Enfant, Mathieu Dupuis souffre de la maladie coeliaque (allergie au gluten) non diagnostiquée. Affaibli, il s'absente constamment de l'école et passe ses journées la maison. Pour écouler le temps, il plonge dans la lecture de revues comme le National Geographic. C'est ainsi que naît sa passion pour la photographie de voyage.

Aujourd'hui âgé de 29 ans et en pleine forme, M. Dupuis est l'un des photographes de voyage les mieux cotés du Québec. En plus de figurer dans trois livres remarqués, ses photos illustrent de nombreuses campagnes publicitaires, dont celles de Tourisme Québec et de la SEPAQ, tout en se retrouvant à la une de plusieurs magazines. Ce succès, il l'attribue à son travail acharné et à son parcours inusité.

«En sortant du collège, diplôme en poche, je n'arrivais pas à me trouver du boulot. Je suis donc retourné vivre chez mes parents à Rouyn-Noranda pour parcourir ma région, appareil au poing», raconte-t-il. Loin de chômer, il se lève tous les jours à 3 h du matin pour croquer les plus beaux paysages de son coin de pays. «Je dormais dans mon jeep et j'attendais le moment parfait», dit-il.

Photo: Éric Saint-Pierre, collaboration spéciale

Nantene Konaté, membre de la coopérative des productrices de karité de Siby, au Mali, ramasse les noix de karité qui ont séché au soleil.

Cette quête photographique, dont l'objectif est de révéler aux Québécois toute la splendeur de cette région méconnue et dénigrée, aboutit à la publication, en 2006, d'un livre exemplaire, Abitibi-Témiscamingue, vendu à plus de 13 000 exemplaires. Tourbière dans la brume, billots de bois émergeant de l'eau sous les derniers rayons du crépuscule, pâturage perdu dans l'immensité, sous le regard de M. Dupuis, l'Abitibi devient la terre promise. Le chasseur d'images remet ensuite ça avec deux autres titres: Le Québec au fil de l'eau, son hommage à l'or bleu, et La Baie-James des uns et des autres, avec les auteurs François Huot et Jean Désy.

Son truc pour vivre de sa passion: combiner projets d'entreprise et projets personnels. «En échange de photos, on arrive toujours à convaincre un pilote d'hélicoptère de dévier de sa trajectoire...» dit-il. Après une décennie de photographie de paysages, M. Dupuis travaille maintenant sur un livre portant sur sa vision des grandes villes d'Amérique du Nord. Ça promet.

De la photographie équitable

Photo: Éric Saint-Pierre, collaboration spéciale

Artisane des savons Sacred Mark, à Mymensing au Bangladesh.

Éric Saint-Pierre travaille dans un tout autre registre. Ce photographe de 39 ans, qui a déjà bossé pour La Presse, voyage depuis 15 ans partout dans le monde pour dépeindre la réalité du commerce équitable. Son troisième et plus récent livre, Tour du monde équitable, est le fruit de 8 ans de rencontres avec 25 producteurs de 15 pays différents.

«Mon objectif n'est pas seulement de susciter des émotions, mais aussi d'en faire un outil d'éducation du public sur le commerce équitable», dit ce photojournaliste, père de trois jeunes enfants. Ses portraits de paysans à l'oeuvre pour produire du café, du quinoa et du guarana sont éblouissants. «Je prends les gens sur le vif. Pour y arriver, je m'installe chez les producteurs pendant au moins un mois et je partage leur quotidien», dit-il.

Pour pratiquer son mode de vie nomade, il se dit prêt à des sacrifices financiers. «Si vous êtes capable de vivre avec les impondérables et sans la grosse voiture, c'est le plus beau métier du monde», clame-t-il. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne rêve pas, parfois, d'un travail stable et de congés payés. «Mais avec du 9 à 5, je n'aurais jamais vécu les expériences que j'ai vécues», conclut-il.

Vue du ciel

Photo: Éric Saint-Pierre, collaboration spéciale

En plus de figurer dans trois livres remarqués, les photos de Mathieu Dupuis illustrent de nombreuses campagnes publicitaires, dont celles de Tourisme Québec et de la SEPAQ.

Bien avant Yann Arthus-Bertrand, célèbre pour son ouvrage La Terre vue du ciel paru en 1999, l'historien Pierre Lahoud trimballait son appareil dans les avions pour photographier le Québec. À preuve, son premier livre, Québec à ciel ouvert, est publié en 1986. «Ça fait maintenant 30 ans que je fais de la photographie aérienne et je ne m'en lasse jamais. À chaque vol, l'excitation revient», dit ce fonctionnaire à la retraite.

Compliquée, la photo en altitude? Oh que oui. «En plus des coûts élevés pour la location d'appareils, il faut composer avec les éléments naturels: turbulence de l'air due à la chaleur, vent, pluie, brume, etc. Résultat: il n'y a qu'une vingtaine de jours par année où les conditions sont optimales pour faire de la bonne photo», dit cet homme de 58 ans. Qui plus est, les cachets ne lui permettent pas de vivre de sa passion. «Ça adoucit seulement la facture!» dit-il.

Spectaculaires et oniriques, les photos de M. Lahoud dressent aussi un portrait de l'évolution du territoire au fil du temps. «C'est hallucinant de voir les effets de l'érosion sur les berges du Saint-Laurent», fait-il remarquer. Sa banque d'images compte 300 000 diapositives, un trésor qu'il léguera aux Archives nationales. Pour n'en admirer qu'une infime partie, on consulte la dizaine d'ouvrages sur le Québec que ce photographe a publiés avec son fidèle complice, le géographe émérite Henri Dorion.

Photo: Mathieu Dupuis, collaboration spéciale

Après une décennie de photographie de paysages, Mathieu Dupuis travaille sur un livre portant sur sa vision des grandes villes d'Amérique du Nord.

Ils ont publié

Mathieu Dupuis

Abitibi-Témiscamingue, éditions de l'Homme, 2006, 226 pages

Pierre Lahoud

La Gaspésie vue du ciel, éditions de l'Homme, 2009, 210 pages

Éric Saint-Pierre

Tour du monde équitable, éditions de l'Homme, 2010, 240 pages

Photo: Pierre Lahoud, collaboration spéciale

La rivière Moisie, au Québec.