Penser aux produits de saison, même en pâtisserie, privilégier les légumes, valoriser ses déchets... les restaurateurs sont toujours plus nombreux à se mettre au «vert», même s'il reste beaucoup de progrès à faire dans la profession.

Nicolas Gautier a eu le déclic à la naissance de ses fils: «Je n'ai pas envie de leur laisser une poubelle» pour planète!

Pour le jeune chef étoilé de Lambersart, «c'est une réflexion d'ensemble et un travail de tous les jours»: chercher des ingrédients locaux, directement auprès des producteurs, et même refaire sa cuisine, repensée «responsable», du stop-gouttes à la hotte à puissance réduite. Et puis former le personnel à respecter et rationaliser la ressource, du service du pain jusqu'à la plonge.

Pour sa contribution à un «dîner durable» organisé lundi dernier à Paris dans le cadre de la journée «L'R durable», tout était local: quenelle à la crème double (à farine nordiste), tatin d'oignon, volaille de Licques. Et anchois de l'Atlantique pour remplacer le sel lointain.

«La profession doit devenir responsable si elle veut continuer», souligne l'organisatrice de cet événement, Perrine Wardak, ex-chef elle-même. «Elle a pris le temps de s'y mettre», constate-t-elle, même si les groupes hôteliers sont plus en avance. Principaux freins invoqués: la crainte de surcoûts et le manque de temps pour trouver les bons fournisseurs.

«L'argument temps, je peux comprendre, même si c'est moins vrai avec internet. Mais le coût, ce n'est pas fondé», reprend le chef nordiste, citant ses fraises à 2,90 euros le kg.

L'empreinte carbone du beurre 

Certaines initiatives coûtent peu. Par exemple, réduire les portions de protéines animales et travailler mieux les légumes, comme le fait François Pasteau, de l'Epi Dupin à Paris, précurseur de l'engagement écolo en cuisine.

Selon lui, «les chefs se sont beaucoup rapprochés des produits». C'est moins vrai pour la pêche, en dépit du guide annuel publié par l'ONG SeaWeb Europe. Ça l'est encore moins pour l'enjeu climat, souligne ce chef, président de l'association «Bon pour le climat» qui veut encourager les restaurateurs à lutter contre le réchauffement planétaire.

«Moi-même je n'avais pas trop réfléchi à l'empreinte carbone du beurre, et en effet on a tendance à trop en manger!», relève-t-il. «L'idée c'est d'amorcer une prise de conscience».

Il faut oser bousculer un peu le client, estime Julien Dumas, le jeune chef de Lucas Carton, à Paris, qui ne propose plus à l'année «le plat mythique» d'Alain Senderens, les langoustines croustillantes, remplacées par du homard - jamais les femelles ! - pêché au large d'Etel, en Bretagne.

«Même si ce sont des clients historiques, on explique. Par exemple, que le mulet de pleine mer est un poisson fabuleux, meilleur que le bar», dit-il, relevant que «l'équipe de salle commence à comprendre et savoir en parler».

Le progrès viendra de la formation, soulignent les chefs: dès l'école hôtelière, apprendre le goût et la ressource. «Avant le premier cours de pratique, qu'on les amène sur un marché!», dit Nicolas Gautier.

L'information, des restaurateurs comme des consommateurs, sera la clé du changement, confirme Cédric Javanaud, océanologue à la fondation Good Planet.

«Aujourd'hui, le consommateur s'inquiète de l'origine de la viande, mais il est bizarrement plus souple avec le poisson. Il faut une prise de conscience! Et vous avez un rôle» pédagogique à jouer, lance-t-il aux chefs.