Si vous êtes du genre terre-à-terre, laissez-vous transporter un instant, car s’amorce ici un exercice titillant l’imaginaire : faisant fi des moyens technologiques et financiers actuels, quelles activités touristiques pourrait-on organiser dans notre système solaire ? Randonner sur Mars ? Patiner sur Pluton ?
Enfilez votre combinaison ultra-étanche, on vous a concocté un programme pas piqué des (uni)vers avec Simon A. Bélanger, du Planétarium de Montréal. Un beau prétexte pour découvrir les perles, bien réelles, de notre système planétaire.
Sur Mars, des randos à en rougir
Adepte de paysages spectaculaires et de plein air (OK, pas si plein), Mars a ce qu’il vous faut, puisqu’on y trouve le plus haut sommet du système solaire, Olympus Mons (culminant à 24 km), ainsi que le plus grand système de canyons observé, Valles Marineris, s’étendant sur plus de 3500 km. « Olympus Mons a une forme de dôme, c’est une pente très douce, on pourrait même le faire en vélo une fois les falaises d’escarpement franchies. On a du mal à se l’imaginer, mais c’est une montagne large comme la France », indique Simon A. Bélanger, concepteur d’activités et de programmes éducatifs au Planétarium. L’environnement est certes hostile, avec des rayons UV très agressifs, mais la bonne nouvelle, c’est que notre propre poids, ainsi que celui de notre sac, serait réduit de 40 %. « La pression atmosphérique représente 1/100 de la nôtre. Donc, si on fait face à de grands vents sur Mars, la pression ressentie sur nous sera minime », précise M. Bélanger.
Des équivalents plus terre-à-terre
Ski extrême et patin cosmique
Avouons-le, Vénus, c’est un peu l’enfer hors Terre : pluies d’acide sulfurique, températures extrêmes (462 °C), volcanisme actif. « Il y a une pression telle qu’on croit avoir observé des neiges de métaux lourds, comme du plomb. Si on veut faire du ski extrême, on y trouve le mont Maxwell (11 km d’altitude) qui aurait des sommets “enneigés” », glisse M. Bélanger.
Un petit coin pour du patin ? « Aux pôles de Mercure, on trouve des cratères qui n’ont jamais vu la lumière du Soleil et conservé de la glace datant de la formation du système solaire. Ça serait un bel endroit pour patiner — bien habillé ! », suggère Simon A. Bélanger. Si vous redoutez les contrastes de Mercure (les températures peuvent osciller entre 400 °C le jour et -200 °C la nuit), sachez qu’Europe, un satellite de Jupiter couvert d’une couche de glace, pourrait aussi faire office de patinoire géante spatiale, puisqu’il s’agit de l’objet le plus lisse de notre système.
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Le tour du geek, de Tolkien à Pac-Man
Un petit circuit thématique pour les geeks ? Premier arrêt : Mimas, un satellite de Saturne ressemblant étrangement à l’Étoile noire (Death Star), la fameuse arme impériale du film fondateur Star Wars. « On y voit le cratère Herschel, un des plus gros cratères d’impact par rapport à l’objet où il est situé. À proportions égales sur la Terre, on parlerait d’un trou de 4000 km », nous apprend M. Bélanger. Une inspiration pour George Lucas ? Non, puisque son chef-d’œuvre a été tourné trois ans avant l’observation précise de Mimas. Autre anecdote : en 2010, la NASA a publié une photo du même astre représentant sa température, ce qui forme un Pac-Man ! Ensuite, direction Pluton. « C’est encore officieux, mais certaines zones très sombres sont appelées Balrog ou Cthulhu, en référence à Tolkien et à Lovecraft », indique l’employé du Planétarium. Autre clin d’œil au Seigneur des anneaux : une couronne sombre au pôle Nord de Charon, une lune de Pluton, est informellement baptisée Mordor.
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Plongée et chasse à la vie sur Europe
Une petite trempette frisquette ? Joignons l’utile à la baignade en sondant les eaux sous-glaciaires d’Europe, un satellite de Jupiter, où la possibilité de présence de vie n’est pas exclue. Après avoir foré de 2 à 3 km de glace, on pourra se mettre en quête de potentiels organismes inconnus. Le défi ? Ne surtout pas les y introduire nous-mêmes. « C’est un sanctuaire. Si on veut faire du “tourisme responsable”, mieux vaut s’abstenir. Ou alors trouver une façon d’y aller en étant complètement stérile », prévient M. Bélanger.
Si vous êtes blasé du lac Ontario terrestre, pourquoi ne pas plonger dans son frère jumeau ? Bon, il est sur Titan, un beau satellite de Saturne doté de rivières, de montagnes et de plages, et premier lieu où furent trouvés des lacs extraterrestres. Par contre, il ne s’agit pas d’eau, mais de méthane à l’état liquide… et astronomiquement froid !
Des équivalents plus terre-à-terre
Tourisme volcanologique en trois temps
Ceux qui brûlent de passion pour les magmas fileront vers Io, un satellite de Jupiter, où l’activité volcanique est la plus intense du système solaire, lui conférant des couleurs étonnantes. Au menu : explosions, expulsions à 300 km de hauteur et coulées de lave sur tout l’astre. « Io étant très proche de Jupiter, les forces des marées contractent et dilatent son cœur. Comme la gravité est moindre que sur la Terre, les volcans expulsent beaucoup plus loin leur matière », explique M. Bélanger.
Si vous êtes plutôt du type geyser, rendez-vous au pôle Sud d’Encelade (satellite de Saturne) pour admirer des projections d’eau salée. Troisième arrêt : tournée de cryovolcans, observés pour la première fois sur Triton (lune de Neptune). « Ce ne sont pas des volcans de lave, mais d’ammoniac », précise le concepteur d’activités du Planétarium.
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Nuitée sur la Lune
L’astrophysicienne Marie-Michèle Limoges, directrice du contenu scientifique au Cosmodôme, est venue apporter une touche de réalisme au tableau, puisqu’elle anticipe la possibilité de dormir littéralement à la belle étoile. « Des stations spatiales-hôtels autour de la Terre, ça nous paraît de la science-fiction, mais ça ne l’est pas », déclare-t-elle. À plus long terme, des établissements sur la Lune pourraient également pousser ; même si cette perspective inquiète un peu la scientifique.
De là, pourra-t-on y admirer un « lever de Terre » ? Malheureusement non, la synchronicité des deux astres l’empêchant. « Mais on pourrait admirer une éclipse solaire », propose M. Bélanger, qui suggère également un tour touristico-historique en allant observer le matériel et les véhicules des anciennes missions Apollo, toujours sur place.
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Contempler des ballets célestes
Se poser, admirer, photographier : quels seraient les plus beaux coins à croquer ? Les anneaux de Saturne sont souvent cités dans les fantasmes. Pour une vue d’ensemble, Mme Limoges propose de les observer depuis la lune Encelade. Simon A. Bélanger, lui, nous invite au cœur de l’action, sur Pan, une lune-berger au drôle d’aspect qui oriente le mouvement des anneaux. « De là, on serait entouré de millions et de milliards de morceaux de glace », assure-t-il.
Pour un beau cliché solaire, testez certains emplacements sur Mercure : on peut y voir le soleil se lever, se recoucher sur le même horizon, s’y relever, traverser le ciel, se coucher à l’opposé, se relever et se recoucher. Impossible de le rater. La planète naine Pluton serait également de toute beauté, avec des glaciers de méthane en évolution : son orbite désaxée autour du soleil — elle s’en approche, puis s’en éloigne — les ferait fondre et se reformer. « Cela pourrait faire penser au Groenland », indique M. Bélanger. On en profite pour fixer sa lune Charon qui, si l’on est bien placé sur Pluton, demeure immobile dans le ciel.
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Escalade et saut sur falaise extrême
« Uranus, c’est plate », annonce M. Bélanger. Mais sa lune Miranda présente la falaise la plus imposante observée dans notre système : Verona Rupes, d’une hauteur estimée à 20 km. De quoi faire rêver les amateurs de grandes voies d’escalade. Par contre, Simon A. Bélanger nous a dissuadé de sauter en wingsuit une fois au sommet : inutile, puisqu’il n’y a pas d’atmosphère pour freiner la chute. « Avec la faible gravité, ça prendrait 12 minutes pour tomber. Mais on arriverait au sol à une vitesse de 200 km/h. Ça va arrêter sec ! » Il propose plutôt un système de rétrofusées ou un saut à l’élastique, qui nous renverrait vers le sommet. Mais attention, si la corde casse, on se ferait catapulter hors de la lune !
Des équivalents plus terre-à-terre
Deux activités pour échappées spatiales
Nous sommes très loin de pouvoir réaliser ces périples fous, mais des expériences immersives permettent de vivre ces voyages virtuellement. Le spectacle Les sondes « Voyager » — le voyage sans fin du Planétarium nous propulse aux quatre coins du système solaire, juché sur les sondes lancées en 1977. On peut le coupler avec Chroniques célestes. La nouvelle Mission Cosmo-Astralis du Cosmodôme nous propose d’embarquer dans la navette installée sur place à destination d’Europe. Votre mission : détecter des traces de vie sur ce satellite.
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