Sauter dans un train à Montréal ou à Québec pour voyager jusqu’à Los Angeles, en passant par Chicago ou La Nouvelle-Orléans, avant de remonter la côte du Pacifique pour rentrer à la maison en passant par Vancouver et Toronto, avec un détour jusqu’à la baie d’Hudson, ça vous dit ? Bien sûr, il faut avoir beaucoup de temps devant soi, mais même s’ils sont moins rapides ou fréquents qu’en Europe, les trains nord-américains vont encore très loin !

« J’ai dû parcourir à peu près 300 000 miles à bord d’un train dans ma vie ! », lance Jim Loomis, 85 ans et auteur d’All Aboard – The Complete North American Train Travel Guide, dont la cinquième édition doit paraître en 2023.

« La plupart des gens n’ont aucune idée de ce qui s’offre à eux pour de grands voyages en train en Amérique, dit celui qui habite aujourd’hui à Hawaii, mais continue de faire de nombreux trajets chaque année. Pour eux, le train, c’est bon pour de courtes distances et pour éviter les bouchons de circulation. C’est bien dommage, parce que c’est une expérience inoubliable de traverser le pays par le rail. »

PHOTO FOURNIE PAR JIM LOOMIS

Jim Loomis

En train, tout se montre sans filtre, les paysages spectaculaires comme les parcs de roulottes ! C’est très révélateur de l’Amérique.

Jim Loomis, auteur d’All Aboard – The Complete North American Train Travel Guide

Française d’origine, Perrine Roiné s’est installée à Vancouver il y a six ans. La femme de 33 ans a décidé de se rendre là-bas en train pour prendre la mesure de son nouveau pays. « J’avais très envie de traverser le Canada en train, raconte-t-elle. Ça m’a permis d’arriver doucement à Vancouver. C’est le voyage le plus marquant de ma vie. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM PERRINE VOYAGE

Perrine Roiné

Le train permet de voyager plus lentement, d’une manière un peu différente. En fait, le transport fait partie du voyage : on peut s’asseoir, bouger, parler, rencontrer des gens.

Perrine Roiné, blogueuse

Or, bien peu de gens semblent disposés, comme elle, à faire l’éloge de la lenteur ferroviaire. « Au Canada, les gens voient le train comme un mode de transport peu développé, et qui est toujours en retard », constate celle qui anime le blogue Pensées voyageuses.

Les statistiques confirment cette perception. En 2019, à peine 68 % des trains de VIA sont arrivés à l’heure. Le transporteur utilise surtout des voies qui ne lui appartiennent pas et ses trains doivent en général céder le passage à ceux qui transportent des marchandises. Tant pis pour la ponctualité.

IMAGE TIRÉE DU SITE DE VIA

Le réseau actuel de VIA

Les passagers de VIA semblent aussi se limiter à des trajets assez courts. En 2019, 96 % des 1,7 milliard de kilomètres parcourus dans les trains de VIA par 5 millions de personnes l’ont été dans le seul corridor Québec-Windsor.

Partir à l’aventure

Pourtant, le réseau de VIA compte plus d’un trajet à faire rêver sur quelque 12 500 km de voies.

Parmi eux, le Skeena, qui relie Jasper, en Alberta, à Prince Rupert, en Colombie-Britannique, dans un secteur assez sauvage des Rocheuses. Ou encore le train entre Winnipeg et Churchill, dans la baie d’Hudson, qui attire chaque année des foules de touristes parties à la rencontre des ours polaires (l’automne) et des bélugas (l’été). Le train qui relie Montréal à Jonquière et Senneterre, au Québec, dessert notamment des pourvoiries, dont la Seigneurie du Triton, en Haute-Mauricie, et peut s’arrêter à peu près n’importe où dans le bois pour laisser descendre ou monter des passagers.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Rocky Mountaineer propose notamment de luxueuses croisières ferroviaires entre Vancouver et Jasper ou Banff.

On trouve aussi des trains privés au pays. Les plus connus sont assurément ceux de Rocky Mountaineer, qui propose de luxueuses croisières ferroviaires entre Vancouver et Jasper ou Banff, par exemple. Dans le nord du Québec, Transport ferroviaire Tshiuetin vient de rouvrir à tous sa liaison Sept-Îles–Schefferville, beaucoup moins touristique, mais unique en son genre : c’est la première ligne détenue par un groupe des Premières Nations. Il y a aussi le train de Charlevoix, qui longera cette année le fleuve entre Québec et La Malbaie, du 17 juin au 10 octobre.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE TRANSPORT FERROVIAIRE TSHIUETIN

Transport ferroviaire Tshiuetin vient de rouvrir à tous sa liaison Sept-Îles–Schefferville.

Le rêve américain

Au départ de Montréal, les voyageurs peuvent élargir d’un coup leurs horizons grâce aux 34 000 km de voies sillonnées par Amtrak en montant dans l’Adirondack, qui fait la navette entre la métropole et New York. Le service est interrompu depuis le début de la pandémie, mais doit reprendre sous peu, assure Amtrak. En 2019, 65 000 passagers sont montés à bord de ce train qui donne notamment accès à plusieurs lignes transcontinentales.

IMAGE TIRÉE DU SITE D’AMTRAK

Le réseau actuel d'Amtrak

Le California Zephyr, qui fait Chicago-San Francisco, est le plus populaire des trains qui traversent les États-Unis. Moins couru, l’Empire Builder, qui s’approche de la frontière canadienne en route vers Seattle ou Portland, compte aussi son lot de vastes horizons et de cols vertigineux. Plus au sud, on peut faire escale au Grand Canyon avec le Southwest Chief, entre Chicago et Los Angeles. Le Sunset Limited, lui, circule entre La Nouvelle-Orléans et Los Angeles en longeant la frontière mexicaine... Des lignes parcourent aussi les côtes Atlantique et Pacifique du nord au sud.

PHOTO CHUCK GOMEZ, FOURNIE PAR AMTRAK

L’Acela Express, dans le Maryland

Un avenir prometteur

En 2019, 32 millions de voyageurs ont emprunté les trains d’Amtrak, même s’ils sont plutôt lents et doivent aussi souvent céder le passage aux convois commerciaux. Or, des trains rapides commencent à faire leurs preuves. L’Acela, qui a attiré 3,6 millions de passagers en 2019, fait Boston-Washington en sept heures, avec des pointes à 240 km/h. D’autres trains, encore plus rapides, se construisent en Floride, en Californie et au Texas...

Au Canada, une croissance continue de la fréquentation (+ 32 % de 2014 à 2019) a convaincu le gouvernement fédéral d’aller de l’avant avec son projet de train à grande fréquence entre Québec, Montréal, Ottawa et Toronto, quelque part au début de la décennie 2030. À 200 km/h, le trajet Montréal-Toronto se ferait en un peu moins de trois heures (plutôt que près de 3 h 30 min actuellement) sur des voies en grande partie réservées.

« La demande pour davantage de trains existe », observe François Rebello, propriétaire de l’agence Train-Hôtel, qui organise des voyages en wagons nolisés vers Toronto ou New York, parfois avec une chanteuse de jazz, pour lesquels la demande reprend ces jours-ci.

En Europe, les trains de nuit font même un retour. En couchant dans le train, tu peux avoir un meeting le matin sans avoir à dormir à l’hôtel. Ça pourrait être la même chose ici, entre Montréal et Boston, New York ou Chicago. Les lignes sont là, il faut juste négocier les droits de passage.

François Rebello, propriétaire de l’agence Train-Hôtel

Le potentiel de développement de nouvelles lignes est aussi énorme, ajoute M. Rebello, qui a notamment travaillé sur un projet de train entre Montréal et Sherbrooke. « Le REM, ici, et le projet Brightline, en Floride, démontrent la rentabilité des projets de train. Avec les gains et les commissions sur les projets immobiliers en bordure des gares, quelqu’un qui lance un train là où les gens veulent aller va s’assurer de bons revenus. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE BRIGHTLINE

En Floride, le réseau de trains rapides Brightline prend peu à peu forme.

Mis à mal au XXsiècle par l’arrivée de l’automobile, puis de l’avion, le train semble avoir de nouveau un avenir prometteur devant lui. Et ça tombe bien, parce que son empreinte carbone est beaucoup plus faible, surtout s’il est électrique. Bien sûr, tant pour un voyage dès l’été prochain que pour son développement à l’échelle du continent, il faut se montrer patient.

Consultez le site de Jim Loomis Trains & Travel (en anglais) Consultez le blogue Pensées voyageuses Consultez le site de l’agence Train-Hôtel
En savoir plus
  • 289 177
    Nombre de tonnes de CO2 dont l’émission a été évitée par des voyageurs qui ont préféré un train de VIA à leur voiture en 2019. Au plus fort du confinement, la fréquentation des trains a chuté de 95 %, mais les passagers reviennent progressivement.
    source : VIA
    8000
    Le président des États-Unis, Joe Biden, a fait quelque 8000 allers-retours en train entre Washington et Wilmington, au Delaware, depuis son élection au Sénat en 1972, quand il avait 29 ans. L’an dernier, son administration a annoncé un financement de 66 milliards US pour Amtrak dans le cadre du plan pour les infrastructures.
    source : NBC News