Sainte-Flore est un village discret, presque caché dans la nature à la porte du parc national de la Mauricie. Une fois que l’on s’y arrête, on sait que l’on va revenir. Ou mieux, qu’on ne le quittera jamais. La preuve, en trois (belles) histoires.

Un cœur qui bat à nouveau

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Audrey Boisvert et Gabriel Wasilko, copropriétaires du petit hôtel de charme Le Floriel

Sainte-Flore, en Mauricie

Population : 1600 habitants

Audrey Boisvert et Gabriel Wasilko

Hôtel Floriel

Le cœur d’un village, c’est l’église.

Juste à côté, il y a le presbytère.

Celui de Sainte-Flore ne servait plus et, disons-le honnêtement, n’avait rien de bien attirant.

Architecture plutôt quelconque, détails disparus avec les décennies et les mauvaises décisions de ceux qui l’ont laissé aller.

Pourtant, Sainte-Flore est depuis longtemps le village chic du coin.

2002

Le village a été intégré à la ville de Shawinigan il y a 21 ans.

Il est près du parc national, à l’entrée de Lac-des-Piles qui s’est beaucoup embourgeoisé dans la dernière décennie ; pas loin des villes de Shawinigan (dont il est en fait un quartier), Grand-Mère et même Trois-Rivières. Il y avait ici de belles tables et une auberge, Le Florès, qui a été jadis un établissement réputé.

Bref, quand on sortait à Sainte-Flore, on se faisait beau.

Puis, comme c’est souvent le cas dans la vie d’un village, il y a eu un creux de vague. Des restos ont fermé, Le Florès a brûlé. On a cru que les belles années étaient derrière.

  • Le Floriel est situé dans l’ancien presbytère.

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    Le Floriel est situé dans l’ancien presbytère.

  • Un petit coin pour relaxer au Floriel

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    Un petit coin pour relaxer au Floriel

  • Avec le Floriel, les entrepreneurs dotent le village d’une offre d’hébergement en bonne et due forme.

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    Avec le Floriel, les entrepreneurs dotent le village d’une offre d’hébergement en bonne et due forme.

  • Vue sur une des chambres du Floriel

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    Vue sur une des chambres du Floriel

  • La cohabitation entre l’histoire et le très beau est l’une des caractéristiques du Floritel.

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    La cohabitation entre l’histoire et le très beau est l’une des caractéristiques du Floritel.

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Mais il y a eu un ressac. Des restos sont apparus. Le presbytère vient d’être transformé en hôtel. Tous des projets de jeunes qui ont plus ou moins des plans d’affaires, mais une vision commune : Sainte-Flore mérite ce qu’il y a de mieux.

Et c’est ce qu’ils font.

« On avait le désir de revaloriser un bâtiment patrimonial ancestral au cœur d’un village, raconte Audrey Boisvert, dans l’ancien presbytère. Pour nous, il offrait un potentiel architectural quand même intéressant. La bâtisse n’était pas nécessairement la plus belle du quartier et ça faisait 15 ans qu’elle n’était pas habitée. C’était délabré. Mais l’emplacement valait la peine. »

Autre point motivant : il n’y avait pas d’offre d’hébergement dans ce créneau des milles à la ronde.

« On voulait faire une belle place, précise Gabriel Wasilko, à ses côtés dans la vie et dans le projet. Parce que nous, on trouve que ça fait du bien, du beau. »

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Ici, histoire et modernité cohabitent.

C’est réussi. Le Floriel est un endroit magnifique. Une réalisation qui ne s’est pas faite sans heurts, mais qui se présente sans failles, au bout du compte.

1856

Arrivée des premiers colons à Sainte-Flore, ce qui est fait le plus vieux village de la région. Le premier maire a été élu en 1862.

Audrey et Gabriel ont réussi un tour de force : faire cohabiter l’histoire et le très beau, en choisissant méticuleusement chacune des pièces des sept chambres de l’hôtel et des espaces communs, où l’on se sent bien. En y mariant les courtepointes faites par la maman d’Audrey qui rappellent que cet endroit est issu d’une belle lignée, d’une histoire riche – le presbytère serait le plus vieil édifice du village, datant des années 1860, avant même la construction de l’église.

Le projet a suscité une certaine curiosité à Sainte-Flore.

« On s’attaquait à un bâtiment au cœur du village, dit Audrey. C’est certain que ç’a alimenté plusieurs conversations au dépanneur. Maintenant que c’est fait, les gens sont très contents. »

« Sainte-Flore se transforme, dit-elle aussi. Des familles s’installent. C’est un coin prisé en Mauricie. L’école est super réputée. »

Le couple d’entrepreneurs voulait que les visiteurs puissent sentir cet esprit de la place, même s’ils ne restent qu’une journée ou deux.

« On avait le goût que les gens vivent l’expérience du village, explique Audrey. C’est ce qu’on trouve intéressant de Sainte-Flore. C’est un petit village particulier. »

Et tout autour, la nature.

« La beauté naturelle du coin est de classe mondiale, dit Gabriel. Je me suis dit que si quelqu’un visitait une place comme Saint-Jean-des-Piles ou Grandes-Piles en Italie, il en parlerait pour le restant de sa vie. Une belle rivière, des montagnes, le parc national. »

La vibe de Sainte-Flore est portée par de beaux restos. Et là, pour aller avec les beaux restos, tu vas avoir un bel hôtel. On va avoir une belle micro. Ce sont des petites places. Sainte-Flore ne sera jamais Bromont, ne sera jamais Tremblant. C’est un village.

Audrey Boisvert

Maintenant, le Floriel est en pleine éclosion.

C’est le moment de le découvrir une première fois – car on y revient assurément.

On voudra suivre Gabriel et Audrey, qui est sommelière et qui veut trouver le moyen d’inclure le vin d’une manière très rassembleuse et conviviale dans son offre pour que les invités se sentent bien et étirent les heures dans la salle à manger du rez-de-chaussée.

Et peut-être ajouter au menu les bières de Flore sauvage qui fermentent dans une vieille maison, à quelques pas de là…

3311, chemin de Sainte-Flore, Shawinigan

Consultez le site de l’Hôtel Floriel

Définir un goût unique

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Stéphanie Forcier et Mathieu Fortin de la microbrasserie Flore sauvage

Stéphanie Forcier, Mathieu Fortin et David Côté

Microbrasserie Flore sauvage

« C’est l’appel de Sainte-Flore », lance Stéphanie Forcier, dès qu’elle raconte ce qui l’a menée au cœur du village, pour participer à un projet de microbrasserie.

Oui, encore un.

Encore un, mais pas n’importe lequel.

Chez Flore sauvage, c’est le levain qui aura le dernier mot. Tellement, que le commerce n’ouvrira probablement pas ses portes avant le mois d’août, peut-être même septembre, se privant ainsi du gros de la saison touristique.

Mais, que voulez-vous, le levain n’est pas prêt. Les bouteilles sont là, dans les boîtes, à faire leur double fermentation comme un champagne et c’est la boisson qui décidera lorsqu’elle sera prête.

David Côté a lui-même fait des récoltes dans la nature pour pouvoir ensuite développer les levures indigènes qui sont devenues son levain-mère, le même depuis deux ans et demi. Comme un boulanger qui entretient des années sa matière vivante.

« Tout tourne autour des levures ici, dit-il. Ça fait un an et demi qu’on travaille sur la récolte dans l’environnement. »

Pardon ?

« On récolte des végétaux, des fruits, des fleurs, explique David avec patience et passion. On envoie ça dans du moût. Ça crée une fermentation. Après ça, on va isoler des microorganismes, des levures, des bactéries. »

« On est en train de définir un goût unique, précise Stéphanie, et c’est la levure qui donne ce goût-là. »

Élitiste et étrange que tout ça ?

En théorie, oui. En pratique, pas du tout.

Flore sauvage est accessible dans sa nature même. Par ses artisans, qui vous accueillent comme si vous étiez des amis de toujours, généreux et sans filtre. Comme on aime ceux qui créent nos bières. Et par la nature de la bière elle-même, qui sera gourmande et qui se dégustera avec les papilles, pas le cerveau.

« Je ne veux pas que le monde ait besoin de suivre un cours pour apprécier nos produits », tranche Stéphanie.

Pour cette raison. Stéphanie espère que ses bières trouveront leur place au dépanneur du village – ce qui lui permettrait de faire ses livraisons à pied, avec un diable, ce qu’elle souhaite plus que tout.

Pour leur bière à la betterave, Stéphanie devra peut-être pousser son diable un peu plus loin. Car cette cuvée sera assurément un produit exceptionnel qui trouvera sa place sur les meilleures tables de la région.

Comme la nature fait bien les choses, il y a une table magnifique à Sainte-Flore, le Zélé, qui a été la force motrice de cette belle nouvelle vague.

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Sainte-Flore, un village tissé serré

Je veux rencontrer du monde, mais je veux des vrais contacts. Je ne veux pas parler de météo. Les gens qui vont venir ici, ce sont les voisins. Je suis déjà allée tous les rencontrer pour leur parler de notre projet. J’ai envie de prendre le temps avec eux. De leur demander comment va leur vie.

Stéphanie Forcier

Le trio a donc fait le tour de ce village tissé serré, s’est intégré dans le filet commercial pour trouver la maille manquante.

« Nous sommes tous de jeunes entrepreneurs qui sont nouvellement arrivés, poursuit Stéphanie. On s’entend bien, on a la même vision de l’entrepreneuriat. »

David habite dans le coin depuis une dizaine d’années.

« Je m’étais dit : le jour où je vais démarrer mon projet, ça va être à Sainte-Flore. En 2020, il y a eu une affiche à vendre ici. Ça adonnait qu’on commençait à mijoter le projet. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose là. »

C’était l’appel. Assurément.

Une culture gastronomique redéfinie

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Vanessa Julien-Picard, Justin Dunlop-Lemieux et Joëlle Beauchesne

Joëlle Beauchesne, Justin Dunlop-Lemieux et Vanessa Julien-Picard

Restaurant Zélé et Jules – fromages & convives

Justin Dunlop-Lemieux connaissait bien la région, sa famille ayant un chalet autour de l’un des lacs à proximité de Sainte-Flore. Comme c’est souvent le cas pour les gens des environs qui quittent leur coin, il ne voyait plus vraiment la magnificence de la nature mauricienne. C’est sa blonde, Vanessa Julien-Picard, qui la lui a rappelée lorsqu’elle l’a découverte à son tour.

Elle aussi a eu l’appel.

De la nature, d’abord, mais aussi de Sainte-Flore lorsque le local de l’ancienne épicerie a été mis en vente, au cœur du village. Le prix n’était pas élevé.

Le couple travaillait déjà dans la restauration.

Sans faire ni une ni deux, ni un plan d’affaires, Vanessa et Justin sont devenus restaurateurs-propriétaires. « On s’est lancés dans le vide, dit Justin. On s’est dit qu’on ouvrait de quoi et qu’on verrait ce qui allait arriver ! »

  • Le Zélé a ouvert il y a 10 ans, à Sainte-Flore.

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    Le Zélé a ouvert il y a 10 ans, à Sainte-Flore.

  • Au Zélé, il y a seulement un menu à l’ardoise.

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    Au Zélé, il y a seulement un menu à l’ardoise.

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Ils ont donc ouvert Le Zélé en faisant un resto qui leur ressemblait à eux, plus qu’à ce que la tradition gastronomique de Sainte-Flore avait établi et qui était d’un convenu un peu suranné. Comme un beau souvenir qui appartient à une autre époque.

Le Zélé avait envie d’avoir sa personnalité propre.

Pas de menu fixe, qu’une ardoise expliquée par les gens qui font et servent les plats.

Au départ, ce sont les amis et la famille qui sont venus. Puis, les gens des environs, sur la pointe des pieds.

« Il y a ici une culture de restauration, raconte Justin. Les gens se sont dit si c’est à Sainte-Flore, ça doit être bon. »

« Notre clientèle, au début, ç’a aussi été les gens qui avaient des chalets dans le coin, précise Vanessa. Puis, les gens sont venus de plus loin. Trois-Rivières… Et maintenant, on a des clients qui viennent de Montréal. »

Ce qu’on a réussi, finalement, c’est d’être un resto de quartier.

Justin Dunlop-Lemieux

Joëlle Beauchesne a été la première serveuse du Zélé.

« Quand je suis venue ici, j’ai trouvé ça très bizarre, raconte-t-elle. C’est une rue avec des restos. »

  • Chez Jules – fromages & convives a ouvert en face du Zélé.

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    Chez Jules – fromages & convives a ouvert en face du Zélé.

  • Dans l’ancienne caserne, on sert de la pizza cuite au four à bois avec de bons vins.

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    Dans l’ancienne caserne, on sert de la pizza cuite au four à bois avec de bons vins.

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Elle y est toujours, 10 ans plus tard. Elle est devenue partenaire du second projet de Justin et Vanessa, Le Jules – fromages & convives, qui a trouvé sa place juste en face, dans l’ancienne caserne.

On y sert de la pizza faite au four à bois. Le coffre-fort est devenu le cellier. On y retrouve des vins choisis, du bout du monde ou de très près. Comme ceux d’Annie et d’Éric du Clos Sainte-Thècle dont les bouteilles sont très rares hors Mauricie. Et peut-être les cuvées des voisins de Flore sauvage si le levain finit par être prêt…

Joëlle s’est installée juste en haut du resto. Elle vit maintenant au village – oui, elle a aussi eu l’appel…

« Je ne partirais plus d’ici », jure-t-elle.

De Sainte-Flore, elle aime la vie de village, cette proximité avec les gens – qui ont à maintes reprises interrompu notre entrevue sans le savoir, en ce beau samedi de printemps où nous nous sommes tous rencontrés. Un ami passait par là par hasard. C’était en fait le frère de la meilleure amie d’Audrey Boisvert, qui a ouvert l’hôtel, tout près.

Lise, la propriétaire du café voisin, voulait aussi ravoir son assiette rouge. Elle est venue voir si Joëlle l’avait toujours. Le soleil brillait, réchauffait le village.

La veille, c’était une soirée fraîche. Un beau vendredi au village. Les deux restos étaient pleins de monde. Il y avait de l’ambiance. En milieu de soirée, Justin est sorti pour aller porter des couvertures aux quelques clients qui avaient quand même décidé de s’installer sur la terrasse, malgré la fraîcheur.

Et c’est ça, en fait, qui fait que Sainte-Flore est ce qu’elle est.

Une communauté qui dure, portée par ces jeunes qui (parfois même sans le mesurer pleinement) honorent la place et lui permettent d’être encore l’endroit qu’on aime visiter et qui mérite que l’on se mette chic.

3230, chemin de Sainte-Flore et 3251, chemin de Sainte-Flore, Shawinigan

Consultez la page Facebook du Restaurant Zélé Consultez la page Facebook du Jules – fromages & convives

Carnet d’adresses dans les environs

Le Café bucolique

Au cœur du village, ce petit café donne envie d’étirer les déjeuners le plus longtemps possible. Surtout sur la terrasse arrière. Bucolique, certes, mais un peu magique aussi…

3240, chemin de Sainte-Flore, Shawinigan

Consultez la page Facebook du Café bucolique

L’Auberge Saint-Mathieu

On ne dira jamais assez de bien du chef Samy Benabed qui fait de la haute voltige dans cette auberge qu’il vient d’acquérir avec trois autres propriétaires. Cette nouvelle génération a lancé une campagne de sociofinancement pour l’aider à financer son projet de comptoir, buvette et terrasse sur le lac. D’ailleurs, Benabed vient de remporter le Laurier de la révélation de l’année. Un trésor comme ça ne reste pas caché très longtemps…

2081, chemin Principal, Saint-Mathieu-du-Parc

Consultez le site de l’Auberge Saint-Mathieu

Le Snack-bar Chez Melo

On nous a dit le plus grand bien des tacos de Mélodie servis dans ce snack-bar de Saint-Mathieu-du-Parc et qui font courir les foules. Tous les mardis, en formule 5 à 7, Saint-Mathieu devient Santo Mateo et la rue principale se remplit dans le temps de le dire.

1881, chemin Principal, Saint-Mathieu-du-Parc

Consultez la page Facebook du Snack-bar Chez Melo

Le Clos Sainte-Thècle

On avoue notre immense et durable coup de cœur pour Éric Blouin et Annie Trépanier, qui exploitent les vignes et le chai de cet improbable vignoble situé dans un quartier résidentiel et qui font des cuvées formidables, selon les récoltes. Pour une première année, le vignoble sera ouvert au public, du jeudi au dimanche, quelques heures par jour. Formule vins, fromages et charcuteries. Courez !

171, rue du Vignoble, Sainte-Thècle

Consultez le site du Clos Sainte-Thècle

L’Olivia, table gourmande

Improbable et très bel endroit qui réunit une boulangerie, un petit comptoir de provision et un restaurant avec un bar. On s’y arrête pour le brunch au départ de Sainte-Flore ou on fait un détour pour le chic repas du soir.

4485, chemin du Parc-National, Grand-Mère

Consultez le site de L’Olivia
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