Extrême, démesurée, sauvage, la Patagonie occupe une grande partie de l'Argentine, du sud de Buenos Aires jusqu'à l'extrémité de la Terre de Feu. Dans ce bout du monde, des surprises : glaciers fabuleux, eaux turquoise, inoubliables manchots et paysages contrastés.

Au pays des manchots

« Ceda el paso al pingüino. » Peu importe la langue, le message sur le panneau de signalisation est sans équivoque : cédez le passage aux manchots.

Le long sentier qui traverse la réserve de Punta Tombo est bien balisé. Mais les manchots de Magellan ont manifestement appris qu'ils ont la priorité. Ils s'y arrêtent souvent de longs moments pour observer les touristes charmés par leur présence. Ils se prêtent volontiers aux photos et vidéos. Mais prière de ne pas toucher. Coups de bec douloureux.

Créée en 1979 dans le but de protéger les oiseaux des promoteurs d'un projet visant à en vendre la viande, faire de l'huile et même fabriquer des gants de golf, la réserve de Punta Tombo est l'une des rares colonies de manchots au monde accessibles en voiture. C'est aussi le plus important lieu de nidification de l'espèce. Cette année, à la fin du mois de janvier, on y comptait autour de 215 000 couples qui dorlotaient leurs deux gros poussins duveteux et pleurnichards, mais mignons à croquer. Seul le sifflement constant du vent atténuait les cris insistants des oiseaux.

À tour de rôle, chaque parent séjourne en mer quelques jours pour capturer la pitance des rejetons affamés. Du haut de leurs 60 cm, les manchots doivent parfois se dandiner sur plus de 1 km entre leur nid et la mer, une tâche éreintante quand la température atteint 30 ºC. La chaleur est l'une des causes de mortalité dans la colonie. Monogames, les parents nichent dans un terrier souvent situé sous un buisson, le même année après année, habituellement à quelques mètres les uns des autres.

En dépit de la grande aridité des lieux, la colonie abrite aussi une faune diversifiée. Il est fréquent de voir des guanacos, un cousin du lama, de même que des nandous, une réplique un peu moins grande de l'autruche africaine. Une scène presque surréaliste.

Où ?

La réserve de Punta Tombo est hors des circuits touristiques les plus populaires. Il faut d'abord se rendre en avion à Trelew, à 1200 km au sud de Buenos Aires. Vol régulier d'Aerolinas Argentinas. Fait à noter: les touristes étrangers peuvent acheter des billets au rabais sur l'internet pour voyager à l'intérieur du pays. La colonie est située à 110 km au sud de Trelew.

Comment s'y rendre ?

• Faites affaire avec une agence de voyages du Québec ou prenez contact avec un des voyagistes de Puerto Madryn (près de Trelew) pour organiser votre séjour.

• Si vous disposez de deux ou trois jours, louez une voiture à l'aéroport pour vous rendre sur place. Puis profitez du séjour pour visiter la péninsule de Valdès, au nord, où se prélassent les otaries et les éléphants de mer. Les très populaires baleines franches s'y donnent rendez-vous de juillet à décembre.

• Attention ! Les guichets automatiques de Trelew ont tous refusé nos cartes de débit ou de crédit. Il a fallu se rendre à Puerto Madryn pour obtenir des devises.

Quand y aller ?

Après avoir migré au sud du Brésil, les manchots mâles arrivent à Punta Tombo au début du mois de septembre. Les femelles arrivent ensuite. La ponte a lieu à la fin du mois de septembre ou du mois d'octobre et l'éclosion, en novembre. Les manchots quittent la réserve vers la mi-avril.

PHOTO PIERRE GINGRAS, LA PRESSE

Les manchots de Punta Tombo se laissent volontiers prendre en photo, mais gare aux touristes qui se risqueraient à les toucherL un douloureux coup de bec les attend.

Un oiseau fascinant

On compte dans le monde 17 espèces de manchots qui vivent tous dans l'hémisphère austral. Ils doivent leur nom à leurs ailes partiellement atrophiées.

• Le manchot de Magellan est présent sur les côtes du Pérou, du Chili, du Brésil et de l'Argentine. Il a été signalé pour la première fois par le grand explorateur portugais du XVIe siècle.

• Se nourrit de petits poissons et de calmars. Poids : 5 kg ; longévité : 20 ans.

• Effectue des migrations dépassant les 1000 km.

• Population en déclin en raison du pétrole rejeté lors du nettoyage des cales des pétroliers, des captures accidentelles dans les filets de pêche et de la surpêche.

La ville la plus au sud de la planète

Du haut des airs, le contraste est frappant. Avec ses hautes montagnes et l'omniprésence de la mer, la Terre de Feu délaisse le manteau grisâtre de la steppe et se met à verdir en été. La forêt apparaît progressivement.

Une nouvelle Patagonie s'offre à nos yeux, celle du bout du monde. Ushuaia est la ville la plus au sud de la planète, plus encore que Le Cap, en Afrique du Sud. Mais ici, le terme « sud » n'est pas synonyme de chaleur. À notre arrivée, à la fin du mois de janvier, en plein coeur de l'été austral, le thermomètre marquait 6 ºC et le vent soufflait impétueusement. Pas de quoi déranger les conures de Magellan réfugiées dans un arbre, ces perroquets résidants permanents. Normalement, les températures vont de 12 à 15 ºC à cette époque de l'année. Il faut dire que nous sommes deux fois plus près de l'Antarctique que de la capitale Buenos Aires.

Premier contact plutôt froid, mais impossible de ne pas tomber sous le charme de cette ville portuaire aux jolies maisons de style nordique lovées au pied de hautes montagnes coiffées d'une jolie tuque blanche. Ushuaia est la capitale de la province de Tierra del Fuego, une immense île partagée du nord au sud entre le Chili et l'Argentine et comptant 70 000 habitants. C'est de là que partent toutes les excursions vers l'Antarctique.

L'été, on y vient pour la randonnée, le parc national Tierra del Fuego, les excursions sur le canal Beagle, dont le nom vient du célèbre bateau Beagle qui est passé par ici alors qu'il emmenait Darwin vers les îles Galapagos. De juin à octobre, Ushuaia devient une ville de sports d'hiver prisée par les Argentins et les Brésiliens : on y pratique le ski alpin, la planche, le ski de fond et même le hockey. La neige est souvent très abondante dans la région, mais le mercure dégringole rarement en dessous des -10 ºC.

Le grand centre de ski se nomme d'ailleurs Cerro Castor, une façon de se rappeler que les 25 couples de castors importés du Canada en 1946 ont proliféré, faute de prédateurs. On en compterait aujourd'hui 200 000. Ils sont devenus une véritable plaie en Patagonie, notamment dans le parc national tout près, en dépit des efforts d'éradication du Chili et de l'Argentine.

PHOTO THINKSTOCK

Ushuaia est la ville la plus australe du monde.

Quelques attraits à découvrir dans la région d'Ushuaia

Le Canal Beagle

Paysage époustouflant. Une tournée sur le canal vous mènera à l'Isla Martilla pour admirer la colonie de manchots (manchot de Magellan, manchot papou et le spectaculaire manchot royal). On ne peut cependant y débarquer. L'excursion permet aussi de voir quelques colonies d'oiseaux ou de mammifères marins de même que le village de Puerto Williams, au Chili. La société Catamaranes Canoero offre un excellent service.

Le Parc national Tierra del Fuego



De nombreux voyagistes offrent des excursions de toutes sortes dans le parc. Nous avons choisi le Canal Fun, une entreprise locale : randonnée de trois heures sur les sentiers forestiers bordant la mer, suivie d'un excellent lunch chaud dans une tente et d'une petite descente de rivière en canot pneumatique. Guide jovial et intéressant qui nous montre les vestiges archéologiques des Yamanas qui occupaient jadis la région. Le plus incroyable est qu'ils vivaient nus en dépit du temps froid et de l'eau glaciale, le corps enduit de graisse.

La Estancia Harberton

Grand domaine privé, la première ferme de la Terre de Feu, où l'on trouve notamment un jardin réputé, un musée, un resto et des sentiers.

Les musées

Ushuaia compte quelques musées, dont le magnifique Museo maritimo construit à même une prison désaffectée, et quelques bons restos comme la Casa de Los Mariscos ou chez Lola.

PHOTO THINKSTOCK

Une tournée sur le canal Beagle vous mènera à l'Isla Martilla pour admirer la colonie de manchots. 

Le parc des Glaciers, merveille du monde!

Décrit comme l'une des merveilles du monde, El Parque de las Glaciares (le parc des Glaciers) est l'une des destinations les plus populaires d'Argentine. Situé à la frontière des Andes chiliennes, à plus de 2000 km au sud-ouest de Buenos Aires, consacré patrimoine mondial, le parc compte 47 grands glaciers et des dizaines d'autres, mais 3 d'entre eux attirent la plupart des visiteurs. Visite en quatre temps de la troisième réserve d'eau douce du monde après l'Antarctique et le Groenland.

El Calafate



Point de départ pour visiter les glaciers. Située sur le bord du lac Argentino avec les Andes à l'horizon, la jolie ville jouit d'une température agréable toute l'année et affiche une joyeuse ambiance. Appréciée des amateurs d'oiseaux, elle accueille sur ses rives flamants roses, cygnes noirs et beaucoup d'autres espèces. On y propose d'ailleurs un circuit ornithologique facilement accessible. El Calafate doit son nom au petit fruit bleu du même nom. Les visiteurs qui se rendent aux glaciers l'été sont parfois invités à descendre de l'autobus quelques minutes pour faire une petite cueillette.

Lago Argentino

D'une longueur de 125 km et d'une superficie de 1400 km2, Lago Argentino est le plus grand lac d'Argentine et le troisième en importance en Amérique du Sud. Sa profondeur atteint parfois les 500 m. Sa couleur turquoise est attribuable à l'eau des glaciers qui viennent s'y tremper les pieds. Il se jette dans l'Atlantique. L'endroit est aussi réputé pour la pêche sportive. On y trouve même de la « trucha canadiense », du touladi.

Perito Moreno

En raison de sa grande accessibilité, le glacier Perito Moreno est le plus populaire du Parque de los Glaciares. On s'y rend en autobus (78 km d'El Calafate), mais il faut faire une petite balade en bateau pour en mesurer toute la splendeur. Un des rares glaciers au monde qui ne reculent pas. Il s'étend sur 250 km2 et son front de 5 km de longueur atteint 70 m de hauteur. Il émet régulièrement des craquements parfois aussi puissants que des coups de canon. Les nombreux morceaux de glace qui s'en détachent tombent à l'eau dans un fracas épouvantable. De quoi ravir le touriste le plus exigeant. Ce phénomène atteint son apothéose tous les quatre ans. C'était le 10 mars dernier.

Upsala et Spegazzini

Ces deux glaciers sont accessibles par bateau, une excursion fort agréable d'environ cinq ou six heures sur le Lago Argentino. Tous deux sont en processus de retrait. Si on peut s'approcher très près du Spegazzini, les abords du gigantesque l'Upsala sont dangereux, d'autant plus qu'il donne naissance à d'innombrables icebergs souvent de très grandes dimensions. Naviguer au milieu d'un défilé d'icebergs sur un lac, au milieu d'un paysage extrêmement aride, est un impérissable souvenir.

PHOTO THINKSTOCK

Le glacier Spegazzini peut être admiré à partir d'un bateau.