Des découvertes… près de la maison
Partir à l’aventure, admirer de nouveaux paysages, aller à la rencontre de cultures différentes… pour beaucoup, c’est là l’essence du voyage. Depuis des années, ce dépaysement se vit souvent au terme de longs vols intercontinentaux.
Mais l’aventure attend parfois les amateurs d’émotions fortes beaucoup plus près de la maison. Six jours de canot dans le Témiscamingue sauvage, du rafting sur les rapides de la Magpie ou la traversée des monts Uapishka en trek : les circuits proposés l’été prochain au Québec par l’agence Karavaniers, par exemple, le montrent bien.
Et pour les échanges culturels, la vaccination accélérée dans les communautés autochtones laisse présager de belles choses pour les mois à venir, croit Tourisme autochtone Québec, qui regroupe près de 250 entreprises touristiques. « Les Européens forment une grande partie de notre clientèle, mais l’intérêt des Québécois pour nos cultures grandit depuis 10 ans », explique Dave Laveau, directeur général de l’organisme et chef au conseil de la Nation huronne-wendat.
Comme autochtone, aller à la rencontre des Québécois, ça me motive beaucoup. On va construire le Québec de demain ensemble, alors pourquoi ne pas se connaître un peu mieux ? Le tourisme est un outil extraordinaire pour le faire.
Dave Laveau, directeur général de Tourisme autochtone Québec
En collaboration avec une entreprise autochtone, l’agence Karavaniers a d’ailleurs très bon espoir de conduire pour la première fois un groupe dans le Mushuau-nipi, le foyer culturel de la Nation innue, qui se trouve au nord du 56e parallèle. « Ce sera un voyage qui ressemble à ceux des Karavaniers, dit Richard Rémy, fondateur de l’agence. Nous allons descendre la rivière George pendant cinq jours, visiter des lieux occupés depuis 8000 ans, pour arriver en canots au campement d’été des Innus, où nous passerons avec eux un bon moment pour découvrir leur quotidien là-bas. »
Les voyages dans le Grand Nord pourraient devenir plus fréquents, notamment parce que Québec vient de débloquer 8 millions de dollars pour la création d’un incubateur-accélérateur de projets touristiques au nord du 49e parallèle. Sans compter la subvention Explore Québec, qui finance encore cette année 25 % des séjours d’au moins deux nuitées sur tout le territoire québécois… et que beaucoup aimeraient voir prolonger au-delà de la crise sanitaire.
Mais les circuits lancés pendant la pandémie survivront-ils à la réouverture des frontières ? Pierre Gaudreault, d’Aventure écotourisme Québec, n’en doute pas. « Quand les Québécois recommenceront à voyager ailleurs, ils feront de la place à des touristes étrangers. Avec ses grands espaces, le Canada devrait d’ailleurs tirer son épingle du jeu plus rapidement que d’autres destinations plus densément peuplées. »
La popularité grandissante des voyages dans la nature québécoise pose bien entendu certains défis. « La pandémie a amené une clientèle néophyte, qui est moins sensible à l’environnement, notamment dans les parcs régionaux, poursuit M. Gaudreault, qui travaille aussi pour l’association Parcs régionaux du Québec. Il va sans doute falloir mieux éduquer les gens, surtout pour la pratique libre… »
Loin des foules, près des gens
La croissance du tourisme semblait sans fin avant la pandémie, ce qui ne rendait pas les voyages toujours plus agréables. Certaines destinations très populaires n’ont d’ailleurs pas envie de renouer avec les foules d’autrefois.
Amsterdam, l’une des villes les plus touchées par le « surtourisme », a tenté d’interdire les locations d’appartements pour de courts séjours (de type Airbnb) sur une bonne partie de son territoire, l’été dernier. Un tribunal a annulé la mesure, mais la municipalité promet de revenir à la charge.
Avec plus de 20 millions de touristes pour 50 000 habitants selon certaines estimations, Venise est une autre destination où les visiteurs ont joué du coude ces dernières années. La « Sérenissime » cherche aussi des solutions. Elle a ainsi banni les grands bateaux de croisière de ses rives en mars, mis sur pied un vaste système de surveillance électronique des touristes et va exiger un droit d’entrée sur son territoire dès 2022.
Les effets néfastes du tourisme de masse se sont aussi fait sentir ici, notamment dans le Vieux-Québec, qui est parfois pris d’assaut par les voyageurs. Pas question toutefois d’y interdire les navires de croisière, au contraire. « Des croisières, on en veut encore ! dit Éric Bilodeau, de l’Office de tourisme de Québec. Nous avons même un deuxième terminal qui est prêt, mais le désengorgement du Vieux-Québec, de la place Royale notamment, on y réfléchit… »
Québec veut convaincre les visiteurs de sortir de la vieille ville.
Le quartier Saint-Roch, par exemple, mérite d’être vu comme le Vieux-Québec. On a aussi aménagé des places éphémères ailleurs en ville pour encourager les touristes à aller à la rencontre des gens d’ici qui s’y réunissent.
Éric Bilodeau, de l’Office de tourisme de Québec
À Amsterdam, le mouvement Reinvent Tourism pousse la stratégie un peu plus loin. Il organise des « mariages » d’un jour entre citoyens et visiteurs, avec une cérémonie suivie d’une longue visite guidée entre « mariés » dans des quartiers moins touristiques. Parmi les activités proposées : le ramassage des déchets dans des canaux. Étrange ? Peut-être, mais l’objectif est de susciter des rencontres significatives entre citoyens et visiteurs. Et de permettre aux touristes de contribuer au bien-être de la destination. Ailleurs, ce tourisme « contributif », populaire surtout auprès des jeunes adultes qui cherchent à faire des rencontres et à donner un sens à leur voyage, se manifeste dans des opérations de nettoyage des plages, des océans ou des sentiers de montagne et de jardinage urbain…
Télétravail et voyages au long cours
Avant la pandémie, le tourisme a mis à mal l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, ont rappelé les Nations unies dans une note sur l’avenir du voyage publiée l’été dernier. Si elle veut contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, l’industrie touristique ne doit donc pas retrouver ses émissions de carbone pré-covidiennes. Des voix de plus en plus nombreuses réclament l’adoption de taxes vertes sur les billets d’avion pour compenser les émissions. Le conseiller principal en environnement d’Air New Zealand, Sir Jonathon Porritt, a récemment déclaré que cette mesure mettrait fin à un tourisme « irréfléchi et insouciant ».
La mesure ne fait pas que des heureux, et pourrait favoriser indûment les plus riches, qui n’auront aucun mal à payer quelques centaines de dollars de plus pour un voyage à l’autre bout du monde. N’empêche, selon un sondage de la Chaire de tourisme Transat, un voyageur québécois sur deux se dit prêt à modifier ses pratiques pour réduire son empreinte carbone. De plus, un répondant sur trois dit porter davantage attention aux pratiques durables des prestataires touristiques depuis l’apparition du coronavirus.
On voit que les gens font du chemin sur les questions environnementales et réalisent l’impact de leurs choix en tant que touristes.
Alexandra St-Michel, directrice des opérations de la Chaire de tourisme Transat
L’une des solutions mises de l’avant est de faire de plus longs séjours à l’étranger. Rester un mois à destination pour l’explorer à fond plutôt que de faire trois ou quatre voyages par an, voilà qui permet de réduire considérablement l’impact du transport aérien, responsable de 2 % de toutes les émissions de dioxyde de carbone, selon le Forum économique mondial.
Et en généralisant le télétravail là où il est possible, la pandémie a sur ce point peut-être simplifié les choses pour beaucoup de voyageurs. « Je pense que nous allons commencer à voir les gens être plus créatifs sur la façon dont ils pensent travailler à partir de n’importe quelle maison […] ou à partir de n’importe quelle destination », a déclaré au Washington Post Jeff Hurst, président de l’entreprise de locations touristiques Vrbo.
De nombreux pays ont flairé la bonne affaire. Parmi eux, les Bermudes, la Barbade, le Mexique, le Costa Rica et Dubaï proposent maintenant des visas de télétravail, en général valides pour un ou deux ans, afin d’attirer les travailleurs étrangers. Mais un visa touristique normal suffit à faire du télétravail pendant quelques semaines dans l’ensemble des destinations. À condition, bien sûr, que les voyages redeviennent sécuritaires…