Des ours patrouillent dans le parc territorial Tombstone, au nord de Dawson City, au Yukon. Des ours noirs, des grizzlys. Pour randonner dans l'arrière-pays, il vaut mieux s'armer de vaporisateurs anti-ours et transporter sa nourriture dans des barils spécialement conçus pour leur résister.

Mais au centre de visiteurs, on vous met en garde contre un péril beaucoup plus menaçant, un ennemi insaisissable, une bête sans pitié qui peut transformer votre expédition en véritable cauchemar.

Une photo bien en vue sur le comptoir du centre de visiteurs révèle l'identité du monstre: une sorte de petite marmotte maigrichonne ou d'écureuil, le spermophile arctique. La petite terreur grignote tout ce qui n'est pas bien rangé: nourriture, bottes de randonnée, courroies de sac à dos. Elle se terre sous les plateformes de bois destinées aux tentes pour surgir dès qu'on a le dos tourné.

Le parc Tombstone est toutefois tellement spectaculaire qu'il justifie le risque de tomber nez à nez avec un tel adversaire. Certains le qualifient de Patagonie du Nord. La comparaison se justifie amplement. Des pics acérés de granite et de syénite s'élancent au-dessus d'une toundra subarctique qui prend des couleurs spectaculaires en fin d'été. De multiples glaciations ont laissé derrière eux de petits lacs de montagne, des cirques et des moraines.

Ces paysages sont facilement accessibles: la route Dempster, qui relie Dawson City à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, passe au beau milieu du parc Tombstone. Il suffit de s'arrêter à l'un des belvédères aménagés sur le bord de la route.

Mais pour voir tout ça de près, rien ne vaut une petite randonnée de quelques jours dans l'arrière-pays.

Un sentier de 11 km vous fait traverser une zone de forêt boréale, puis vous conduit sur une crête dénudée avant de vous faire descendre sur le bord du lac Grizzly, au pied du mont Monolith. Le sentier n'est pas facile, l'arrivée au petit camp est donc particulièrement appréciée. Le nombre de plates-formes pour les tentes étant limité, il faut réserver sa place.

Malheureusement, comme en Patagonie, le temps est loin d'être toujours clément. Le parc a prévu un petit abri de toile pour les repas, qui devient rapidement très chaleureux.

Un sentier de 6 km permet de rejoindre le camp du lac Divide dans une autre vallée, celle de la rivière Klondike North. Six kilomètres, ça ne semble pas beaucoup. Mais lorsqu'il faut franchir le col Glissade avec un gros sac à dos, soit 500 m de dénivelé sur un terrain raide et glissant, c'est tout à fait raisonnable.

Le site du lac Divide est tout aussi spectaculaire que celui du lac Grizzly, à la différence que les pics se sont couverts de neige pendant la nuit, ce qui les rend encore plus saisissants.

Un dernier sentier de 6 km, facile celui-là, mène au camp du lac Talus, qui permet d'admirer le mont Tombstone, un colosse de 2192 m de hauteur.

Il est possible de faire de petites randonnées à la journée à partir de ce camp, avant de parcourir le chemin du retour. La randonnée hors sentier n'est cependant pas facile dans ce coin du parc, on doit souvent traverser des éboulis chambranlants et d'épais fourrés pratiquement impénétrables. Pour effectuer de longs déplacements, mieux vaut se concentrer sur les sentiers, qui offrent déjà bien des défis. Et mieux vaut garder ses énergies pour déjouer les féroces spermophiles arctiques.

Photo Digital/Thinkstock

Le spermophile arctique n'a pas l'air bien dangereux, mais méfiez-vous de ce rongeur qui gruge tout sur son passage, même vos bottes ou les courroies de votre sac à dos.