à Ogunquit depuis 32 ans. «Je n'ai jamais vu autant de Québécois que cette année, particulièrement entre la Saint-Jean et la fête du Canada», assure la mère de famille de Saint-Jean-sur-Richelieu.

«Il fallait faire attention à ce qu'on disait: 80% des gens sur la plage parlaient français!» ajoute son mari, Patrick Couvrette.

À 40 km de là, dans le très touristique village d'Old Orchard, l'accent québécois résonne dans le stationnement du motel Kebek 3. Toutes les voitures, sans exception, sont immatriculées au Québec.

«Mes 35 unités sont réservées jusqu'à la fête du Travail, en septembre, constate la propriétaire, Suzanne Beaulieu. Et 90% des clients sont Québécois.»

�«Nous parlons fran�§ais�»

Les commerçants et touristes interrogés samedi s'accordent sur un point: la parité avec le dollar américain explique la venue massive de Québécois sur la côte est américaine. Force est de constater que les dollars de plus qu'il faut débourser pour le plein d'essence n'ont pas freiné l'ardeur des vacanciers.

En contrepartie, les touristes américains se font plus rares en raison de la faiblesse de l'économie américaine, confient plusieurs hôteliers. Il faut donc attirer le client francophone. Et comment s'y prennent-ils? «Ils sont de plus en plus nombreux à embaucher du personnel qui parle français», mentionne Karen Arel, directrice de la chambre de commerce d'Ogunquit.

Le long des routes côtières, la phrase «Nous parlons français» figure sur les enseignes de plusieurs motels et complexes hôteliers. «Et ça fonctionne», confie John Sealy, gérant du motel The Inn, à Old Orchard. L'an dernier, il a embauché un étudiant de France pour servir les Québécois.

«Mais au-delà de la valeur du dollar et de la possibilité d'être servis dans leur langue, les Québécois viennent aussi pour notre accueil, la tranquillité du coin et nos belles plages», assure Mme Arel.

Denise Gagnon, rencontrée sur le perron de l'hôtel Kebek 3, semble bien d'accord. «Dire que les Anglais nous ont enlevé toute cette belle côte pour nous tasser dans la neige!» soupire la grand-maman de Jonquière, en regardant l'Atlantique au loin.