Mon Québec à moi, il n'est pas de rivières, d'avenue du Mont-Royal, de sirop d'érable ou de matins à -25 degrés. Il est en chair et en os. Le plus souvent, il est jeune et se balade du côté de l'Asie, sac au dos. Et il s'appelle Charles, Geneviève, Jo, Marc-Antoine, Annick, Patrice, JP, Marie, Jonathan, Olivier, Francis, Brian, Louis, Karine, Karine, Karine, ou Véro...

Je le dis jeune, mais ce n'est quand même pas le poids des années qui l'arrête ! Il est aussi parfois fonctionnaire à la retraite ou vieux hippie en goguette. Il a laissé les grands enfants à la maison, s'est moqué des qu'en-dira-t-on, et il a pris la poudre d'escampette ! Alors, il est Georges et Madone, Gyslène, Jean-Pierre ou

Ginette...

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Connaissez-vous le Québec touristique

La question que je me pose aujourd'hui, mon cher Québec : qu'est-ce que tu fabriques entre 30 ans et 60 ans ? Tu ne bouges plus ? Est-ce que ton boulot te passionne à ce point ? Sais-tu que tu peux aussi être payé en yens, en birrs ou en roupies ? Aurais-tu une crainte soudaine de l'étranger ? Te serais-tu remis à faire des bébés ? Te serais-tu acheté un truc que tu n'es pas capable de payer ? Est-ce que tu t'en colles pour tes vieux jours ? Hum... Avec le réchauffement, j'ai bien peur que les vieux jours, ça ne soit maintenant ! À visiter au p.c. : les pôles, Funafuti et le delta des Sundarbans ! Et pour tous ceux qui croient encore que « le voyage, c'est pour les autres », laissez-moi corriger le tir : il n'y a pas d'exceptions, il n'y a que des moyens exceptionnels...

Quoi qu'il en soit, sur la route, il aime faire la fête, mon Québec à moi ! Je ne compte plus les soirs où il m'a gardé éveillé jusqu'aux petites heures, à parler de voyages, passés ou à venir, à jaser de visas, de beaux paysages, de malchances et de destinations préférées. Entre deux gorgées de chang, il me raconte la fois où le bateau s'est échoué sur un banc de sable, au milieu du Mékong ; le jour où un cobra s'est enroulé autour de son mollet ; ou le matin où son masque de plongée s'est brisé par 20 mètres de fond. Et il rit.

Parce qu'il aime rire, en ta !

Pour paraphraser Michel Tremblay, t'as beau sortir le Québécois du Québec, tu sors pas le Québec du Québécois ! Comment on reconnaît une bande de Québécois dans un bar, en Thaïlande ? C'est la gang, là-bas, au fond, qui a du fun ! J'écris Thaïlande, et ce n'est pas par hasard : la plupart du temps, je le rencontre à Bangkok, mon Québec. Faut croire qu'il s'y plaît. Y'a même certains soirs, durant les mois d'été, sur Soi Rambuttri, où on se croirait rue Saint-Denis !

Quel plaisir alors d'entendre, autour d'une même table, le Lac-Saint-Jean, la Beauce, le Saint-Jérôme, la Gaspésie... En dégustant du lap moo et de la tom ka gay ! Mon Québec à moi veut découvrir d'autres cultures, apprendre des langues et goûter autre chose, quitte à avoir peur, à s'égarer ou à faire des erreurs. Mon Québec à moi n'est pas le nombril du monde. Et il s'en accommode très bien.

Il est venu fumer la shisha et visiter la mosquée. Il rentre au pays avec l'adresse de Youssouf. Il se déchausse avant d'entrer au temple et accepte que de temps en temps, son plat chaud soit froid. Il arrive «insécure», comme l'escargot, avec son trois-et-demi sur le dos ; mais il revient toujours au bercail grandi, la tête pleine de nouveaux horizons et le coeur conquis. Demande spéciale? J'aimerais bien te croiser plus souvent en Afrique, mon ami. Il y a là-bas de beaux périples aussi...

Et autre chose importante : si un jour tu devais m'apercevoir «en vrai», au Laos ou au Brésil, seul ou avec d'autres, soûl ou dans un train, endormi ou en maillot de bain, surtout, ne te gêne pas pour venir me jaser ! Nous aurons toujours plein de belles choses à nous raconter, toi et moi. Mon Québec à moi.