Des galas de plus en plus fréquents. Des champions en titre ou des combats de championnat annoncés. Après des années de torpeur, la boxe québécoise serait-elle en train de reprendre du poil de la bête ?

Florissant à une époque pourtant pas si lointaine, le pugilat d’ici a mangé son lot de pain noir ces derniers temps. La pandémie, qui a longtemps paralysé les sports de combat au Québec, n’a évidemment pas aidé. Mais même après la reprise des activités, on sentait que l’industrie cherchait ses repères… et un porte-étendard.

Or, depuis quelques mois, le portrait semble plus rose. Des espoirs prometteurs sont en pleine ascension, et le public répond présent aux évènements. En janvier, notamment, le duel entre Artur Beterbiev et Callum Smith a attiré un peu plus de 10 000 spectateurs au Centre Vidéotron. Un chiffre qui relevait presque de l’utopie après l’ère Lucian Bute et Jean Pascal.

« C’est reparti », lance sans détour Bernard Barré, vice-président aux opérations et au recrutement du Groupe Yvon Michel, lorsque La Presse l’a joint lundi.

N’empêche, la boxe québécoise a beau aller un peu mieux, elle se cherche encore une vedette. Un athlète qui transcendera son sport et autour duquel la population entière pourra se rallier.

Bute et Pascal ne se battent plus. David Lemieux et Marie-Ève Dicaire, très populaires au cours de leur carrière, ont aussi raccroché leurs gants. Qui sera donc le prochain à soulever les foules dans l’arène ?

« Il y a un creux à cet égard. On cherche la vedette québécoise qui va tirer le radeau », concède Barré.

PHOTO MORGANE CHOQUER, ARCHIVES LA PRESSE

Bernard Barré, vice-président aux opérations et au recrutement du Groupe Yvon Michel

Recette pour une vedette

Et qu’est-ce que ça prend pour être un boxeur vedette au Québec, exactement ?

Du talent et du succès sur le ring, cela va de soi. Une ceinture autour de la taille constitue toujours une jolie carte de visite. Mais surtout, il faut un charisme et une personnalité auxquels les amateurs doivent pouvoir s’identifier.

« Au hockey, ce n’est pas grave parce que tant que tu comptes des buts, ça va bien. Dans les autres sports, ça ne marche pas comme ça. Il faut une personnalité, quelque chose à vendre. Et malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui a ça », explique Barré.

Ce qui passe souvent par une bonne maîtrise de la langue française. Et ce qui peut expliquer pourquoi un triple champion du monde comme Beterbiev, par exemple, ne jouit pas d’une notoriété encore plus grande.

« La boxe, c’est un sport spectacle. Il y a des athlètes super talentueux, mais qui ne sont pas populaires. Et d’autres, comme [Arturo] Gatti, ont peut-être moins de talent, mais ils viennent chercher les gens », explique Antonin Décarie, vice-président d’Eye of the Tiger.

Selon ce dernier, l’actuelle génération de boxeurs a beau être moins connue, elle n’est certainement pas moins douée. « En ce moment, il y a peut-être moins de Québécois pure laine, comme on dit, mais il n’y a jamais eu autant de talent », assure-t-il.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Antonin Décarie, vice-président d’Eye of the Tiger

Duels locaux

À ce sujet, l’homme de coin vétéran Russ Anber se désole de voir très peu de pugilistes locaux s’affronter lors des différents galas. C’est la clé, selon lui, pour que la boxe puisse vraiment se démarquer à nouveau dans l’écosystème sportif québécois.

« On est une province de 9 millions de personnes et on n’est pas capables d’organiser un combat entre deux Québécois ? », demande-t-il avec ironie.

Il cite en exemple le récent duel entre Erik Bazinyan et Shakeel Phinn. On peut également penser au combat entre Francis Lafrenière et Renan St-Juste, au Centre Bell en 2016, qui avait fait hurler la foule dans le bon sens du terme.

« Les Québécois ne veulent pas affronter un autre [boxeur] local parce qu’ils ont tous peur de perdre, déplore Anber plus sérieusement. […] Ils ont peur de perdre leur fiche vierge. Ils préfèrent se battre contre des Mexicains ou d’autres [boxeurs étrangers]. »

Quand la salle est divisée [dans ses encouragements], même si ce sont des gars de calibre inférieur qui se battent, ça donne tout un combat.

Russ Anber

En attendant de voir le prochain choc tout québécois se matérialiser, les paris sont ouverts quant à l’identité de la prochaine grande idole des amateurs de boxe de la province.

Christian Mbilli, qui a signé une éclatante victoire à Shawinigan le week-end dernier et qui gravite dans les hauteurs des classements mondiaux, pourrait-il être l’élu ? Il en a certes le talent et le potentiel. L’avenir saura nous le dire.

D’ici là, il reste à souhaiter que la boxe québécoise poursuive sur sa lancée actuelle.

« On est habitués aux vagues, mais on finit toujours par s’en sortir. Tant qu’il restera deux individus sur terre, il pourra y avoir de la boxe », assure Bernard Barré.