Au beau milieu de la misère de Gaza, de ses rues défoncées et de ses graffitis exhortant à la lutte contre Israël, se niche «Rosy», un spa pour la classe aisée d'un territoire habituellement associé à la violence et à l'extrémisme islamiste.

Pourtant, assure son propriétaire, «Rosy» n'a rien à envier à ses concurrents ailleurs, offrant un éventail complet de prestations haut de gamme, un sauna, une petite salle de gym et un salon de beauté. «Nous avons la meilleure qualité de services dans le coin», affirme Mohammed Faris, qui a ouvert ce luxueux centre de remise en forme en 1999 avec son épouse britannique.

«Nous avions une cliente qui travaillait pour l'Union européenne ici. Elle a été envoyée à New York et m'a appelé de là-bas pour me dire que +Rosy+ lui manquait», se vante-t-il, en fumant ostensiblement une cigarette en plein ramadan dans ce territoire strictement contrôlé par les islamistes du Hamas.

L'endroit tranche avec le dénuement de Gaza, une étroite bande de territoire entre Israël et l'Egypte, où s'entassent un million et demi de Palestiniens. Dépendante de l'aide humanitaire internationale, l'immense majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Et pourtant, chez «Rosy», un traitement du visage coûte de 15 à 50 euros, une heure de massage environ 30 euros et un abonnement mensuel à la salle de sport 25 euros, une petite fortune quand les Gazaouis gagnent en moyenne moins de 10 euros par jour.

Mais qu'importe, puisque le spa s'adresse à la classe aisée gazaouie --fonctionnaires, médecins et entrepreneurs palestiniens-- et à la communauté expatriée: diplomates étrangers, humanitaires, employés des Nations unies et journalistes de passage.

Pour tout ce beau monde, il y a peu d'endroits de détente à Gaza, hormis une poignée de restaurants et hôtels de luxe, qui ne servent pas d'alcool et où le seul vrai plaisir est de discuter à loisir en fumant le narguilé et en buvant une limonade ou un thé à la menthe.

«Rosy» représente une soupape de décompression dans un territoire pilonné par l'armée israélienne l'hiver dernier, en proie à des affrontements inter palestiniens sporadiques, soumis à un strict blocus de la part d'Israël et plongé dans une profonde dépression économique.

«Les gens ont commencé à faire davantage de sport depuis le début du blocus, car il est impossible de quitter Gaza et de prendre une bouffée d'air frais» à l'étranger, explique Safaa, une Palestinienne de 30 ans.

Pour autant, Mohammed Faris doit recourir au système D et à son réseau de relations à l'étranger pour s'en sortir. Plutôt que de s'appuyer sur les tunnels de contrebande creusés sous la frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte, il compte sur ses amis journalistes, diplomates et humanitaires pour lui rapporter dans leurs bagages les produits de beauté qui manquent à Gaza.

Il a aussi dû se résoudre à limiter aux seules femmes la fréquentation de son établissement car il n'avait pas suffisamment de clients pour rentabiliser les heures d'ouvertures pour les hommes. Il a fermé en 2006 le jacuzzi car il ne pouvait plus se procurer les filtres à eau adéquats.

«Je ne peux pas m'agrandir. Je ne peux pas vendre. Je suis bloqué», avoue-t-il. «Ici, tu perds ton temps, tu gaspilles ton fric, tu dépenses l'électricité et tu ne gagnes pas assez d'argent pour tout faire», ajoute-t-il, en se disant inquiet face à l'avenir.

Peut-être à tort puisque son salon est très fréquenté. Pendant l'offensive israélienne contre la bande de Gaza au début de l'année, Faris a préféré rester fermé. «Après la guerre, je m'attendais à ne voir personne, mais on a eu une très forte demande. Les femmes sont venues pour se détendre, se sentir belles, se sentir mieux», sourit-il.