Aux côtés du nom de Robert Piché, le pilote de Transat qui avait sauvé la vie de quelque 300 passagers, on pourrait inscrire celui de Théo Rivière. Cet instructeur a rattrapé, à la toute dernière minute, nos trois tentatives d’atterrissage ratées aux commandes d’un A320. Légère nuance : nous étions en train de tester le tout nouveau simulateur de vol ouvert au grand public à l’hôtel Marriott de l’aéroport de Montréal.

« Ici le capitaine Sarrazin, veuillez boucler votre ceinture, nous allons atterrir dans quelques minutes. Euh, attendez, le levier pour sortir le train d’atterrissage, c’est lequel, déjà ? Et pourquoi ça fait bip, bip, bip ? »

Affolement. Voyants rouges qui clignotent furieusement. La piste se rapproche, l’avion est tout croche. Ça sent le crash. Heureusement, personne ne sera blessé dans l’incident, hormis l’amour-propre de l’aspirant capitaine Sarrazin. Et même si tout cela n’était qu’un exercice virtuel, quelques gouttes de sueur lui ont quand même perlé dans le dos.

En fait, l’expérience n’est pas si virtuelle.

La société AviaSim vient d’installer un simulateur de vol reproduisant à l’identique une véritable cabine de pilotage d’Airbus A320, avec sa flopée de boutons, commandes, manettes et voyants.

Derrière les vitres du cockpit, un écran panoramique où l’on projette l’une des 24 000 destinations aéroportuaires en banque. Dans nos oreilles, le vrombissement des moteurs. À nos côtés, un pilote professionnel instructeur, qui nous guide dans cette jungle d’interrupteurs et de manipulations à effectuer. Ce jour-là, c’est le capitaine Théo Rivière, cinq ans de vols derrière la cravate, qui démystifie pour nous les énigmes aéronautiques, son jargon — et rattrape aussi, à titre de copilote, nos bévues.

« Tous ces boutons, ça peut paraître impressionnant, mais ce n’est pas si compliqué. Cette grande section sert pour les lumières, celle-ci pour le chauffage de la cabine, ici, c’est pour le fuel », explique-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Si vous trouvez qu’il y a trop de boutons sur une manette de PlayStation, attendez de vous installer au poste de pilotage de l’Airbus.

Durant une dizaine de minutes, il passe en revue chaque élément du cockpit, prenant bien soin de décortiquer son rôle et son fonctionnement. Des infos foncièrement intéressantes, expliquant certains bruits mystérieux fréquemment entendus par les habitués des hublots. Par exemple, saviez-vous qu’il y a un important décalage entre le moment où les gaz sont enclenchés et celui où les moteurs se mettent effectivement à pousser ? « Avec certains gros moteurs, le délai peut atteindre 9 secondes, le temps que les pales se mettent en rotation », avertit M. Rivière.

Fais comme l’oiseau

Après cette formation express, le décollage est imminent. Premier terrain de jeu : Montréal, où nous survolerons la ville avant de nous poser à Dorval. Se retrouver ainsi installé dans le siège du commandant et manipuler de véritables commandes, c’est un peu le 7e ciel. « Se rendre dans le cockpit d’un appareil, ce n’est pas toujours simple, mais avec le simulateur, les gens y ont accès et peuvent aller chercher une expérience avec un A320 », souligne l’instructeur qui, enfant, adorait visiter les postes de pilotage.

Autorisation accordée : on ôte le « frein à main » de l’aéronef, on fait pivoter la poignée des gaz à mi-course. Fuel OK. Température des moteurs OK. Pilote pas si OK, mais on fera avec. Pleins gaz, les moteurs s’emballent avec leur souffle caractéristique, et voilà que défile la piste. « Allez, on tire sur le manche », guide Théo Rivière. Le mont Royal et le Stade olympique se dessinent en contrebas. Repli du train d’atterrissage. Réduction des gaz. Bon vol !

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’écran de simulation panoramique reproduit des milliers de destinations à survoler. Ici, nous avons choisi de mettre le cap au-dessus des Andes boliviennes.

On exécute ensuite des virages et on se familiarise avec la sensibilité du manche (heureusement, le tableau de bord n’indique pas le nombre de cafés renversés en cabine).

La fidélité de la reproduction des paysages à l’écran, couplée au cockpit tangible, rend l’expérience très immersive.

Vient le temps de tenter une approche pour l’atterrissage. « L’important, c’est de bien anticiper ses virages pour arriver à s’aligner sur la piste », préconise le (vrai) pilote. Des indicateurs lumineux installés au sol, à l’entrée de la piste, confirment si l’altitude pour l’atterrissage est bonne ou non ; trop de lumières rouges ou trop de lumières blanches : corrigez votre position — le genre de détail que l’on ne voit jamais en tant que passager.

Le tarmac grossit, les roues sont sorties, mais des alertes rouges se déclenchent : mauvaise vitesse, mauvaise altitude, positionnement des ailes de guingois. L’écrasement aurait été imminent si le copilote Rivière n’avait pas repris le contrôle de l’A320 à la dernière seconde pour le poser sans dégâts. Plaisant et excitant, mais pas simple !

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La fameuse plage de Saint-Martin, rasée par les avions, peut être survolée grâce au simulateur.

Envole-moi

L’une des beautés du simulateur est de pouvoir choisir sa ville parmi des milliers de destinations. Nous avons ainsi fait un tour à Saint-Martin, célèbre pour sa plage frôlée par les avions, ainsi qu’à La Paz, pour raviver quelques souvenirs et se régaler des Andes environnantes. Magnifique ! Bon, là aussi, les atterrissages furent chaotiques, malgré des conditions de vol optimales. Certains forfaits permettent d’ailleurs de corser les choses.

« On peut rajouter du brouillard, des nuages, des orages, du vent, un lever ou un coucher du soleil, du givrage… », énumère M. Rivière, qui a aussi éclairé pour nous les motifs derrière les drames des vols Air France 447 (Rio-Paris) et 214 d’Asiana Airlines (atterrissage raté à San Francisco). « Si un client veut un scénario catastrophe, comme un feu à bord, c’est possible de le programmer dans le simulateur », glisse-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

On apprend une foule de choses, et le passager lambda comprendra mieux les bruits étranges perçus en vol (vous savez, la fameuse « scie à bois »).

Mais trêve d’accidents aériens, ce cockpit semi-virtuel est axé avant tout sur le plaisir de voler et d’en apprendre davantage sur l’appareil et son pilotage. Il ravira à coup sûr les passionnés d’aviation, ceux qui rêv(ai)ent de devenir pilotes, ou encore les passagers fréquents curieux de découvrir les coulisses d’un vol. Les enfants peuvent participer à partir de 10 ans, et la cabine peut accueillir jusqu’à trois accompagnateurs. « Cela peut être très utile pour ceux qui ont des craintes en avion, cela les rassure de voir que tout est sous contrôle. On organise aussi des renforcements d’équipe [team building] », indique M. Rivière.

À savoir

Forfaits et stages à partir de 129 $ pour une heure (actuellement 99 $)

Ouvert les fins de semaine, de 10 h à 19 h (réservation nécessaire)

Une heure permet habituellement d’effectuer deux circuits

Pour tous, dès 10 ans

Consultez le site d’AviaSim