Un petit craquement sous la chaussure dans une ferme d'escargots en Pologne, ne peut signifier qu'une chose: vous avez marché sur la coquille d'un mollusque échappé de son enclos.

«C'est important de prendre toutes les mesures pour empêcher les escargots de s'enfuir parce qu'ils sont très malins pour le faire», explique Mariola Pilat, 35 ans, la directrice de la ferme «Snails Garden» (Le Jardin des Escargots) à Krasin en Mazurie, dans le nord de la Pologne.

«Ils finissent toujours par trouver un trou pour se faire la belle», dit-elle à l'AFP, ajoutant que l'escargot est beaucoup moins lent qu'on ne le croit.

Les fermes d'escargots élevés pour des fins gastronomiques sont en essor en Pologne, qui a exporté 282 tonnes d'escargots pour plus de 1 million d'euros en 2011, selon l'Office central des statistiques.

Recette emblématique de la gastronomie française, accommodée au beurre persillé, les fameux escargots de Bourgogne ne sont plus français. Les pesticides ont eu raison du gastéropode dans les campagnes françaises. Les amateurs viennent donc se fournir dans les élevages, notamment en Pologne.

Snails Garden est un poids lourd du secteur avec une production annuelle de 50 tonnes, soit cinq millions de mollusques.

La ferme produit des Petits-Gris et des Gros-Gris (Helix Aspersa) qu'elle exporte principalement vers l'Espagne, la France et l'Italie.

«Quand j'ai commencé il y a une dizaine d'années, il n'y avait que trois éleveurs, aujourd'hui il y en a 300», ajoute le propriétaire de la ferme Snails Garden, Grzegorz Skalmowski, 42 ans.

L'élevage de mollusques a des avantages par rapport au bétail, assure M. Skalmowski, dont les bureaux sont installés dans un bâtiment en forme d'escargot géant.

La mise de départ n'est pas très importante et il n'y a pas besoin d'un grand terrain, indique-t-il, soulignant que l'héliciculture suscite un intérêt grandissant en Pologne, même s'il s'agit d'un marché de niche.

«Pour les autres animaux, comme le bétail, les cochons ou la volaille, la compétition ici est féroce». Alors que l'élevage d'escargots «c'est quelque chose de nouveau et d'original», explique Maciej Ligaszewski de l'Institut polonais de la production animale.

Les escargots sont vendus vivants, avant leur fin inévitable dans l'eau bouillante, mais aussi sous forme de conserves, de caviar ou encore de crème pour le visage.

La Pologne a vendu pendant des décennies des escargots à la France, mais il s'agissait d'une espèce sauvage, qui était ramassée dans la nature, le Helix pomatia, qui servait de base à la préparation des fameux escargots de Bourgogne préparés au beurre persillé dans leur coquille.

«Les escargots de France, il n'y en a presque plus, pour la bonne raison qu'avec les pesticides ils ont crevé», explique Jacky Pommier, 84 ans, qui organise tous les ans en France un festival de dégustation d'escargots à Digoin (Saône-et-Loire).

«C'est pour cela qu'ils ont trouvé en Europe de l'Est des escargots qui ressemblent exactement à l'escargot de Bourgogne. Ils ont transformé les escargots de Pologne en escargots de Bourgogne», dit-il.

Cette espèce sauvage est protégée aujourd'hui en Pologne: le ramassage n'est possible que de la fin avril à la fin mai et l'animal doit mesurer au moins trois centimètres.

«Les ramasseurs d'escargots sont à la merci du temps», dit un employé du Jardin des escargots, Tomasz Kuchta, 36 ans, arpentant la campagne après la pluie avec un panier rempli de ces mollusques cherchant à remonter vers la sortie. «Ils doivent probablement sentir qu'ils se dirigent vers la table», sourit-il.

Si aujourd'hui ils sont essentiellement destinés à l'exportation, ils ont longtemps figuré en bonne place dans la cuisine traditionnelle polonaise.

«Le premier livre de cuisine polonais de 1682 contenait une série de recettes d'escargots. Ce qui est intéressant, c'est que ces recettes étaient plus nombreuses que celles du porc», dit l'historien Jaroslaw Dumanowski.

«La fin de la cuisine d'escargots est intervenue en même temps que l'effondrement de la cuisine polonaise après la Deuxième Guerre mondiale, en raison du mépris des communistes pour tout ce qui était richesse ou fantaisie», explique-t-il à l'AFP.

Mais aujourd'hui, avec l'amélioration du niveau de vie qui a suivi la fin du régime communiste, les escargots sont de retour sur les menus des restaurants et les rayons des supermarchés.

Snails Garden prépare une journée de dégustation avec notamment des «pierogi», un plat traditionnel de ravioli polonais, fourrés aux escargots.