Quand la pandémie a été déclarée, en mars dernier, la famille Sanchez Valero préparait depuis des mois un voyage d’un an autour du monde. La COVID-19 les a forcés à détricoter l’itinéraire prévu, mais qu’à cela ne tienne, les Montréalais ont décidé de partir quand même. Rencontre avec une famille pour qui abandonner le rêve d’une vie n’était pas une option.

Ils avaient prévu de voir la Grèce, Israël, la Zambie, le Kenya, la Thaïlande... Lorsqu’ils ont quitté le Québec, le 3 juillet, seule la Grèce était encore une certitude dans l’itinéraire criblé de points d’interrogation de Samuel et Caroline Sanchez Valero et de leurs trois fils, Enzo, Noah et Jolan, respectivement âgés de 11, 7 et 4 ans.

Car avec les fermetures de frontières, les contraintes sanitaires et les quarantaines imposées par plusieurs pays, c’est l’itinéraire en entier qui a été chamboulé, à l’exception de la Grèce, plus ouverte au tourisme.

« Notre objectif reste de faire le tour du monde et de voir les cinq continents », raconte Caroline Sanchez Valero.

Il y avait des destinations auxquelles on tenait beaucoup, mais il a fallu lâcher du lest et se dire : on verra. Maintenant, l’important est de partir, peu importe la destination.

Caroline Sanchez Valero

Il faut dire que ce projet leur tient à cœur « depuis toujours » et que, depuis la naissance du benjamin, ils ont identifié 2020-2021 comme la meilleure fenêtre possible pour réaliser leur rêve. « Le dernier a acquis de l’autonomie et l’aîné est encore “très famille”, il n’est pas trop dans l’adolescence », explique Samuel.

Au chapitre professionnel, ils ont aussi prévu depuis longtemps cette absence de longue durée. Lui a monté une équipe pour prendre soin de sa clientèle de courtier immobilier ; elle a pris, il y a quelques mois déjà, une pause dans son travail en développement durable pour se consacrer à la planification et la logistique d’un voyage à cinq. Des mesures ont aussi été prises pour faire l’école à distance avec les deux plus vieux…

Une expérience en famille

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Bien entendu, avec la pandémie, les préparatifs ont été jalonnés de petits deuils et de beaucoup d’incertitude.

Difficile, dans pareilles circonstances, de reculer et, de toute façon, l’arrivée du coronavirus n’a pas tiédi leur désir brûlant de partir. « Annuler ? On n’y a jamais songé. Pour nous, l’essentiel reste de vivre un moment en famille, de sortir de notre quotidien et de montrer aux enfants autre chose que leur réalité montréalaise de privilégiés, explique le père de famille. On a la chance d’avoir un double passeport avec la France qui nous permet d’entrer plus facilement en Union européenne. Si c’est impossible de faire un tour du monde, on fera un tour d’Europe. Si les frontières européennes se referment, on fera un tour de France ! Ce qui compte, c’est la parenthèse familiale et tant pis si on force les choses un peu. »

Parce qu’ils ont décidé de voir le verre à moitié plein, ils croient que la situation tournera à leur avantage, peu importe le lieu où ils poseront leurs valises. « Comme il y aura sans doute moins de touristes, nous pourrons vivre un contact privilégié, plus authentique, avec les gens. En plus, Caroline et moi sommes très organisés dans la vie. La situation nous oblige à voir les choses différemment. On doit désormais faire preuve de plus de flexibilité, ce qui est plus en lien avec l’esprit du voyage qu’on recherche. »

N’empêche, les préparatifs ont été jalonnés de petits deuils et de beaucoup d’incertitude. « Une semaine, trois de nos vols ont été annulés, raconte Caroline. On avait réservé des hébergements en Grèce et en Israël qu’on a dû annuler. On a changé de compagnies aériennes pour ne plus prendre de low-cost, car avec la crise, on ne sait pas qui sera encore en activité dans six mois. Il a fallu déconstruire, dans notre tête et dans la réalité, ce qu’on avait mis des mois à planifier... On a vécu des vraies montagnes russes ! »

Samuel Sanchez Valero ajoute : « Le négatif dans tout ça, c’est que j’ai l’impression qu’on nous a volé l’euphorie de la préparation et qu’elle a été remplacée par du stress et un monitoring constant des règles gouvernementales. »

S’ils partent « complètement déconnectés » — pas de compte Instagram, pas de blogue —, ils vont tout de même devoir rester à l’affût de l’actualité dans les pays qu’ils espèrent toujours visiter. « Lors des trois premiers mois du voyage, l’incertitude sera plus grande, c’est certain. Est-ce qu’il va y avoir une deuxième vague ? Si oui, quels seront les effets ? On va continuer à consulter les médias locaux pour se tenir au courant. Les règles en vigueur dans les différents pays, comme l’obligation de se mettre en quarantaine, vont influencer nos décisions. »

Bref, ils sont partis, sans savoir où le voyage allait les mener. C’est peut-être, au fond, la plus belle façon de voyager...