Un accident de ski dans la station touristique de Vail, au Colorado, m'a permis de me payer - c'est le cas de le dire - une petite incursion dans le système de santé américain. Ce que j'y ai découvert a été des plus hallucinants.

Mon problème: un poignet douloureux à la suite d'une banale chute en ski, incident attribuable à une grande fatigue. La douleur n'a rien d'épouvantable, mais le lendemain de l'accident, j'ai de la difficulté à bouger mes doigts. Est-ce que j'ai une fracture? La seule façon d'en avoir le coeur net, c'est de me rendre à l'hôpital.

 

Ça tombe bien. À deux minutes d'autobus de mon hôtel, on retrouve le luxueux Vail Valley Medical Center, spécialisé en médecine sportive. À première vue, ça ressemble exactement à ce que j'imagine d'un hôpital américain. C'est beau, propre et moderne. À l'intérieur, tout le monde semble relax, hyper-relax devrais-je dire. Quant aux urgences, elles sont désertes. Totalement désertes. Pas une seule chaise dans la salle d'attente n'est occupée. Des patients sur une civière? Aucun. Coudonc, suis-je le seul à prendre des débarques en ski?

Sur le tableau électronique bien en vue à l'admission, c'est indiqué qu'ils servent présentement le numéro 90. Je tire sur la languette du distributeur de numéros et j'attrape... le 91! Je n'en crois pas mes yeux! Une fraction de seconde plus tard, c'est à mon tour.

Le préposé à la réception ne prend que quelques secondes pour remplir mon dossier. Dès que c'est terminé, je n'ai pas le temps de me lever de mon siège que l'infirmière m'appelle. Je commence alors à me sentir bousculé. Quoi, même pas le temps de lire un livre avant de passer au centre de tri? C'est quoi, ces manières-là? Aussitôt, l'infirmière m'envoie à la radiologie. Ou plutôt, c'est le département de radiologie qui se présente à moi, avec un appareil de radiographie portatif. Du jamais vu!

Quand le docteur vient me voir, ça fait 10 minutes que j'ai mis les pieds à l'hôpital. Pendant l'analyse des radios, j'observe les lieux. L'atmosphère est à cent mille lieues de celle des hôpitaux québécois. Les infirmières ne semblent pas au bord de la crise de nerfs et certaines, à tour de rôle, essaient de me parler français. Je suis traité aux petits oignons. Je ne me sens nullement comme un quémandeur de services.

Après le rêve, le cauchemar

Puis, je reçois mon verdict: pas de fracture. Youppi! Puis-je m'en aller? Wait a minute. Il faut attendre le «paperwork», comme ils disent. Une demi-heure à ne rien faire. Puis, un homme surgit de nulle part et m'aborde d'un ton sec: «So, how would you afford that?» Même si j'ai déjà indiqué au préposé à l'admission que j'avais une assurance voyage, il doute. C'est clair: le travail du monsieur est de s'assurer qu'on a les moyens de payer.

Une autre demi-heure plus tard, je reçois finalement le «paperwork» et je passe à la caisse. Le même monsieur pas très sympathique me présente la première facture: 590 $US. Ouache! Mais il me prévient. Ça n'inclut pas tout. Pardon? «No, there's always other things», me prévient-il. Pourtant, la facture indique la prise de trois rayons X et la consultation d'un médecin. Que peuvent-ils facturer de plus? Espèrent-ils un pourboire?

Deux minutes plus tard, une seconde facture sort de l'imprimante. La somme finale a doublé. Juste à y penser, ça fait mal. Voici les détails: 67 $US pour une attelle de l'avant-bras; 152 $US pour les trois photos de mon poignet; 423 $US pour la consultation d'un médecin - pour environ 10 minutes de travail - et une pénalité de 371 $US parce que je suis passé par les urgences!!! Total: 1013 $US. Ayoye! Dire qu'au Québec, on s'insurge contre l'imposition d'un ticket modérateur à 10 $.

La morale de cette histoire: au pays de l'oncle Sam, les factures sont encore plus douloureuses que les fractures! Toutefois, dans ma malchance, je me considère néanmoins chanceux: j'ai une assurance voyage, alors qu'aux États-Unis, 50 millions d'Américains n'ont aucune couverture médicale. Hallucinant.