Marc Bergevin a popularisé l'expression «reset» cet été. Dans le jargon du hockey, l'exercice consiste à faire quelques changements, sans reconstruire complètement, de façon à remettre les compteurs à zéro et permettre à la «machine» de repartir rapidement.

Or, la réinitialisation est un art. Il faut du doigté, et aussi de la chance, pour réussir à relancer une organisation à l'agonie en moins d'un an.

Analysons le classement actuel, et l'ordre du repêchage de juin. Parmi les quinze premiers clubs à repêcher*, donc en principe quinze équipes éliminées des séries, seulement trois sont en position actuellement de se qualifier pour les éliminatoires cette année: les Sabres de Buffalo, le Canadien et les Oilers d'Edmonton.

Parmi ces trois clubs, les Sabres et les Oilers sont en reconstruction depuis de nombreuses années. Ils n'entrent pas dans la catégorie des «réinitialisateurs».

Les Sabres ont repêché six fois dans le top 8 depuis les six dernières années, dont trois fois parmi les deux premiers: Rasmus Dahlin (1er, 2018), Jack Eichel (2e, 2015) et Sam Reinhart (2e, 2014).

Les Oilers ont bénéficié de six choix dans le top 4 entre 2010 et 2016: Taylor Hall (1er, 2010), Ryan Nugent-Hopkins (1er, 2011), Nail Yakupov (1er, 2012), Leon Draisaitl (3e, 2014), Connor McDavid (1er, 2015) et Jesse Puljujarvi (4e, 2016).

Et encore, Edmonton a eu besoin de congédier son entraîneur Todd McLellan il y a quelques semaines pour quitter la cave du classement sous la nouvelle autorité de Ken Hitchcock.

On pourrait ajouter les Flames de Calgary à la liste des «réinitialisateurs» avec le Canadien. Les Flames de Calgary ont raté les séries éliminatoires eux aussi l'an dernier, quoiqu'avec une fiche plus respectable de 37-35-10.

Comme le Canadien, les Flames ont fait des changements importants cet été. Ils ont congédié l'entraîneur Glen Gulutzan pour le remplacer par Bill Peters. Celui-ci venait de démissionner de son poste avec les Hurricanes de la Caroline.

Les Flames ont aussi échangé deux joueurs importants, Micheal Ferland et le défenseur Dougie Hamilton (et l'espoir Adam Fox) pour obtenir Elias Lindholm et Noah Hanifin. Lindholm a amassé trois autres points hier, pour porter son total à 37 en 34 matchs au sein du premier trio avec Sean Monahan et Johnny Gaudreau. Le gardien Dave Rittich semble en voie de voler le poste de numéro un à Mike Smith. Calgary occupe le troisième rang du classement général ce matin.

Des clubs en perpétuelle reconstruction, les Coyotes de l'Arizona, les Panthers de la Floride et les Hurricanes de la Caroline, occupent encore une position désavantageuse au classement.

Les Coyotes ont perdu à court terme l'échange avec le Canadien. Max Domi, un membre de leur deuxième trio l'an dernier, a 33 points en 33 matchs à Montréal. Galchenyuk en a seulement 11, dont 3 buts, en 22 rencontres. Leur gardien numéro un est blessé. Leurs deux premiers choix en 2014 et 2015, Dylan Strome (3e au total) et Brendan Perlini (12e au total) viennent d'être échangés pour Nick Schmaltz après des saisons improductives.

En Floride, Dale Tallon est en poste depuis 2010, hormis une pause d'un an en 2016-2017. En huit ans, les Panthers ont participé aux séries deux fois et perdu chaque fois en première ronde.

Les Hurricanes ont changé leur directeur général et leur entraîneur cet été. Ils ont de bons jeunes éléments pour espérer des jours meilleurs. Mais le nouveau DG Don Waddell a quand même fait cadeau aux Sabres de Buffalo de Jeff Skinner pour des choix de deuxième et troisième rondes, et d'un jeune, Cliff Pu, qui n'a rien d'un espoir.

Skinner a 24 buts en 34 matchs avec les Sabres. Seul Alexander Ovechkin en a plus que lui. À ce rythme, Skinner en obtiendra 58. Le nouveau propriétaire des Hurricanes, Tom Dundon, affirmait il y a quelques jours vouloir une équipe plus offensive. Pas sûr qu'il a bien digéré la transaction.

Quant à Marc Bergevin, on l'a sévèrement critiqué, souvent avec raison, ces dernières années, mais il a connu un été fantastique. Il a déniché deux centres offensifs, Max Domi et Jesperi Kotkaniemi. Tomas Tatar permet d'atténuer la perte de Max Pacioretty. L'arrivée de Domi a relancé Jonathan Drouin et permis d'embellir l'échange de Mikhail Sergachev.

Le Canadien a aussi refait le plein d'espoirs. D'abord Nick Suzuki, obtenu dans l'échange de Pacioretty. Josh Brook, un choix de deuxième ronde en 2017, a énormément progressé depuis un an. Il jouera vraisemblablement au sein de la première paire de défenseurs canadiens lors du Championnat mondial junior. Ryan Poehling continue de bien mûrir dans la NCAA. Alexander Romanov, un choix de deuxième ronde contesté au départ, a réussi à mériter un poste avec la prestigieuse formation CSKA Moscou à 18 ans et il a été identifié comme l'un des deux défenseurs russes d'avenir par Vladimir Malakhov, l'ancien défenseur du Canadien désormais développeur de talent chez les Islanders.

Mais le succès est fragile. Parlez-en aux Devils du New Jersey, qui semblaient avoir réussi leur «réinitialisation» l'an dernier, avant de se retrouver à nouveau dans la cave du classement cette année.

*Les Islanders de New York détenaient deux choix au 11e et 12e rang le premier choix des Flames de Calgary pour Travis Hamonic. On ajoute les Flyers de Philadelphie, qui repêchaient au 14e rang avec le choix obtenu des Blues de St. Louis pour Brayden Schenn.

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À LIRE 

Le collègue Richard Labbé évoque justement les changements opérés chez le Canadien depuis un an. Vous aurez le décompte plus exact !

Par ailleurs, je fais rarement de l'autopromotion, mais je vous invite à lire ma grande entrevue réalisée avec Patrice Lefebvre, l'un des plus grands joueurs de la LHJMQ, né 20 ans trop tôt à une époque où les petits joueurs n'avaient pas la chance de percer. Je n'ose pas imaginer le type de carrière qu'il aurait pu connaître avec un gestionnaire plus visionnaire...