D'ailleurs, Square Canada publiait cette semaine son Rapport sur le café 2016, une analyse à laquelle une centaine de ses clients, des cafés indépendants surtout, ont participé. On y apprend que Montréal est la ville où le coût moyen du café est le plus bas, à 2,67 $ la tasse, et que le café latte est « notre » boisson chaude favorite. Calgary, à l'opposé, facture en moyenne 4,22 $ par tasse de café.
La situation des clients qui s'éternisent sans consommer crée tout un dilemme chez ces entrepreneurs pour qui l'accueil et le service sympathiques sont cruciaux. Et c'est sans compter l'ambiance qui en prend un coup quand le café est bondé de gens qui travaillent en silence.
Chris Capell a beaucoup réfléchi à la question et au meilleur moyen d'intervenir en froissant le moins de gens possible. La solution qu'il a trouvée pour l'instant ? Une petite carte posée sur les tables sur laquelle se trouve le mot de passe du WiFi, mais aussi le modus vivendi du café ouvert depuis quatre ans : vous pouvez utiliser notre réseau, étudier, travailler même, mais dans les moments de fort achalandage, on range son portable.
« C'est une question de courtoisie et de sensibilité à son environnement, estime M. Capell. Pour moi, c'est un peu comme utiliser les toilettes d'un restaurant où l'on ne consomme rien. On s'assure d'abord que ça ne dérange pas. »
Au café Plume, la situation s'est à peu près placée, mais l'une des premières fois que David Sabourin a prévenu un client de la nouvelle politique de l'endroit (portables au comptoir seulement pendant les week-ends), le client a protesté en jetant son café par terre. « Aujourd'hui, il y a des gens qui nous remercient d'avoir fait ce changement. »
D'autres établissements, comme le 8 oz, rue Saint-Hubert, avaient pour leur part prévu toute une série de mesures pour prévenir ce genre de situation. Mais finalement, les travailleurs autonomes qui s'y installent « consomment bien », entre autres parce que la cuisine propose des repas complets.
« Ils prendront un café et une pâtisserie le matin, commanderont un lunch le midi, puis un autre café après, explique Xavier Girard, copropriétaire. Les week-ends, les familles viennent faire un tour et tout le monde cohabite très bien. »
Dominique Jacques et Myriam Asselin sont maintenant propriétaires de deux (petits) cafés Melk. Le premier, avenue Monkland, offre le WiFi, le deuxième, en plein centre-ville, non. « Dans NDG, on a des clients qui partent parce que c'est plein. Au centre-ville, la semaine, c'est rempli de gens qui travaillent dans les tours voisines, mais la fin de semaine, le fait de ne pas avoir l'internet nous nuit et certaines personnes n'osent pas entrer parce que c'est vide ! Les deux situations ont leurs inconvénients », déclare Dominique Jacques.
Café pour travailler
En réponse au désir des travailleurs autonomes de s'installer dans les cafés, on a commencé à voir apparaître des cafés imaginés expressément pour eux. Au GAB, par exemple, il y a un barista digne de ce nom, mais on peut également apporter ses boissons, son lunch, passer des heures sur son portable, tenir des réunions, faire livrer son courrier, imprimer des documents, etc., sans déranger personne.
Si ça se trouve, ce sont les flâneurs débarqués pour tout simplement prendre un café et refaire le monde qui sont dérangeants ! Si on veut travailler au GAB, il faut être capable de créer sa bulle.
La blogueuse Laure Juillard a adopté l'endroit, qu'elle fréquente en moyenne trois heures par jour, depuis le mois de novembre.
« Je trouve le lieu très beau, l'espace bien aménagé et la musique de qualité, déclare la jeune femme. C'est un espace de travail bien pensé et cool à la fois. Il y règne une ambiance très sympa et apaisante qui, personnellement, favorise beaucoup ma concentration. J'aime bien aussi les rencontres que j'y fais, des gens pros, curieux et très agréables. »
Au GAB, comme à l'Anticafé, rue Saint-Denis, on paie à l'heure : entre 1,30 $ et 2,50 $ l'heure au premier établissement, consommations non comprises, et, à l'Anticafé, 3 $ pour la première heure, 2 $ pour les suivantes, boissons chaudes et biscuits compris.
Dans les cafés classiques, on voit plutôt d'un bon oeil l'arrivée de ces espaces de travail partagés. Ceux-ci pourraient donner l'idée aux cafetiers d'instaurer un tarif à l'heure pour les clients qui veulent travailler, en échange de certains services. Peut-être même que les espaces de cotravail redonneront à certains cafés indépendants leur raison d'être première, soit celle d'être un lieu de socialisation où l'on fait la pause.