La recette d'un livre de recettes? Il n'y en a pas. Surtout pour une auteure comme Meredith Erickson, cosignataire de Joe Beef - Survivre à l'apocalypse, dont le grand talent est justement d'entrer en symbiose totale avec son sujet, pour recréer l'unicité d'un univers avec ses mots toujours justes, colorés et parfaitement dans l'air du temps.

Le plus récent livre consacré à la bande du Joe Beef est le sixième livre en sept ans de Meredith Erickson. Comme L'art de vivre selon Joe Beef, l'ouvrage qui l'a lancée en 2011, le nouvel opus a été écrit à six mains, avec Frédéric Morin et David McMillan.

Entre les deux, il y a eu les «manifestes» des restaurants Le Pigeon et Olympia Provisions, du mythique hôtel londonien Claridge's et de la chef américaine Kristen Kish.

Meredith a travaillé avec Frédéric Morin et David McMillan pendant plusieurs années, d'abord au Globe (restaurant fermé en 2014), puis chez Joe Beef, où elle les a suivis, comme serveuse émérite. Parallèlement, elle travaillait au magazine Maisonneuve, un trimestriel intello traitant de sujets de société, d'art et de littérature.

«La manière dont on travaille, Fred, Dave et moi, c'est qu'on accroche un immense papier kraft vierge sur un mur. On y écrit toutes nos idées, les bonnes, les moins bonnes et les carrément mauvaises. Il finit par y en avoir à peu près 300. Et on élague, on élague, jusqu'à ce qu'il ne reste qu'environ 150 bonnes idées. Tout ce qu'il y a dans le livre est original. Ce sont toutes des recettes et des idées nouvelles, dont plusieurs s'inspirent de la cuisine française, bien sûr.»

«Je ne vois pas du tout l'intérêt de publier quelque chose qui existe déjà et dans lequel il n'y a pas des propositions nouvelles et différentes. Il y a tant de livres médiocres et sans intérêt sur le marché. À quoi ça sert, sinon à gaspiller du papier!»

«Je cherche toujours des moyens de plus en plus exigeants de composer des livres de cuisine, pour ne jamais faire de redite, poursuit-elle. Il y a vraiment beaucoup d'ingéniosité dans la cuisine du Joe Beef. Il faut qu'il y en ait autant dans les livres.»

Le deuxième opus devait contenir moins de recettes que le précédent, nous confie Meredith, mais finalement, il en contient presque le double du premier. Le supplément nommé «Le cellier» - dont Meredith est particulièrement fière - contient à lui seul 30 recettes de conserves.

«Survivre à l'apocalypse est un ouvrage beaucoup plus personnel. En 2015, lorsqu'on a commencé, on était tous les trois dans des situations assez difficiles, dans nos vies privées. Chacun vivait sa propre apocalypse. Et plus on pensait à l'apocalypse, plus on avait envie de cuisiner et de cuisiner encore. Si le livre a un message à véhiculer, ce serait celui-ci : quand l'apocalypse arrive, rien n'est plus important que d'être entouré de bonnes personnes et de continuer à bien manger.»

Prendre son temps

Chaque projet sur lequel Meredith travaille peut prendre trois ans avant d'être en librairie. «Tu sais, ce sentiment quand tu envoies ton manuscrit chez l'imprimeur et que tu n'es pas à 100 % satisfait?», lui a déjà demandé un autre auteur. Et elle de répondre du tac au tac: «Non, je ne connais pas ce sentiment. Je ne livrerais jamais quelque chose dont je ne suis pas complètement fière.»

Voilà déjà quatre ans qu'elle travaille sur son livre le plus ambitieux à ce jour, un projet de passion personnelle pour la cuisine des Alpes. «Je me demandais pourquoi personne n'avait jamais fait un tel ouvrage. J'ai finalement réalisé que c'était parce que ça coûte les yeux de la tête! Jusqu'à maintenant, j'ai dû engloutir environ 150 000 $ en dépenses de voyage, dont une bonne partie vient de ma poche. Mais j'apprends tellement à chaque livre.»

Elle a ainsi pu découvrir le Frioul pour le livre à paraître du restaurant Frasca Food & Wine, vivre au Claridge's, un des hôtels les plus mythiques du monde, skier et manger dans les Alpes... On a vu pire comme train de vie!

«Mais j'adore Montréal, affirme celle qui a vécu à Londres pendant quelques années et rend régulièrement visite à son amoureux milanais. C'est un peu chaotique et désorganisé comme ville, mais les meilleures gens sont ici.»

«Je pense que la créativité de Montréal, elle est surtout culinaire. Ici, une partie du milieu de la restauration réussit à travailler sans trop se laisser influencer par l'extérieur et ça crée des établissements réellement uniques et authentiques.»

«Il y a beaucoup de fausses idoles dans le monde, poursuit la volubile trentenaire, que ce soit en restauration, à la télévision, en politique ou ailleurs. Et quand je regarde les gens et les choses qui sont célébrés dans notre société, ça me désole. Je ne m'identifie pas à ces femmes, à ces gens. La superficialité ambiante me sidère. Mais quand je rentre à Montréal, je retrouve des gens vrais, travaillants, loyaux et intègres.»

Ce sont d'ailleurs de très travaillantes Montréalaises qui auront l'honneur de voir leur livre écrit par Mme Erickson: les soeurs Mandy et Rebecca Wolfe, de la chaîne montréalaise de salades Mandy's. À lire à l'été 2020!

Recette: pêches cardinal

Tirée du livre Joe Beef - Survivre à l'apocalypse, aux Éditions La Presse

Pour 4 portions

Ingrédients

- 1 boîte de 170 g (6 oz) de crème épaisse Carnation ou 1 petit pot de crème Devonshire (crème caillée)

- 120 g (1/2 tasse) de quark (fromage frais)

- 1 c. à thé de liqueur amaretto

- 150 g (3/4 de tasse) de sucre

- 520 g (4 tasses) de framboises fraîches

- 1 c. à thé de jus de citron frais

- 8 moitiés de pêche (en boîte)

- Biscuits Papineau ou sablés

Préparation

1. Dans un petit bol, bien mélanger la crème, le quark, l'amaretto et 50 g (1/4 de tasse) de sucre. Réfrigérer.

2. Dans une casserole, faire mijoter doucement les framboises avec le jus de citron et 100 g (1/2 tasse) de sucre pendant 5 minutes. Filtrer au tamis en appuyant sur les fruits avec le dos d'une cuillère pour extraire tout leur jus. Réfrigérer. 

3. Déposer quelques cuillerées de la préparation crémeuse dans des coupes en verre opaque. Couvrir chaque portion de 2 moitiés de pêche et napper de coulis de framboises. Servir avec des biscuits.

Photo fournie par les Éditions La Presse

Pêches Cardinal