Il ne faut pas se fier à son look hirsute: Jan Hudec est peut-être le coureur le plus sympathique sur le circuit de la Coupe du monde.

Ayant un mot pour tout le monde, toujours prêt à rire, il peut passer des dizaines et des dizaines de minutes à répondre à des questions. Justement, il ne restait plus que lui dans la zone d'entrevues après la descente du 9 février. L'Albertain de 32 ans s'interrogeait sur sa 21e place, s'inquiétait de l'état de son dos, mais prenait le tout avec un grain de sel.

À la mi-janvier, il s'est sérieusement blessé au dos en faisant un squat lors d'un entraînement en salle, à Calgary. «C'était une niaiserie, m'a-t-il dit. Je n'aurais peut-être pas dû y aller, tu sais. Il y avait toutes ces choses auxquelles penser avec l'entreprise.» En effet, 100 jours avant les Jeux olympiques de Sotchi, Hudec a ouvert une clinique d'ophtalmologie pour assurer son avenir et celui de son fils de 7 ans, Oaklee.

En quittant la station Rosa Khutor, ce jour-là, je ne donnais pas cher de ses chances au super-G. «Je ne sais pas si j'aurais gagé sur lui, mais je ne parierais jamais contre lui», a affirmé Erik Guay après que son collègue eut remporté la médaille de bronze hier.

Hudec, lui, avait misé un gros huard sur ses chances.

C'est Kerrin Lee-Gartner, championne olympique de descente en 1992, qui le lui avait apporté en Russie. Hudec en avait fait la demande à Max Gartner, son mentor, ex-président de Canada Alpin et mari de Kerrin Lee, qui commente les courses de ski alpin pour la CBC. À la demande de Gartner, Hudec a enterré le huard sous la trace de la ligne d'arrivée, samedi. La tradition a commencé à Lake Louise.

«Ça représente bien à quel point il est un personnage complexe, a noté Lee-Gartner. Il est prêt à croire en sa chance et à son rêve, même si son corps semble indiquer qu'il ne pourra rien faire.»

Un miraculé

L'histoire personnelle de Hudec est un roman en soi. Né en Tchécoslovaquie, il avait 9 mois quand sa famille a fait défection en Italie en traversant la mer Adriatique dans une petite embarcation fabriquée par le père. Ils ont vécu quatre ans dans un camp de réfugiés en Allemagne. Sa mère, une fondeuse, et son père, un entraîneur de ski alpin, lui ont appris à skier en se rendant en Autriche les fins de semaine.

Victime de cinq ruptures du ligament croisé antérieur (LCA), dont certaines ont nécessité plus d'une opération, Hudec est une sorte de miraculé du ski alpin. Vice-champion du monde en descente en 2007, il est devenu le premier Canadien à remporter la descente de Lake Louise la saison suivante. Après un podium à Bormio, un mois plus tard, il s'est démoli le genou pour la troisième fois. Il a mis quatre ans et demi - et une autre déchirure du LCA! - avant de remonter sur le podium en 2012.

Véritable cheval de course, Hudec a une touche exceptionnelle sur ses planches. Quand la neige est instable, comme c'est le cas à Rosa Khutor, il en tire encore plus avantage. «Il est l'un des skieurs les plus talentueux de l'histoire récente», a affirmé Paul Kristofic, vice-président sports à Canada Alpin. «Demande à n'importe quel coach international qui est sur le circuit depuis 10 ans. Peu de gens peuvent générer de la vitesse comme ça. Son talent est super impressionnant.»

Son affabilité l'est tout autant, et c'est probablement pour ça qu'on le surnomme le Panda.

«Je suis fou de joie considérant d'où je viens, même depuis les cinq dernières semaines», a dit Hudec après avoir envoyé Kristofic récupérer le précieux dollar. «Ce n'est rien de moins qu'un miracle d'être ici, d'être en mesure de skier à ce niveau. Je me sens béni. En même temps, je sens que j'avais encore de l'essence dans le réservoir pour la médaille d'or...»