Venant à peine de terminer son « Projet » — un tour du monde quasi exhaustif collectionnant sites classés, exploits et sommets comme des trophées — , le baroudeur Bruno Rodi s’est lancé dans un autre type d’aventure : la publication du livre Globe-trotter des extrêmes dans lequel, par le truchement de la plume de l’auteure Sonia Sarfati, il narre les moments forts de 17 ans de voyages et défis.

Vous pourriez évoquer n’importe quel séjour ou activité à l’étranger, Bruno Rodi répondrait très probablement : « Je l’ai déjà fait. » Pour lui, les voyages, c’est un enchaînement de destinations et de prouesses, classant chaque « dossier » pour mieux passer au suivant. Au départ, l’idée consistait à visiter tous les sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais de fil en aiguille, le programme s’est étoffé de toutes sortes de défis : gravir les sept sommets les plus hauts de chaque continent (y compris, a fortiori, le mont Everest), visiter les sept points les plus bas de la planète, les merveilles du monde antique et contemporain, explorer les pôles ; mais aussi suivre le circuit du Tour de France et du Dakar, monter à bord du Transsibérien, puis descendre les grandes rivières… on en passe et des milliers.

Une fois toutes les cases cochées et tous les pays et territoires imaginables écumés, les récits et photographies tirés de la plus touffue des Bucket List ont fini par atterrir sur papier, transposés par Sonia Sarfati. « J’étais heureux que ce soit une femme, ça a apporté une autre sensibilité au projet », souligne Bruno Rodi, qui confesse ne pas avoir les talents d’un écrivain (« En m’investissant, je pourrais y arriver ! », assure toutefois l’ambitieux entrepreneur).

Au gré des mots et photos, on suit le cours de ces périples frisant parfois la folie douce (il a dû être escorté par 12 gardes du corps pour pouvoir admirer des peintures rupestres en Somalie) et laissant toujours rêveur. Pour autant, c’est sous le signe de l’efficacité, plutôt que celui de la bohème, que navigue l’homme d’affaires en immobilier. 

Quand j’atterris dans un pays, j’ai un programme bien précis “à exécuter”, et je le fais, de façon assez cartésienne. Je me suis aussi imposé la discipline de lire un livre par site visité.

Bruno Rodi

Ce projet, « ç’a été un travail, et il m’a demandé toute mon énergie », lit-on dans Globe-trotter des extrêmes.

Certains baroudeurs seraient rebutés par un tel protocole de voyage, mais pour Bruno Rodi, c’est davantage un stimulant. « J’aime ça, ne pas décrocher et être actif dès mon réveil. On a chacun nos façons, et celle-ci est la mienne », répond celui qui a effectué la plupart de ses périples entre 45 et 62 ans, libéré des contraintes familiales et profitant de l’autogestion de son agenda d’entrepreneur.

Désirs en suspens

À la lecture de ces aventures haletantes, réalisées avec tous les moyens de transport possibles et imaginables, on constate que M. Rodi a bien fait du chemin depuis l’immigration de ses parents italiens au Québec dans les années 60 — ses racines étant d’ailleurs exposées en début de récit. Inévitablement, on pense au coût de telles explorations. 

« Oui, ça prend un budget, mais surtout de l’organisation », assure le globe-trotter.

Quelqu’un avec moins de moyens pourrait-il faire la même chose ? Un gros oui. C’est possible, peut-être différemment, et sans que ce soit aussi vaste, en choisissant par exemple d’autres moyens de transport. Au lieu de prendre un superyacht pour rejoindre une île, tu le fais en pirogue.

Bruno Rodi

En outre, on ne peut s’empêcher de se demander quelle corde peut bien manquer à l’arc de celui qui a presque tout vu et tout vécu. Dans son livre, il évoque quelques désirs inassouvis, comme une traversée de la Manche ou d’un océan à la rame, ou encore l’accomplissement d’un Spartathon (une course de 246 kilomètres entre Athènes et Sparte). « J’aimerais le faire, mais vais-je y arriver ? Je ne sais pas. Je me fais vieux. Et à ce temps-ci, ça a moins d’importance », philosophe-t-il, conseillant aux jeunes de coucher sur papier leurs rêves très tôt dans leur vie.

Serait-il alors prêt à remarcher dans ses propres traces ? Nous lui avons demandé quelle aventure il aimerait revivre, s’il ne lui restait qu’une semaine avant son dernier souffle. Réponse déroutante du routard : « Je veux passer cette semaine avec mes petits-enfants. C’est ce qui m’a manqué le plus. »

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA PRESSE

Globe-trotter des extrêmes raconte le « Projet » de Bruno Rodi avec une approche biographique. 

Globe-trotter des extrêmes, de Bruno Rodi et Sonia Sarfati. Éditions La Presse, 309 pages