Émilie Heymans a passé une bonne demi-heure à répondre aux questions des journalistes, hier matin. Inlassablement, le même sujet est revenu sur la table: cette possibilité, à la fois réelle et grandiose, de passer à l'histoire dès dimanche en devenant la première plongeuse à remporter quatre médailles en autant de Jeux.

Devant les assauts répétés des journalistes, elle a tenu le même discours. Oui, bien sûr, elle aimerait franchir cette marque. Mais elle n'en fait pas une maladie, loin de là.

«Si je fais autre chose que faire des entrevues, je n'y pense pas trop. Parce qu'en entrevue, c'est une question qui revient, et c'est normal, explique la plongeuse de 30 ans. Ça fait au moins depuis janvier que je fais des entrevues et ça fait depuis janvier que j'en parle!»

«Si ça arrive, c'est beau, ça va être vraiment le fun. Mais si ça n'arrive pas, ce n'est pas la fin du monde. Ce ne sont pas ces Jeux-là qui vont définir ma carrière au complet, tranche-t-elle. Je suis vraiment contente de ce que j'ai accompli et peu importe ce que je fais ici, ça n'enlèvera rien à ce que j'ai fait avant.»

Ce qu'elle a fait avant? À l'âge de 18 ans, la native de Bruxelles a remporté l'argent en synchro aux Jeux de Sydney. Elle a répété l'exploit quatre ans plus tard, en 2004, obtenant le bronze à Athènes. Heymans a complété son tableau de chasse olympique en gagnant l'argent à Pékin au 10 m.

Trois en trois, donc. À Londres, elle s'est qualifiée au plongeon de 3 m et en synchro. C'est dans cette dernière épreuve qu'elle a le plus de chances d'ajouter cette quatrième médaille olympique qui la ferait passer à l'histoire.

«Mes entraînements vont super bien. Je me suis vraiment bien préparée. Advienne que pourra», dit Heymans.

Éloigner la pression

Ses paroles trahissent un certain abandon. Même si elles sont sincères, on devine qu'elles sont motivées par la volonté de ne pas se mettre une pression insoutenable. C'est peut-être la partenaire d'Heymans en synchro qui résume le mieux la situation: pour Jennifer Abel, tout est une question de perception.

«On n'en parle pas ensemble. Parce que oui, c'est important d'entrer dans l'histoire, mais ça n'entre pas dans nos objectifs, relate la plongeuse de 20 ans. Notre objectif, c'est de monter sur le podium, pas d'entrer dans l'histoire. Parce que si on voit ça comme ça, on se met beaucoup trop de pression.»

Heymans et Abel vont s'exécuter dimanche en fin de journée. Plutôt que de se réveiller en se disant «aujourd'hui, je dois gagner une médaille et passer à l'histoire», la Montréalaise promet de se concentrer sur chacun de ses plongeons.

«Tu ne peux pas garder tes yeux, garder ton énergie sur le résultat, sur la médaille. Tu dois penser à ce que tu dois faire pour bien réussir, dit-elle. Parce que si la performance n'est pas là, c'est certain que la médaille ne sera pas là. Dans la journée, l'attention est sur le prochain plongeon. Pas plus loin.»

Jennifer Abel pense évidemment la même chose. Mais elle avoue que de remporter une médaille dimanche serait quelque chose d'exceptionnel. «Je suis heureuse de partager ça avec Émilie, je veux être à ses côtés quand ce moment-là va arriver, admet la jeune athlète. Ça ne fait pas longtemps qu'on est ensemble, ça fait deux ans, et je pense que chacune, on ne voudrait vivre ce moment-là avec personne d'autre.»